Israël dans le développement de la pensée chrétienne
Auteur : Ronald E. Diprose, professeur et docteur en théologie
Recension : Scott McCarty
Éditeur : La joie de l’Éternel, B.P. 27, 25660 Saône, France ; 255 pages ; 18 EUR ; 28,40 CHF ; E-mail : burgatjp@wanadoo.fr
Évaluer le livre de Ronald Diprose n’est pas tâche facile, car la critique présuppose une érudition et une compétence reconnues de la part de celui qui juge. L’auteur de cet article ne peut se reconnaître qu’une autorité très modeste en cette matière. Qu’on l’en excuse.
Une lecture attentive de l’avant-propos, de la préface de l’auteur, de la table des matières et de la bibliographie crée l’impression que l’auteur a voulu asseoir son étude sur une documentation et une démarche aussi sérieuses que possibles. Dans l’avant-propos, Donald Tinder relève que l’ouvrage de R. Diprose démontre de manière convaincante que l’attitude de l’Église à l’égard d’Israël a façonné des pans entiers de la théologie, mais qu’on a trop rarement étudié ce sujet.
Dans sa préface, l’auteur déplore que depuis des siècles, les théologiens chrétiens se soient divisés en deux camps diamétralement opposés au sujet d’Israël :
· celui des réformés orthodoxes qui, dans la ligne de la tradition catholique, affirment avec vigueur que le corps de Christ, l’Église, a hérité en tant qu’institution de toutes les promesses et bénédictions que Jahweh avait réservées antérieurement à son peuple de l’Ancienne Alliance. À cause de son rejet du Messie, le peuple d’Israël aurait donc été remplacé par l’Église, d’où le nom de « théologie du remplacement » qu’on utilise pour résumer leur système ;
· celui des dispensationalistes, qui affirment fortement qu’Israël, en tant qu’entité ethnique, a un avenir glorieux, au même titre que l’ensemble des rachetés.
Qui a raison ?
Diprose ordonne sa matière de façon chronologique, ce qui permet non seulement au lecteur de suivre l’évolution du débat sur Israël, mais surtout de saisir les arguments bibliques érudits qui établissent que les interprétations des neuf passages avancés par les théologiens du remplacement comme « preuves » (sic) de leur théorie, relèvent plutôt de l’eiségèse2que de l’exégèse.
Son traitement de Romains 9-11 démontre que la théologie du remplacement ne prend pas au sérieux l’enseignement apostolique sur l’avenir de la nation d’Israël. L’approche de l’auteur est sûrement la plus perspicace que nous connaissions en langue française.
Dans un tiers de son livre, il n’hésite pas à secouer tout l’échafaudage édifié par les théologiens du remplacement qui tentent de prouver que leur position intellectuelle est la seule qui tienne. Il scrute entre autres les opinions d’Ambroise, d’Augustin, de Chrysostome, de Cyrille d’Alexandrie, du pape Grégoire 1er, ainsi que celles des « Pères apostoliques ». L’auteur souligne que c’est par le truchement de cette théologie, qui a infecté l’Église dès les premiers siècles, que l’antisémitisme a pris pied dans le système catholique romain. Ainsi est mis en évidence le fait qu’une mauvaise compréhension de l’Écriture au sujet d’Israël entraîne de fâcheuses conséquences sur :
· l’ecclésiologie (doctrine de l’Église),
· l’eschatologie (doctrine des fins dernières de l’histoire),
· la sotériologie (doctrine du salut),
· la missiologie (l’évangélisation),
· l’herméneutique (les règles d’interprétation des textes bibliques).
Cette partie de l’étude est probablement la plus importante, parce qu’elle souligne que notre attitude envers Israël affecte d’autres domaines essentiels de la doctrine apostolique. L’auteur fonde son argumentation, à la fois sur la Parole de Dieu et sur les enseignements de l’histoire du christianisme, et tient ainsi lieu d’avertissement pour le chrétien du XXIe siècle.
Pour les lecteurs qui désirent approfondir leurs investigations, la bibliographie est essentielle. Malheureusement, il manque un index des références (bibliques et autres), index qui sera intégré à la prochaine édition.
Ce livre unique, que nous recommandons vivement, nous le rappelons, est une thèse de doctorat dont la lecture exige attention et réflexion. Il est précieux pour combattre des idées irrecevables, bibliquement parlant, sur la question brûlante et toujours actuelle de l’entité appelée Israël.
1Cette étude constitue la thèse de doctorat de l’auteur.
2L’eisegèse désigne l’explication d’un texte (et plus particulièrement d’un texte biblique) de façon incorrecte, en l’orientant selon ses propres idées ou en fonction de notions extérieures au texte cité. Par contraste, l’exégèse est l’étude d’un texte biblique selon des principes d’interprétation cohérents, pour en dégager le sens réel.