Vous avez dit anthropomorphisme ?
Quel est le sens des expressions bibliques qui attribuent à Dieu la forme, les actions ou les sentiments des hommes ?
Ces anthropomorphismes se trouvent en filigrane d’un bout à l’autre de la Bible.
Rares sont les lecteurs qui en déduisent que Dieu est pourvu d’un corps physique mais certains sont plus ou moins déconcertés par ce langage figuré ; le chrétien a besoin de repères.
Un mode de communication adapté à une différence singulière
Dieu est invisible : « Nul homme ne l’a vu, ni ne peut le voir » même s’il peut se manifester sous une forme visible. Dieu est présent partout : « Les cieux et les cieux des cieux ne peuvent le contenir », même s’il peut manifester sa présence en un lieu précis. « Dieu est Esprit », mais il a créé l’homme en chair et en os. Par quel langage ce Dieu qui est esprit, invisible et infini peut-il donc se faire connaître à l’homme dont la pensée et le langage sont limités par sa vie corporelle ? Il
s’est servi de l’analogie et de l’anthropomorphisme : « Le Seigneur s’est mis à notre portée comme des parents qui imitent le balbutiement de leurs enfants pour communiquer avec eux » (J.-M. Nicole).
Dieu aux traits humains
De nombreux textes lui prêtent un corps : il étend sa main pour nous sauver, ouvre sa bouche pour nous parler, tend son oreille pour nous écouter. Il chevauche dans les cieux, descend sur la terre, et même rit et siffle. Au début de la Bible il façonne l’homme de la poussière du sol comme un
potier et à sa fin, essuie toute larme des yeux de ses enfants comme un parent. Les émotions humaines sont également attribuées à Dieu. De la Bible, ce langage passe naturellement dans les prières et le témoignage du chrétien qui, un jour, se rend compte qu’il doit veiller à la cohérence de ses propos.
Dieu a-t-il un corps ?
Les figures qui prêtent à Dieu un corps ne sont pas à prendre au pied de la lettre, puisqu’il est Esprit. Bien qu’invisible et esprit, parfois Dieu s’est fait connaître partiellement sous une forme visible et humaine. Après sa lutte avec « un homme », Jacob a dit : « J’ai vu Dieu face à face. » De la même manière, Dieu s’est révélé à Moïse, Ésaïe, Ézéchiel et bien d’autres. Puisque sa forme, à ces occasions, variait d’une manifestation à une autre, elle ne constituait pas son être essentiel.
Ces théophanies (que l’on a appelé anthropomorphismes en action) « peuvent être considérées comme un prélude à l’incarnation » (J.-M. Nicole), l’incarnation elle-même est parfois appelée l’anthropomorphisme suprême mais le corps du Fils de Dieu n’est pas une figure. « En lui habite toute la plénitude de Dieu corporellement » (Col 1.15).
Dieu a-t-il des sentiments ?
Certes Dieu n’est pas déstabilisé comme les hommes par des émotions qui le maîtrisent. « En lui il n’y a ni changement ni ombre due à des variations. » Cependant comment concevoir le Dieu de la croix sans sentiment ? « Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » Ni la souffrance, ni la méchanceté des hommes ne le laissent indifférent. « Comme un père est plein d’amour pour ses enfants, l’Éternel est rempli d’amour pour ceux qui le révèrent ». Ceci dit, il ne faut pas oublier que les termes qui désignent nos émotions ont acquis des nuances péjoratives à cause du péché humain. Nous devons donc écarter ces nuances, lorsque nous attribuons des émotions à Dieu. Dieu est-il jaloux ? Oui, dans ce sens qu’il ne tolère aucun rival, comme un époux qui aime sa femme, mais il n’y a en lui rien qui ressemble à l’envie humaine qui ne supporte pas la joie des autres. Et la colère de Dieu ? Oui il s’oppose au mal sous toutes ses formes et le jugera, mais sa colère n’est pas capricieuse.
Dieu regretta
Il « regretta d’avoir fait l’homme sur la terre » (Gen 6). Certains se sont appuyés sur ce « regret » de Dieu pour affirmer qu’il ne connaît pas d’avance les choix des hommes. Pour eux, cette position est nécessaire pour maintenir la liberté humaine. Cependant, Jésus connaissait d’avance le reniement de Pierre et la trahison de Judas sans que leur responsabilité en soit diminuée pour autant. Que dire, donc, du regret de Dieu ? « Il n’est pas comme un être humain pour se rétracter » (1 Sam 15.29). Il ne revient pas sur ses desseins ou ses promesses mais, fidèle à lui-même, il change d’approche dans son accompagnement des hommes instables qui s’égarent.
Dieu se reposa
« Il se reposa au septième jour » (Gen 2). Un musulman peut s’en étonner, citant le Coran qui affirme que Dieu a tout créé sans se fatiguer. Cependant le repos de Dieu ne suppose pas sa
fatigue. « Le Dieu d’éternité, qui a créé les extrémités de la terre… ne se fatigue ni ne se lasse » (És 40.28). Son repos signifie l’achèvement de la création et le plaisir qu’il y prend.
Dieu se souvint
« Dieu se souvint de Noé ». « L’arc paraîtra… et je me souviendrai de mon alliance » (Gen 8.1, 9.15); Non, la mémoire de Dieu ne défaille pas !
L’homme peut penser qu’il est oublié mais Dieu, qui n’ignore pas la mort d’un moineau, est constamment attentif à ses créatures et promet à son peuple : « Moi je ne t’oublierai pas » (És 49.15). Il se souvient dans ce sens qu’il choisit son heure pour mettre en œuvre ses promesses en leur faveur.
Un langage à savourer
Par les anthropomorphismes de sa Parole, Dieu s’accommode à notre faiblesse pour nous faire comprendre qu’il est vivant et personnel. Ce langage est donc une grâce, même si nous avons besoin de l’interpréter avec retenue. Le chrétien ne doit pas non plus y voir un code à décrypter. Il convient plutôt de savourer le langage que Dieu a choisi. « Comme un Berger, il paîtra son troupeau et il rassemblera ses agneaux dans ses bras et les portera dans son sein » (És 40.11).
Transposons la figure en langage abstrait, mais surtout laissons-nous réconforter ! Lorsque le peuple de Dieu craint qu’il soit oublié, il n’est pas nécessaire de cliquer mentalement sur « anthropomorphisme » pour apprécier la réponse de Dieu : « Voici, je t’ai gravé dans le creux de mes mains. »
En attendant
La nature de Dieu ne peut pas nous être révélée pleinement par le langage humain. C’est, en partie, ce qui fait dire à l’apôtre Paul qu’ « aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir ». Les anthropomorphismes bibliques en sont une illustration.
Leur audace et leur simplicité nous invitent à une relation dynamique avec le Dieu vivant et nous donnent le moyen d’en parler en attendant… le jour où « nous verrons face à face ». ■