Un homme de peu de foi marche sur l’eau
« Homme de peu de foi. » Si le Seigneur Jésus m’interpellait ainsi après avoir répondu à une de mes prières, cela ne m’étonnerait pas, et je suppose que vous êtes comme moi : nous prions souvent le Seigneur sans avoir au fond du cœur l’assurance que nous allons recevoir ce que nous demandons.
Mais quand le Seigneur dit cela à un homme qui fait appel à lui alors qu’il est debout sur une mer en furie après avoir obéi à son commandement, alors là je me pose des questions sur la foi et le doute !
C’est à l’apôtre Pierre que le Seigneur fait ce reproche ; cet épisode de sa vie nous est rapporté dans l’évangile selon Matthieu au chapitre 14. Après avoir miraculeusement nourri plus de 5000 personnes, Jésus a obligé les disciples à monter dans une barque et à entreprendre la traversée du lac de Galilée, puis il s’est retiré à l’écart pour prier.
« La barque était déjà à une distance de plusieurs stades de la terre, malmenée par les vagues ; car le vent était contraire. Vers la fin de la nuit, Jésus se dirigea vers ses disciples en marchant sur les eaux du . À la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux en marchant sur la mer.
Quand les disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés et dirent : C’est un fantôme ! Et dans leur crainte, ils poussèrent des cris. Jésus leur dit aussitôt : Rassurez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur ! Pierre lui répondit : Si c’est toi, ordonne-moi d’aller vers toi sur les eaux.
Et il dit : Viens ! Pierre sortit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais en voyant que le vent était fort, il eut peur, et, comme il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur, sauve-moi ! Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Ils montèrent dans la barque, et le vent tomba.
Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant Jésus et dirent : Tu es véritablement le Fils de Dieu. » (Mat 14.24-33 – Bible à la Colombe)
Quand nous lisons ce récit confortablement assis sur les bancs de l’église ou dans notre fauteuil, nous nous étonnons que les disciples n’aient pas réalisé tout de suite que c’était Jésus qui venait à eux en marchant sur l’eau ; ils venaient tout de même d’assister à la multiplication des pains et des poissons ! Rien n’aurait dû les surprendre de la part du Seigneur !
Oui mais, les difficultés…
Mais ils étaient bien comme nous, ou plutôt nous sommes tout à fait comme eux : quand nous sommes aux prises avec des difficultés, nous oublions bien vite le Seigneur et les délivrances qu’il nous a accordées dans le passé. Si nous pensons à lui, il nous arrive même de nous demander si nous ne nous sommes pas fait des illusions, s’il n’est pas un « fantôme », alors que les difficultés, elles, sont bien réelles ! Nous pouvons même aller jusqu’à méconnaître son action en notre faveur et y voir une menace supplémentaire, un « fantôme ».
Mais le Seigneur est plein de compassion ! Il ne fait aucun reproche aux disciples effrayés (alors qu’il en fera un à Pierre !) et il les encourage aussitôt : « Rassurez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur ! » Quel soulagement cela a dû être pour les disciples d’entendre ces paroles, de reconnaître la voix de Jésus au sein de la tempête !
La foi en action
Parmi ces disciples, il y a Pierre bien sûr, Pierre le bouillant, Pierre l’impétueux, toujours prompt à réagir. Il est le seul à prendre la parole, et ce qu’il dit nous étonne. Quelle idée : demander au Seigneur de lui commander de marcher sur l’eau lui aussi ! Je pense que moi je n’aurais jamais osé, parce que ma foi est bien trop petite ! Mais lui, il a osé, il a été le seul à oser…
Pierre a une foi immense, mais une foi éclairée, lucide : il sait qu’il a besoin d’un commandement du Seigneur pour marcher sur l’eau. Il ne pourra le faire que si cela correspond à la volonté du Seigneur ; il ne dit pas : « Seigneur, je veux, moi aussi, marcher sur l’eau ! » Il en a pourtant envie, mais il ne veut pas agir suivant son désir sans le « feu vert » du Seigneur.
Ne nous méprenons pas : Pierre ne pose aucune condition au Seigneur ; l’expression « si c’est toi… » a probablement une valeur affirmative : « puisque c’est toi… »1 Pierre n’a pas besoin que Jésus lui ordonne de venir à lui pour être sûr que c’est le Seigneur, mais il a besoin de cet ordre pour mettre sa foi en action.
C’est ce que Jacques enseignera plus tard : « La prière agissante (la prière accompagnée d’un acte de foi) du juste a une grande efficacité. Élie était un homme de même nature que nous : il pria avec instance pour qu’il ne pleuve pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois. » (Jac 5.16-17) La foi se prouve par des actes…
Pierre n’hésite pas une seconde : dès que Jésus lui dit « Viens ! », il met le pied hors de la barque, et marche sur l’eau d’une mer en furie. Il marche… « les yeux fixés sur Jésus, l’auteur de la foi et celui qui la mène à la perfection. » (Héb 12.2)
Jusqu’au moment où…
Et tout va bien… jusqu’à ce qu’il détourne les yeux du Seigneur, car alors il voit les circonstances et elles sont effrayantes : le vent soulève d’énormes vagues, et lui, il est debout sur l’eau au milieu de ces vagues !
Alors Pierre « commence à enfoncer ». Il « commence » seulement, alors qu’il aurait dû couler comme une pierre (c’est le cas de le dire !). Mais le Seigneur étend la main et le saisit : il est sauvé !
Alors vient cette parole surprenante : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Parole surprenante, mais aussi parole qui me reprend, car si la foi de Pierre était petite, alors la mienne est microscopique !
Comme nous l’avons vu plus haut, Pierre avait une foi extraordinaire, au point d’oser sortir de la sécurité (toute relative !) de la barque pour marcher sur l’eau à la rencontre du Seigneur. Et pourtant le Seigneur (qui ne peut se tromper) dit qu’il a manqué de foi, qu’il a douté au lieu d’avoir confiance.
Douter de qui ou de quoi ?
Pierre a donc douté : de qui ou de quoi a-t-il douté ? La réponse à cette question peut nous aider à comprendre ce que le Seigneur lui reproche, et ce qu’il veut nous apprendre par cet épisode de la vie de Pierre.
Pierre n’a certainement pas douté du Seigneur ! S’il n’avait pas eu confiance en lui, il n’aurait jamais mis ne serait-ce qu’un pied hors de la barque, et il ne lui aurait pas non plus demandé de le sauver lorsqu’il a commencé à enfoncer !
Mais Pierre a douté de sa capacité à faire ce que le Seigneur lui demandait : aller jusqu’à lui en marchant sur une mer déchaînée. C’est arrivé lorsqu’il a détourné ses regards du Seigneur pour regarder les circonstances, lorsque la parole du Seigneur (« Viens ! ») est devenue moins importante pour lui que ses émotions, que la peur qu’en pêcheur expérimenté il pouvait ressentir en se voyant debout sur une mer en furie.
Dieu donne ce qu’il ordonne
Ne lui jetons pas la pierre ! Combien souvent il nous arrive de douter alors que nous avons reçu une réponse positive du Seigneur ! Nous avons prié avant de nous engager dans ce qui nous apparaît comme la volonté de Dieu pour nous, mais, quand des difficultés surviennent, nous doutons, non pas du Seigneur lui-même, mais de la capacité qu’il nous donne d’aller jusqu’au bout de ce qu’il nous demande. Or, comme Saint-Augustin l’a écrit quelque part,« Ce que le Saint-Esprit ordonne, il le donne. » Cela s’applique aussi au Seigneur Jésus et à la situation de Pierre, mais Pierre a douté…
La foi n’est pas une denrée, que l’on peut avoir en plus ou moins grande quantité, mais une relation qui est plus ou moins intense. Nous pouvons nous comparer à un moteur électrique : pour qu’il fonctionne il faut qu’il soit relié à une source de courant (« les yeux fixés sur Jésus ») ; si l’on coupe l’alimentation, il continuera à tourner un moment par inertie, mais il ne tardera pas à s’arrêter; par contre, si la tension du courant augmente, il tournera plus vite.
C. S. Lewis, grand connaisseur de l’âme humaine, a écrit un livre intitulé Tactique du diable dans lequel un démon expérimenté donne des conseils à son jeune neveu apprenti. Dans sa sixième lettre, il lui dit que le doute est une arme à utiliser pour contrecarrer l’œuvre de Dieu, et il affirme que si son élève arrive à ce que le chrétien auquel il cherche à nuire soit plus occupé de ce qu’il ressent que de Dieu lui-même, il aura réussi.
Échec au doute
C’est ce qui est arrivé à Pierre et qui nous arrive souvent : si nous sommes focalisés sur ce que nous ressentons par rapport à telle ou telle circonstance, nous perdons le Seigneur de vue, et l’intensité de notre foi baisse…
Le Seigneur est toujours là ; nous avons toujours confiance (foi) en lui, mais nous doutons : vais-je arriver au bout ? Notre foi est « petite », elle n’est peut-être plus « agissante », mais le Seigneur lui ne varie pas : il nous suffit de nous « rebrancher » sur lui et nous remportons la victoire dans nos circonstances.
Je suis un homme de peu de foi et il m’arrive souvent de commencer à enfoncer à cause de mes doutes, mais je ne sombre pas car Jésus, mon Sauveur, est le Seigneur tout-puissant.
À lui la gloire, pour l’éternité, mais aussi dès à présent dans mes circonstances !