Série: L'église
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L’Autorité dans l’église locale (1)

L’EGLISE

1. Les sources

Jacques Dubois, pasteur, théologien et conférencier très connu, nous gratifie d’une série de trois articles sur l’autorité dans l’église locale vue sous l’angle des sources, de la pratique, et de ses limites. Il est également auteur d’un excellent petit catéchisme: Croire et Vivre, aux éditions Emmaüs, CH-1806 Saint-Légier (Suisse) et de nombreux articles. Homme de grande expérience, il expose ce sujet si actuel et pourtant si impopulaire et mal vécu. Vu l’importance du thème, nous signalons à nos lecteurs qu’il a déjà été traité par l’auteur sous les mêmes titres dans la Revue bimestrielle des CAEF Servir en L’attendant (nos 2, 3, et 4, mars – août 1998), 40, chemin de Lautagne, FR-26000 Valence). La première partie aborde les Sources de l’autorité dans l’église locale.

Pour qu’une église puisse prospérer, la question de l’autorité doit être réglée. Disons-le d’emblée: tout prestige personnel doit être écarté. Le Seigneur a dit: «Si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit le dernier de tous, et le serviteur de tous!» (Marc 9.35) Il y va de la gloire du Seigneur lui-même, car les églises lui appartiennent! Le Christ est la tête, l’Église est son corps. Dieu veut voir prospérer ces églises locales, et être saintes en vue de son avènement.

1. Une autorité fondée

Toute autorité repose sur Dieu luimême. Il en est la source unique. L’autorité est l’expression de sa souveraineté absolue, divine et éternelle.

En Gen 1, Dieu se présente comme «Elohim». Un nom au pluriel désignant trois personnes: le Père, le Fils et le Saint- Esprit.

En Gen 2 apparaît un second nom, le fameux tétragramme, les 4 lettres YHWH qui se disent «Yahvé» et signifient «Je suis». Ce nom exprime aussi la personne de Dieu dans sa plénitude, son autorité ainsi que sa présence permanente.

Ces textes révèlent l’origine de la source première. Il n’y a rien au delà, ni dans le temps, ni dans l’espace, ni dans l’éternité d’une autre autorité qui serait concurrentielle. En Elohim/Yahvé sont fondés et subsistent éternellement tous les attributs de la nature du Dieu unique.

Le Fils s’appelle Jésus-Christ. Il occupe une place centrale, car il est Dieu et Seigneur dans le sens absolu et divin du terme. Il a autorité comme le Père, de toute éternité. Cette autorité, il ne l’a pas acquise à la suite de son incarnation, mais il la possède de droit divin. Il l’a puissamment manifestée à la création. Lorsque nous lisons «Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut,» la Parole a donc existé bien avant qu’elle ne soit faite chair! Chaque fois que nous lisons «Dieu dit…» c’est lui qui opère, le Fils de Dieu, Jésus-Christ. Col 1.17 l’atteste: «Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.» Il règne sur la vie et la mort. Il a tout pouvoir dans les cieux et sur la terre. «Dieu a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père» (Jean 5.21).

A la même source se trouve aussi le Saint-Esprit, qui occupe une place essentielle. Nous devons lui donner la place que lui attribue la Bible. Les excès et les dérapages qui ont lieu en certains milieux ne doivent pas avoir pour effet de minimiser la place du Saint-Esprit. Jésus a promis d’envoyer le Saint-Esprit sur la terre après son ascension au ciel et dit qu’il habitera en chaque chrétien. Il a accompli sa promesse à la Pentecôte. Dans la Bible, le Saint-Esprit est présent du début à la fin. Gen 1.2 déclare: «L’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux…» Apoc 22.17 présente: «l’Esprit et l’épouse disent: Viens!» Et le Seigneur répond: «Oui, je viens bientôt.» Et entre ce début et cette fin, combien de fois n’apparaît-il pas?

Dieu est trinitaire, voilà qui fait trois sources concomitantes. Elles sont ensemble dans une unité fondamentale, une unité sans confusion; c’est là qu’est le fondement. Ce sont les sources supérieures!

Parlons maintenant de la source inférieure, qui vient d’en haut, qui est entre nos mains. C’est dans ce sens-là que je la nomme «source inférieure», et seulement dans ce sens-là. Pour nous, l’autorité divine se trouve en un lieu accessible, ne varietur, c.-à-d. qui ne change pas: la Bible, authentique parole de Dieu! Il faudra quinze siècles, de Moïse à Jésus, pour que soit achevée la révélation biblique, source parfaite d’autorité normative et fonctionnelle. En l’Écriture et par elle, Dieu parle aux hommes, et à tous les hommes, pas seulement aux chrétiens. Voilà donc les sources d’autorité qui sont le fondement premier et immuable: Dieu et sa Parole. Elle est révélation, elle s’est incarnée en Jésus-Christ, et elle est illumination.

La révélation est à la fois «Loi et Évangile ». L’Évangile déjà dans l’ancienne alliance. Et la loi est encore, d’une certaine manière, dans la nouvelle alliance. Il nous faut lire p.ex. Mat 5.17-48. Parole écrite, la Bible se différencie de la parole des hommes (1 Thes 2.13).

L’incarnation: le temps du Christ sur terre, Parole faite chair, Dieu parmi nous, Emmanuel, avec toute son autorité. Et quelle autorité! Rien ne lui a résisté, pas même la mort! Il peut dire: «Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre» (Mat 28.18).

Quant à l’illumination, c’est l’Esprit de vie. Il a inspiré la Bible. Il se tient au service du Christ, il nous fait naître de nouveau. Il nous conduit, nous éclaire, nous équipe, nous prépare pour le grand rendez-vous. Il participe, en nous, à l’autorité que nous avons reçue du Père et du Fils.

Je voudrais donner ici trois mises en garde. La première relative à l’Esprit, la seconde au Christ, la troisième aux Écritures.

Par rapport à l’Esprit, il s’agit de ne pas le mettre au tout premier plan pour ne pas tomber dans l’illuminisme ou le mysticisme. Les révélations des pseudoprophètes actuels font souvent soit abandonner la Parole de Dieu, soit y ajouter ou en retrancher. L’avertissement est des plus sévères: «A celui qui ajoute, j’ajouterai les plaies… A celui qui retranche, je retrancherai son nom de l’arbre de vie» (Apoc 22.18,19).

Relative au Christ, la mise en garde est de ne pas détacher le Christ des Écritures. Sinon, nous substituons au Christ vivant une idole à la mesure des hommes, un christ humain, fait par les hommes: un christ social, moral, exemplaire, révolutionnaire, panthéiste, cosmique… Le sermon sur la montagne est une prédication dont la portée sublime n’a jamais été égalée. Mais est-il vécu dans le christianisme, par les chrétiens? Ces paroles vont droit au coeur pour qui les reçoit telles quelles.

Malheureusement, le christianisme n’est généralement pas compris dans ce sens! Bien que nous chantions: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre», il n’y a aujourd’hui ni gloire à Dieu, ni paix sur la terre…

Passons aux Écritures, pour lesquelles la mise en garde est de ne pas nous y attacher sans reconnaître aussitôt le Christ en leur centre. Sinon, nous allons vers une orthodoxie morte, comme les chefs religieux du temps de Jésus.

L’autorité exercée par Dieu nous oblige à une écoute fidèle et soumise, qui produit une action spontanée et persévérante. On ne fait pas une action pour écouter ensuite. On écoute d’abord, puis on agit après avoir bien écouté et bien compris.

Je mentionne ici, sans approfondir, la révolte des hommes contre Dieu et son autorité. Je cite 2 Tim 4.3-5: «Il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, se tourneront vers les fables. Mais toi, sois sobre en tout, supporte les souffrances, fais l’œuvre d’un évangéliste, remplis bien ton ministère. »

2. Une autorité contestée

Nous vivons dans un monde post-chrétien. L’apôtre Paul, dans la deuxième épître à Timothée, parle du temps de l’apostasie. On peut parler de post-modernité. Le sentiment est là que la modernité a implosé après la seconde guerre mondiale. Les causes de cette situation conduisent à la contestation de toute autorité, avec la conséquence d’une marche vers le chaos.

Il y a refus de toute autorité, un refus de soumission, de n’importe qui pour n’importe quoi. Paul écrit à Timothée: «Dans les derniers temps, les hommes seront rebelles à leurs parents.» Ceci est révélateur d’un état d’esprit qui se généralise, tant il est vrai que les parents sont le symbole même de l’autorité. Et c’est par là que tout commence! Encore que, parfois, les enfants n’aient pas besoin de se révolter contre les parents, parce que tant de parents sont totalement inexistants…

La Bible est une cible de choix de la rébellion, car c’est une cible accessible! Dieu, en quelque sorte, serait la première cible; mais lui reste complètement en dehors des limites d’atteinte des hommes. Ce que les hommes peuvent dire, écrire, faire, ne le touche absolument pas dans sa sainteté, dans sa gloire, dans sa puissance, dans son autorité. Par contre, cela le touche sûrement dans son amour, parce qu’il aime les hommes…

Quel est l’effet des plaies terribles décrites dans Apoc 16 dont Dieu punit le monde révolté contre lui? «Les hommes blasphémèrent le nom de Dieu qui a autorité sur ces fléaux.» L’homme impuissant ne peut rien faire d’autre que de blasphémer.

Alors, puisque Dieu est inaccessible, reste la Bible, la Parole de Dieu. C’est contre elle que se dirigent les assauts des hommes. Cette contestation n’est ni d’hier, ni d’avant-hier. Elle existe depuis les origines. Le serpent demande à la femme: «Dieu a-t-il réellement dit?…» (Gen 3.1). Théologie du soupçon, qui en Éden, a atteint la cible.

Aujourd’hui s’est installée une atmosphère de relativisme quasi totale. Il n’y a plus de vérité absolue. Le récit biblique lui-même est découpé en petits fragments de tradition locale. On n’imagine plus que notre religion soit universelle, puisque tout est relativisé! On n’a même plus le droit de prononcer un jugement, car le faire serait oser faire preuve d’autorité! Personne n’a le droit d’exercer une discipline! Alors du relativisme, on passe au pluralisme, où tous les systèmes sont valables, tous les credos sont vrais. La tolérance est reine! Le vrai et le faux sont conciliables et conduisent au scepticisme, qui finit par produire le cynisme.

Logiquement, on arrive à la dévaluation des hiérarchies. J’entends par là les niveaux de qualité. A l’école comme ailleurs, on ne peut plus donner des évaluations réelles. C’est là le plus court chemin vers la médiocrité. Tout est rapporté à soi-même. La personne devient le centre de l’univers. Et l’individu n’a plus de devoirs, seulement des droits.

Et ce que je dis là se trouve dilué dans nos églises locales, parfois, à un moindre degré, même à dose homéopathique. C’est pourquoi nous avons à rétablir les normes bibliques, car le Seigneur nous a mandatés par son salut. Il nous a mandatés dans le service de son champ et de sa vigne, et pour ce faire, il nous a donné – et c’est la troisième partie de l’exposé – une autorité déléguée.

3. Une autorité déléguée

Dès la création de l’homme dans Gen 1 et 2, Dieu lui confie la gérance sur toute vie végétale et animale, et il en aura à en rendre compte.

N’oublions pas la femme, l’alter ego de l’homme. Par sa féminité, elle accompagne et complète la masculinité d’Adam, créé le premier, il ne faut pas l’oublier. Je vous confesse qu’il y a un texte que je n’ai jamais compris. C’est celui de l’épisode de Gen 2, qui raconte comment Dieu a fait venir les animaux auprès de l’homme pour qu’il leur donne des noms, avec ce prolongement mystérieux: «Et il ne trouva pas d’aide semblable à lui.» Alors Dieu plonge l’homme dans un profond sommeil de type narcotique afin que naisse la femme! De l’ich (homme) surgit l’icha (femme). Et quand l’homme se réveille, c’est l’émerveillement.

Le fait que l’homme ait été créé le premier est plusieurs fois rappelé par l’apôtre Paul, qui va jusqu’à écrire: «Et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l’homme» (1 Cor 11.9). Aussitôt l’apôtre inspiré par l’Esprit présente le complément en disant: «de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme naît par la femme, et tout vient de Dieu» (1 Cor 11.12). La femme s’inscrit dans une indispensable complémentarité. Que le mari soit responsable de l’autorité dans le couple et la famille… la femme n’en sera pas malheureuse si le mari se comporte à l’image de Christ, en l’aimant jusqu’à être prêt à donner sa vie pour elle (Eph 5.25).

Mais revenons à Genèse 3, le chapitre de la chute. Nous y lisons ce terrible verset: «Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui dominera sur toi.» Jésus expliquera dans Mat 20.26 ce qui s’est passé. Il évoque alors les nations qui abusent de leur pouvoir et ajoute: «Il n’en sera pas de même parmi vous. Quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur.»

Jésus replace l’autorité dans son axe véritable. Dieu maintient la hiérarchie d’autorité. Mais il veut la voir être au service du bien des autres dans l’amour et le respect. Abram appelé par Dieu en Mésopotamie suit son vieux père Térah à Aram. Il y attend la mort de son père pour se remettre en marche. La structure patriarcale est ici respectée. Par la suite elle subsistera, modifiée il est vrai, par le respect dû aux parents: «Honore ton père et ta mère.»

Par extension, parlons maintenant des anciens. La première mention biblique en Gen 50.7 évoque ceux d’Égypte, pays païen. Plus tard, en Ex 3.16, sont mentionnés les anciens d’Israël.

Ils apparaissent comme ceux qui ont autorité sur le peuple. Plus tard encore, ils seront responsables de la ville, de la région, du pays. Ils dirigent, assument, tranchent dans les litiges. Booz en sait quelque chose: il ne peut pas prendre Ruth pour femme sans respecter la loi du rachat à l’égard d’un personnage dont le nom ne nous est pas donné dans le récit biblique. Booz se soumet à cette loi parce qu’elle vient de Dieu. Les anciens veillent à ce qu’il en soit ainsi.

Nous arrivons à l’église locale dans le Nouveau Testament. Les anciens ont une position clé. En Act 20.17,28, une certaine équivalence apparaît dans le discours de Paul adressé aux anciens (presbuteroi) qui sont évêques (episcopoi) et pasteurs paissant le troupeau (poimeroi). Leur profil est complété en Tite 1 et 1 Tim 3, concernant leur vie spirituelle, familiale, personnelle et communautaire. On ne peut pas accepter l’idée qu’un ancien soit nommé dans une église, s’il n’est pas un modèle dans sa famille, s’il n’est pas un bon époux pour sa femme, s’il n’est pas un bon père pour ses enfants. Ils doivent être des hommes de confiance et de responsabilité. Leur autorité en dépend. Dans Act 14.23, Paul et Barnabas font nommer des anciens dans chaque église. Après avoir prié et jeûné, ils les recommandent au Seigneur, en qui ils ont cru.

Je termine par les autorités civiles de ce monde. C’est un aspect important. Nous lisons dans Rom 13.1,2,5: «Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu. C’est pourquoi celui qui résiste à l’autorité résiste à l’ordre de Dieu…». Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement à cause de la colère du châtiment, mais par motif de conscience». Ce principe est voulu par Dieu pour le droit, la justice, le bien-être et la protection de chacun. Le chrétien s’oblige à la soumission, à l’honnêteté, non par crainte des hommes, mais par motif de conscience!

Mais il faut ajouter que les autorités civiles n’ont pas le droit de faire n’importe quoi de cette autorité dont le principe vient de Dieu. Lorsqu’il y a empiétement des autorités sur l’obéissance due à Dieu, la résistance s’impose, au besoin jusqu’au martyre… Et il se pourrait bien que dans les temps qui viennent, nous nous retrouvions du côté de Pierre et Jean, qui répondirent: «Est-il juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu?» Notons que Jésus lui-même a respecté les autorités civiles. S’il a respecté l’autorité de Pilate, il ne l’a pas fait d’Hérode. Devant Pilate, Jésus a parlé; il l’a aidé à voir clair; d’ailleurs, la conscience de Pilate lui a bien fait comprendre que cet homme nommé Jésus était un juste…

Mais devant Hérode, Jésus n’a pas reconnu son autorité. A quoi pouvons-nous l’affirmer? Au silence obstiné de Jésus. Lui, Parole faite chair, n’a pas ouvert la bouche! Et Hérode, ne sachant pas comment faire, l’a raillé, signe d’impuissance exaspérée.

Nous devons nous souvenir que l’autorité que nous pouvons exercer n’est que déléguée. Nous n’avons pas le droit de nous l’approprier. Un gestionnaire n’est pas un propriétaire. Un serviteur n’est pas un seigneur. User et gérer ne veut pas dire abuser ou exploiter à son profit. Comprendre cela nous permet d’être prêts à exercer la pratique de l’autorité pour le bien des autres… et la gloire de Dieu.

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