Dossier: 2 Corinthiens
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Un trésor dans des vases de terre (2 Corinthiens 4.7-5.10)

Le passage s’inscrit dans la continuité directe de celui dans lequel Paul présente la gloire supérieure de la nouvelle alliance, au service de laquelle il se présente, comparée à la gloire de l’ancienne alliance, qu’il reproche aux « super-apôtres » de réintroduire sous couvert de l’Évangile, pour leur propre profit.

Au début du chapitre 4, Paul accuse les super-apôtres de ruse, de falsification de la parole de Dieu, d’être des incrédules aveuglés par Satan (4.2-4). En contraste, l’Évangile qu’il proclame le conduit à prendre un rôle de serviteur des autres pour mettre Christ au centre (4.5). Mais il doit alors faire face à l’accusation de faiblesse, de timidité (10.1-2), là où l’éloquence de leurs discours (10.6) est censée refléter la puissance de Christ (13.3).
Et Paul fait de cette faiblesse apparente, un argument en faveur de son ministère :

Elle ôte toute ambiguïté dans l’attribution de la puissance (4.7)

Au vu de sa faiblesse, cette puissance ne peut venir de lui, c’est donc celle de Dieu qui est à l’œuvre. On peut ici lire en creux une critique de Paul à ses adversaires. Il les accuse de jouer sur cette ambiguïté pour s’attribuer ne serait-ce qu’une part de la gloire qui ne revient qu’à Dieu seul.

C’est au travers de cette faiblesse que transparaît le plus visiblement l’image de Jésus (4.8-12)

À la liste des souffrances que Paul évoque, on peut difficilement éviter le rapprochement avec Jésus. Paul le fait d’ailleurs explicitement : il porte dans son corps les souffrances du Seigneur Jésus.
Le Dieu-Roi est devenu un homme pauvre et simple. Venu pour aimer et sauver, il a souffert le rejet, les menaces puis la torture et la mort.
Il ne s’agit pas pour Paul d’ajouter par ses souffrances quoi que ce soit à la valeur expiatoire des souffrances et de la mort de Jésus.
Son œuvre est complète. Mais de son arrestation jusqu’à son dernier souffle, l’agonie de Christ a aussi eu pour but de faire briller d’autant plus fort le message qu’il a continué de communiquer au travers de ses souffrances. Le pardon qu’il prêchait n’a pas d’exemple plus fort que celui qu’il demande depuis la croix pour ses persécuteurs. L’amour filial qu’il recommande n’a pas d’expression plus touchante que celui qu’il témoigne à sa mère avant de mourir. Et c’est dans la recherche du même but que Paul inscrit ses propres souffrances pour la cause de l’Évangile dans la continuité de celles de son Seigneur. À travers elles, il manifeste concrètement à ceux qui le voient, ce que le Seigneur a traversé. Et de la même manière que les souffrances du Seigneur jettent une lumière éblouissante sur son message, celles de Paul mettent en valeur l’Évangile qu’il prêche et qu’il vit jusque dans ces épreuves : afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, révélée dans notre corps mortel. Et c’est au travers de cette mort que se transmet cet Évangile concret, cette vie de Jésus, d’où le passage du « nous » au « vous » (4.12) : « Ainsi la mort agit en nous, et la vie agit en vous. »
Paul retourne donc l’accusation de faiblesse en la présentant comme une preuve de son ministère. Là encore, on peut y voir en négatif une critique de ces super-apôtres qui avançaient des miracles et une rhétorique maîtrisée à l’appui de leur prétendu ministère. Le vrai serviteur de l’Évangile est celui dont la vie même reflète celle du Seigneur, au détriment de l’affirmation de sa propre personne.

Et puisque Paul souffre à l’image de Christ, il sera aussi ressuscité à son image (4.13-15)

Ce qui fait de lui un objet de mépris pour certains est pour Paul l’assurance de son avenir éternel avec Dieu et une preuve supplémentaire de son apostolat. Dans le Psaume 116 qu’il cite, l’auteur n’a pas honte de rappeler la faiblesse dans laquelle il s’était retrouvé. Sa confiance en Dieu lui a permis de traverser son épreuve dont le souvenir fait abonder la reconnaissance publique du poète.
De la même manière, l’assurance de Paul (« j’ai cru », 4.13) l’affranchit de toute honte vis-à-vis de ses faiblesses qu’il a exposées librement dans les versets précédents (« j’ai parlé »). Loin d’être un discrédit porté à son ministère, elles sont le canal par lequel Dieu touche les cœurs afin de multiplier la grâce et de faire abonder la reconnaissance à la gloire de Dieu (4.15).

C’est au-delà de sa vie présente que Paul recherche un accomplissement (4.16-18)

Les super-apôtres sont probablement obnubilés par la recherche d’une gloire dans le temps présent et sont en travail constant pour conserver l’attention, l’admiration de leurs contemporains. La gloire de Paul est à venir et certaine, il ne cherche donc pas, à tout prix, une reconnaissance visible de ses contemporains mais plutôt celle invisible de Dieu. Les super-apôtres luttent continuellement pour retenir une gloire qui a tendance à les fuir ; Paul voit patiemment le moment de la sienne se rapprocher de manière inéluctable, tout en voyant son capital augmenter au fil des épreuves qui lui sont imposées…

Mais la souffrance n’est pas l’horizon du croyant

Dans le début du chapitre 5, Paul se permet un petit excursus sur le sujet de la résurrection qu’il vient d’effleurer. Peut-être que ses adversaires, non contents de se focaliser sur la vie présente, nient carrément la vie après la résurrection ? Je n’ai pas trouvé d’affirmation en ce sens. En tout cas, la Première Épître fait assez clairement état de Corinthiens qui la mettaient en doute et versaient soit dans une mortification de leurs membres considérés comme mauvais, soit dans un comportement licencieux puisque, de toute façon, ce qui était fait dans le corps n’avait pas d’importance. Une précision est donc probablement bienvenue pour éviter que l’attitude dans laquelle il s’est présenté vis-à-vis de ses souffrances soit prise pour une forme de mépris du corps. En effet, ce qui n’est pas visible ne signifie pas ce qui est immatériel mais plutôt ce qui n’a pas encore été manifesté. Et cette description du corps ressuscité a aussi l’avantage d’appuyer l’espérance décrite à la fin du chapitre 4 tout en responsabilisant les destinataires par rapport à ce qu’ils font aujourd’hui dans leur corps mortel.
L’apôtre utilise deux images parallèles : celle de la tente et de la maison, de l’édifice ainsi que celle du corps et de l’habit. Ces images permettent de distinguer trois situations :
• La situation présente : il habite une tente, il est habillé de son corps mortel qui est un lieu de gémissements et qui se détruit.
• La situation intermédiaire : la nudité. Après la mort physique, nous nous retrouvons dans la présence de Dieu, dans l’attente de la résurrection. C’est une situation meilleure que celle dans laquelle nous gémissons mais pas aussi enviable que celle dans laquelle nous serons vêtus à nouveau et pour l’éternité.
• La situation finale, celle à laquelle il aspire le plus : il habitera l’édifice que Dieu lui a construit, il sera habillé de son corps éternel dans lequel, tout ce qui est actuellement mortel aura été englouti dans la vie.

Paul désire être revêtu par-dessus son habit actuel plutôt que de voir celui-ci détruit. Cela peut laisser penser que notre corps céleste aura une forme de continuité avec notre corps actuel, puisqu’il engloutira dans la vie tout ce qui est mortel. Ce faisant, Paul donne un certain prix à notre corps actuel. Il reconnaît lui-même qu’il préférerait ne pas traverser la mort, donc subir la perte de celui-ci. Il avertit ainsi les Corinthiens de leur responsabilité vis-à-vis de l’emploi qu’ils en font. Le verset 10 va aussi dans ce sens en prévenant que nous comparaîtrons tous pour rendre compte de ce que nous aurons fait « dans notre corps ».
Mais à côté de cet avertissement, Paul fournit des assurances réconfortantes : c’est Dieu qui le prépare à ce renouvellement par son Esprit qui est, d’une part, le sceau de la promesse et, d’autre part, celui qui renouvelle dès à présent son être intérieur.
Il est donc certain d’aller vers le mieux, ce qui le remplit de confiance.

En conclusion

Alors que retenir de ce passage ?
• Nous pouvons admirer le plan de Dieu qui se révèle dans l’humble condition de ses serviteurs et qui fait briller son message dans les personnes qui souffrent en son nom. Mais s’il leur accorde la grâce de souffrir comme Christ, pour son Évangile, c’est aussi lui qui les renouvelle et leur donne de fixer les yeux par avance sur la gloire à laquelle il les destine. S’il permet que leur corps mortel soit perdu, il leur promet un corps parfait dans sa présence éternelle.
• Nous devons aussi nous laisser interpeller par l’attitude de Paul qui revendique sa faiblesse.Puis-je affirmer comme lui que je porte « les souffrances du Seigneur » dans mon corps pour que sa vie s’y manifeste et soit communiquée ?
Bien sûr, nous ne sommes pas apôtres ni même tous évangélistes. Mais nous sommes tous témoins. Et la question : « Est-ce que ceux qui me voient et m’entendent parler perçoivent  Christ ? » nous avons à nous la poser. Mes collègues, mes voisins ont-ils eu l’occasion de voir quelqu’un pour qui leur salut est un réel fardeau ? Ou quelqu’un de commun, accessoirement chrétien, mais qui ne les dérange pas avec ça ? Est-ce que je « pue » la mort ou est-ce que j’embaume la vie, pour reprendre l’image de Paul (2.16) ? Et quand je passe par l’épreuve, est-ce que je la traverse seulement en gémissant sur mon sort (ce qui peut se comprendre) ou est-ce que je demande aussi à Dieu d’en faire une occasion de manifester sa gloire ?
• Est-ce que, à l’inverse, je n’ai pas tendance à rechercher l’approbation de mes semblables plutôt que celle de Dieu ? Mes yeux sont-ils fixés sur la récompense au ciel comme l’étaient ceux de Paul, ou sur ce que je pourrais acquérir déjà aujourd’hui en termes de confort, de carrière, etc.
• Nous vivons pour l’instant dans un corps qui dépérit et peut-être même ce dépérissement se manifeste-t-il plus cruellement pour certains d’entre nous. Mais, même s’il dysfonctionne ou semble destiné à se décomposer, c’est ce corps qui sera renouvelé. Comment cultiver dès aujourd’hui dans ce corps, la relation que je vivrai pour l’éternité avec Dieu quand il l’aura renouvelé ?

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Richardeau David
David est marié et père de deux petits garçons. Il s’est impliqué dans les GBU pendant ses études puis pendant des années dans des camps chrétiens pour enfants et adolescents. Il est membre actif d’une église évangélique de Montélimar dans la Drôme