Dossier: Le livre de Job
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Un plan pour le livre de Job, une réponse de Dieu à Job

Le plan général du livre

Le livre de Job a un plan simple à établir. Un épilogue en prose (42.7-17) répond à un prologue en prose également (1.1-2.13), encadrant une longue partie centrale en vers (3.1-42.6).
Trois cycles de dialogues entre Job et ses trois amis couvrent la majorité de la partie centrale (3-26)1 . Job prend d’abord la parole2  pour prononcer une lamentation, avant que ses « amis » entament leurs cycles de reproches auxquels Job répond pied à pied.
Suivent deux discours de Job introduits par la formule : « Job prit de nouveau la parole sous forme sentencieuse et dit : … » (27.1 ; 29.1) jusqu’à ce qu’on trouve la mention : « Fin des paroles de Job. » (31.40b)
Un quatrième ami, Elihu, prend alors la parole et prononce un long discours ponctué par trois adresses à Job (33.1, 31 ; 37.14) et une pause (36.1), délimitant ainsi cinq sections.
Enfin Dieu prend la parole à deux reprises, : « L’Éternel répondit à Job du milieu de la tempête et dit : » (38.1 ; 40.1) ; chaque discours divin est suivi par une courte réponse de Job.

Le livre peut ainsi se répartir ainsi en 7 parties :
A. Prologue : les épreuves de Job…………………………….. 1.1-2.13
B. Lamentation de Job……………………………………………. 3
C. 3 cycles de dialogues entre Job et ses 3 amis ………….4-26
D. Monologue de Job ……………………………………………….27-31
C’. Discours d’Elihu …………………………………………………32-37
B’. Réponse de Dieu du milieu de la tempête ……………..38-42.6
A’. Épilogue …………………………………………………………….42.7-17

Une structure en chiasme apparaît ainsi naturellement, avec l’épilogue (A’) qui répond au prologue (A) et le discours d’Élihu (C’) qui répond aux dialogues entre Job et ses amis (C). Nous reviendrons après sur la correspondance entre la lamentation initiale de Job (B) et la réponse de l’Éternel (B’). Le monologue final de Job occupe ainsi la partie centrale (D) : c’est dans ces chapitres que Job reprend et résume (si l’on peut dire, car la partie est longue !) ses griefs contre Dieu et la justification de sa bonne conduite en face des accusations de ses amis.

La correspondance entre le prologue et l’épilogue

Ces deux parties se répondent non seulement par leur style (en prose), mais de façon extraordinairement précise dans leur déroulé :

Prologue

.a. Introduction : la vie juste de Job (1.1)
..b. Les enfants de Job : 7 fils et 3 filles (1.2)
…c. Les troupeaux de Job : 7 000 brebis, 3 000 chameaux, 500 paires de bœufs, 500 ânesses (1.3)
….d. Le festin : les enfants (frères et sœurs) de Job font un festin (1.4-5)
…..e. Les afflictions de Job commencent (1.6-2.10)
……f. Les 3 amis de Job, dont le nom est donné, viennent vers Job pour le consoler (2.11)
…….g. Les 3 amis sont silencieux 7 jours et 7 nuits (2.12-13)

Épilogue

…….g. Les 3 amis sont repris par Dieu et doivent offrir 7 taureaux et 7 béliers (42.7-8)
……f. Les 3 amis, dont le nom est donné, viennent vers Job pour qu’il intercède pour eux (42.9)
…..e. Les afflictions de Job sont finies (42.10)
….d. Le festin : les frères et sœurs de Job font un repas avec lui (42.11)
…c. Les troupeaux de Job : 14 000 brebis, 6 000 chameaux, 1 000 paires de bœufs, 1 000 ânesses (42.12)
..b. Les enfants de Job : 7 fils et 3 filles (42.13-15)
.a. Conclusion : la vie longue de Job (42.16-17)

Le livre de Job s’achève donc par une espèce de « retour à la case départ » — en mieux même puisque le Seigneur accorde à Job de retrouver sa richesse initiale (mais multipliée exactement par deux) et exactement le même nombre d’enfants (mais avec des filles encore plus jolies). C’est presque trop beau pour être vrai. Si la vie de tous les malheureux qui se retrouvent si bien dans les propos parfois désespérés de Job finissait en « happy end », on le saurait !Pourtant la symétrie entre la conclusion et l’introduction montre de façon prophétique à chacun de ceux qui souffrent aujourd’hui que la souffrance et le mal ne se perpétueront pas à toujours. Ce que Job a connu à la fin de sa vie de façon matérielle, tous les croyants qui passent par l’épreuve le connaîtront de façon certaine quand, dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre, il n’y aura plus « ni deuil, ni cri, ni peine » (Apoc 21.4). L’aboutissement ne sera pas seulement une longue vie bien remplie, mais la vie éternelle. Le nombre d’années de vie supplémentaires de Job le suggère peut-être : 140 se décompose en 2 x 7 x 10 : une double (2) plénitude (7) pour l’homme (10). Alors, pour reprendre le propos de Paul, « nos légères afflictions du moment présent produiront pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire » (2 Cor 4.17).

La correspondance entre la lamentation de Job et la réponse de Dieu

Loin d’être un artifice pour arriver à un plan intellectuellement satisfaisant, la correspondance entre le chapitre 3 et les chapitres 38 à 41 est frappante.
Le chapitre 3 comprend deux parties : tout d’abord, Job formule une suite de souhaits — de malédictions plutôt — sur le jour de sa naissance introduits par « que » (3.2-10). Il enchaîne ensuite sur des « pourquoi » (3.11-23) sur la raison de sa naissance et, plus généralement, de celle des souffrants, avant une brève conclusion sur sa situation présente (3.24-26).
C’est presque point par point, en reprenant les mots même utilisés par Job, que l’Éternel va répondre à son fidèle. « Les paroles de Dieu préparent le terrain au rétablissement de Job en le forçant à retirer la malédiction qui pèse sur les débats depuis le chapitre 3. Job a prononcé une malédiction sur son “jour” et il a invoqué ceux qui savent réveiller le léviathan. Dieu somme Job d’assumer le rôle de dieu et de voir quelle autorité il serait capable d’exercer au cours d’une journée — ou sur tout autre aspect du cosmos (38.12 et suiv.). Job avoue son impuissance (40.3-5). Ensuite, Dieu réveille le léviathan et demande à Job s’il est prêt à l’affronter (41.1 et suiv.). Encore une fois, Job admet son impuissance (42.1-6). » 3 Un commentateur a calculé que plus de 60 mots différents employés par Job dans le ch. 3 se retrouvent dans le discours divin des ch. 38 à 41, souvent à plusieurs reprises. Au total, les correspondances seraient supérieures à 140.
En voici trois, parmi les plus caractéristiques — outre le léviathan :
 Job souhaite « que les étoiles de son crépuscule s’obscurcissent, que [la nuit] attende en vain la lumière, et qu’elle ne voie point les paupières de l’aurore ! » (3.9). Dieu évoque la création où « les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse » (38.8), puis il va nommer plusieurs constellations d’étoiles (38.31-32).
 Job se sent sans force (3.17) et Dieu lui parle de la force qu’il a mise dans sa création, que ce soit pour le buffle (39.14), le cheval (39.24) ou le béhémoth (40.11).
 Job se recroqueville dans ses peurs : « Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive ; ce que je redoute, c’est ce qui m’atteint » (3.25), tandis que Dieu lui oppose l’audace du cheval : « Il se rit de la crainte, il n’a pas peur. » (39.25)
Oui, Dieu a vraiment répondu à Job en lui apparaissant et en lui ouvrant une autre perspective, ô combien plus grande, celle de ses desseins glorieux (38.2). Job l’a bien compris et conclut : « Je reconnais que tu peux tout, et que rien ne s’oppose à tes pensées. — Quel est celui qui a la folie d’obscurcir mes desseins ? — Oui, j’ai parlé, sans les comprendre. » (42.2-3).

Le cœur du livre : le discours sur la sagesse (ch. 28)

Le plan général du livre donné ci-dessus place au centre le monologue de Job des chapitres 27 à 31, avec ses deux parties, 27-28 et 29-31. Or de nombreux commentateurs ont relevé la singularité du chapitre 28, magnifique discours sur la sagesse. Il est donc possible de l’isoler du chapitre 27 et de diviser le monologue en trois sections, dont le chapitre 28 serait le centre — et, de facto, le centre de tout le livre. Le sommet qu’est le chapitre 28 qualifie le livre de Job comme faisant partie des « écrits de sagesse ». Plus qu’une narration historique4 , il s’agit d’une réflexion de sagesse, à l’instar des Proverbes ou de l’Ecclésiaste. Et le livre de Job doit être lu et interprété à cette lumière. La sagesse « doit être comprise comme ce qui donne ordre et cohérence »5  à la création de Dieu ; aussi n’est-il pas étonnant que ce soit en dépeignant quelques traits de sa création que Dieu s’adresse finalement à Job.
Un indice corrobore la mise en évidence du chapitre 28 comme centre du livre. Ce chapitre se termine par ce propos que Job met dans la bouche de Dieu : « Voici, la crainte du Seigneur, c’est la sagesse ; s’éloigner du mal, c’est l’intelligence. » Cette maxime fait directement écho au premier verset du livre : Job « craignait Dieu, et se détournait du mal » (1.1b). Mais il a fallu que Job passe par des expériences ô combien douloureuses pour percevoir vraiment ce qu’est la sagesse divine et faire complètement confiance à un Dieu dont la sagesse dépasse totalement sa compréhension limitée — « des merveilles qui me dépassent et que je ne conçois pas » (42.3b), conclut Job.

Plan détaillé
A. Prologue : les épreuves de Job 1.1-2.13
   B. Lamentation de Job
C. 3
 cycles de dialogues entre Job et ses 3 amis 4-26
              Cycle 1                                                                                        4-14

Éliphaz                                                                                    4-5
Réponse de Job                                                                      6-7
Bildad                                                                                     8
Réponse de Job                                                                      9-10
Tsophar                                                                                  11
Réponse de Job                                                                      12-14

              Cycle 2                                                                                        15-21

Éliphaz                                                                                    15
Réponse de Job                                                                      16-17
Bildad                                                                                     18
Réponse de Job                                                                      19
Tsophar                                                                                  20
Réponse de Job                                                                      21

              Cycle 3                                                                                        22-26

Éliphaz                                                                                    22
Réponse de Job                                                                      23-24
Bildad                                                                                     25
Réponse de Job                                                                      26

            D. Monologues de Job 27-31

1er monologue                                                                         27
Discours sur la sagesse                                                      28
2nd monologue                                                                         29-31

         C’. Discours d’Élihu                                                       32-37

      B’. Réponse de Dieu du milieu de la tempête                    38-42.6

1re réponse de Dieu                                                                           38-39.35
1re réponse de Job                                                                       39.36-38
2nde réponse de Dieu                                                                         40-41
2nde réponse de Job                                                                      42.1-6

A’. Épilogue : les bénédictions de Job                                  42.7-17

 

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  1. Le 3e cycle ne comprend pas de discours de Tsophar. Certains ont cru devoir l’introduire avant 27.13, mais il s’agit d’une pure conjecture.
  2. « Après cela, Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance. » (3.1)
  3. A.Cooper, « Narrative Theory and the Book of Job”, Studies in Religion 11 (1982), p. 39-43, cité par D.A. Dorsey, The Literary Structure of the Old Testament: A Commentary on Genesis–Malachi, p. 170). Le présent article doit largement à ce dernier ouvrage.
  4. Même si nous retenons pour notre part l’historicité du personnage de Job.
  5. John H. Walton, Job, NIVAC, p. 294. Nous recommandons tout le développement de cet auteur sur le ch. 28 qui est très pénétrante.
Dossier : Le livre de Job
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.