Une charte pour l’entreprise
BIBLE ET SOCIETE
Préambule
Quelles sont les catégories « socio-professionnelles » condamnées par le Nouveau Testament ? En fait, une seule: celle des prostituées. Pourquoi ? Simplement parce que leur activité est inséparable du péché d’idolâtrie qu’est l’immoralité.
Pourtant l’ensemble du Nouveau Testament et l’Evangile en particulier regorgent de rencontres diverses. ]ésus, mais aussi ]ean-Baptiste, sont souvent interpellés par leurs contemporains : que devons-nous faire ?
Luc 3.12-14, nous rapporte les conseils que ]ean-Baptiste donna, par exemple, aux percepteurs et aux militaires, pour leur permettre de continuer leur activité professionnelle sans s’éloigner du Père.
17.14-15) et même mis en évidence pour que nos proches voient nos bonnes oeuvres et qu’ils en glorifient notre Père qui est dans les cieux (Mat 5.15-16). Sans distinction de classe sociale, Dieu veut que nous répandions en tout lieu, l’odeur de la co naissance de Christ (2 Cor 2.14), le parfum de la grâce. Et comment entendront-ils parler s’il n’y a personne qui prêche ? (Rom 10.14)… là où ils sont.
S’il n’y a pas de doctrine de l’entreprise chrétienne dans la Bible, il y a une doctrine de l’entrepreneur chrétien qui, au travers de son activité, proclamera la gloire du Père dans sa sphère professionnelle et aussi auprès de ses employés. Par son comportement il laissera une empreinte différente dans les milieux décisionnaires à l’instar de Joseph, Esther, Daniel et bien d’autres.
Le dirigeant
Pour lui même d’abord, le dirigeant doit clairement se positionner: qu’il soit salarié, gérant ou P.D.G. – pour prendre exemple sur les statuts français – il est numéro 2, gérant de ce que Dieu lui a confié, parce qu’il nous est demandé de faire toute chose comme pour le Seigneur, pour sa gloire (1 Cor 10.31) et en rendant des actions de grâces (Col 3.17).
Mais, comme en toutes choses d’ailleurs, les excès et la confusion mènent à la destruction. Pour les excès, la Parole de Dieu, nous recommande d’être vigilants et de ne pas prendre le nom de l’Eternel comme prétexte ou à la légère (Ex 20.7).
Pour la confusion, nous pouvons nous appuyer sur le texte de Matthieu 6.24 «vous ne pouvez servir Dieu et Mammon». Ce texte n’est pas un appel à la pauvreté, c’est un principe de gestion des richesses. L’entrepreneur qui doit le développement économique de sa société, ne doit pas servir le système économique universel et encore moins le promouvoir. Si la contradiction n’est qu’apparente, la rupture est profonde. L’activité économique « moderne » est une recherche du profit (pouvoir) personnel. L’entrepreneur chrétien qui ne peut souscrire à cette définition, s’inscrira en faux. Le rayonnement de sa prise de position augmentera avec la croissance de sa société.
Conscient de l’importance de la tâche qui lui est confiée, le dirigeant – tout comme les bons et fidèles serviteurs de Luc 19.17- sait qu’il doit racheter le temps, car les jours sont mauvais, sans être inconsidéré et comprenant la volonté du Seigneur (Eph 5.17). Placé comme une lampe au milieu des ténèbres, il aura soin d’agir dans la clarté. L’honnêteté peut même ébranler un contrôleur fiscal (1 Pi 2.15), particulièrement formé à la suspicion !
Les actionnaires
L’homme est ainsi fait, qu’il a besoin du conseil des autres pour diriger sa vie (Pr 13.10). Seul l’ennemi cherche à nous isoler. La loi sociale également incite le dirigeant à s’entourer d’un conseil d’administration, qui est normalement constitué d’actionnaires.
Au moment de la création d’entreprise, le dirigeant veillera particulièrement au choix de ses associés. Pour garder sa liberté d’action (chrétienne), il lui faut rejeter toute association disparate avec des non-chrétiens. Il aura à subir une forte pression extérieure qui tentera de le faire dévier de sa position, si en plus il se trouve avec un ver à l’intérieur, la situation risque de devenir très vite intenable (2 Cor 6,14). C’est donc auprès de chrétiens professionnellement et spirituellement qualifiés, qu’il recherchera le soutien qui le rendra solide (Ecc 4.12). Seul un frère ou une sour pourra le rappeler à l’amour et aux bonnes oeuvres (Héb 10.24).
Le dirigeant doit accepter de recevoir les conseils.
Le dirigeant doit accepter de donner.
Au percepteur et au militaire, Jean-Baptiste a adressé le même conseil: « Attention au profit personnel ! » Le jeune homme riche de Luc 18, plus attaché à ses richesses personnelles qu’à son envie de service, devint triste. Avec le temps, celui qui thésaurise se laisse lier par ses richesses, jusqu’à en oublier les vraies priorités (Luc 12.21).
Partout la Bible nous dit que Dieu donne à ses enfants et leur demande de partager. L’Ecclésiaste nous précise même « donne une part à sept et même à huit » (Ecc 11.2). Le dirigeant doit accepter de partager.
Le personnel
Avant d’aborder, ou plutôt de revenir sur le rayonnement extérieur, voyons le rayonnement intérieur.
Pour beaucoup, la gestion du personnel en est restée au stade de «diviser pour régner»; la rétention d’information est la forme la plus courante du pouvoir. D’autres essayent honnêtement de se former en suivant des cours de «management».
Pour nous qui sommes ambassadeurs de Christ et représentants du royaume, lorsque nous sommes pères, nous devons gérer nos relations avec nos enfants comme le Père le fait avec nous. De même, en tant que chef d’entreprise – leader – nous avons de nombreux modèles sur la conduite des hommes, le recours à Dieu, la délégation, la récompense ou la correction.
Former pour déléguer
Le fondement essentiel à ne perdre de vue sous aucun prétexte est que nous sommes là pour transmettre autour de nous la part de grâce qui nous a été communiquée: recréer l’espoir dans ce monde désespéré !
Si l’employé est chrétien, la situation est plus délicate encore. D’abord parce que les Epîtres nous apportent des prescriptions particulières telles que : Maîtres ne menacez pas votre serviteur (Eph 6.2) ou Serviteurs ne méprisez pas votre maître, mais servez le avec plus de zèle encore (2 Tim 6.2). Les dérapages résultent en général de la confusion du double rapport dirigeant-employé et frères en Christ. Ensuite parce que le dirigeant devra veiller à ce qu’à aucun moment l’employé non chrétien puisse ressentir une disparité dans la qualité des relations humaines au sein de l’entreprise.
Activité et clientèle
Le carnet de commande est et reste le point central de l’entreprise. Le dirigeant chrétien a entre les mains deux cartes sûres: providence et compétence.
Providence parce que notre Père céleste sait ce dont nous avons besoin (Mat 6.32). Dans 1 Rois 17.6, les corbeaux amènent la nourriture matin et soir, aux heures des repas et dans 2 Rois 4.6 l’huile, manifestation de la providence, ne s’arrête de couler que lorsque les récipients disponibles sont pleins.
Compétence, parce que même si le Seigneur pourvoit, l’entrepreneur aura à développer le même engagement et le même savoir-faire que ses concurrents athées. Notons au passage qu’à la compétence naturelle, pour ceux dont le cour est bien disposé, l’Eternel ajoute encore du savoir-faire (Ex 35.31,35; 36.2).
Compétence, parce qu’en face du client nous devons être irréprochables… au milieu d’une génération perverse (Phi12.15).
Conclusion
Le principe économique mis en oevre est « l’oïkonomia » (faire fructifier un bien confié pour assurer la subsistance de plusieurs) et non le « chrematiske » (recherche du profit personnel).
La réussite n’est pas le signe de la bénédiction de Dieu sur notre vie professionnelle; il peut la donner un temps, il peut l’écarter de notre route selon son bon vouloir – sa bonté me rassure.
L’entreprise n’est pas une finalité en soi, elle n’est qu’un terrain d’expérimentation de notre foi. L’entrepreneur veillera à rester dans les dispositions d’esprit de Salomon: Ecoutons la/in du discours : crains Dieu et observe ses commandements. C’est là ce que doit faire tout homme. Car Dieu amènera toute oeuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal (Ecc 12.13-14).
N.d.l.r. – L’auteur de cet article est chef d’entreprise à Lille où il a créé sa propre entreprise il y a quelques années. La vision biblique du monde englobe l’éthique du travail tant pour l’entrepreneur que pour l’ouvrier chrétien. Cela touche, bien entendu, l’économie. Nous vivons des temps difficiles; les valeurs de l’éthique chrétienne ont été mises au rancart, et l’économisme humaniste est en train de ruiner la société occidentale. Nous invitons entrepreneurs et ouvriers chrétiens à réfléchir sérieusement sur ce thème. Nous attendons avec plaisir vos remarques et suggestions dans l’engagement de ce combat à la gloire de Dieu: contribuer ensemble à la gestion de la terre selon le mandat divin reçu dans Gen 1.28-31.
Nous recommandons la lecture du livre .Vision chrétienne du monde. par B. Walsh et R. Middleton (Editions Sator).
H. Lüscher