Dossier: L'Eglise face à de nouveaux enjeux
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La pratique de l’autorité dans l’église

2. La pratique

La première partie du thème "L’autorité dans l’église locale" a été traitée dans le no 142 (octobre – décembre 2002) et touche "ses sources" qui sont en Dieu et en sa Parole. A différents niveaux, Dieu a délégué son autorité.

L’autorité a été donnée aux hommes pour être exercée en tous les domaines de l’existence. Le principe de l’autorité est bon en lui-même, mais la chute en a perverti la pratique. Dans la vie chrétienne, nous sommes parfois singulièrement marqués par des relents de la chute. Pour que le principe soit bienfaisant, il faut un esprit qui commande la pratique.

Quand les fils de Zébédée demandent à Jésus de partager son autorité, Jésus répond: "Les chefs des nations les tyrannisent, et les grands abusent de leur pouvoir sur elles; il n’en est pas de même parmi vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur; et quiconque veut être le premier sera l’esclave de tous. Puis il ajoute: Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup" (Marc 10.37,42-45). Voilà la règle de l’esprit qui commande une vraie pratique d’autorité dans l’Église!

1. Comment reconnaître le vrai service ?

Par certains éléments de base, qui sont indispensables. Ils sont au nombre de trois: l’appel, les qualifications et l’amour.

a) L’appel

Remettons-nous en mémoire ces trois étapes obligatoires: Toi, suis-moi!, à quoi nous répondons: Me voici, Seigneur pour faire ta volonté. L’appel de Dieu est personnel. Il ne se présente pas à chacun de la même manière. Soyons prudents quand nous donnons notre témoignage, pour ne pas nous présenter comme modèles. Et n’essayons pas d’imiter le témoignage des autres, car l’appel découle d’une rencontre personnelle, vivante et décisive avec le Seigneur.

Cet appel doit être également reconnu par l’église locale, car nous ne sommes pas appelés à travailler en francs-tireurs. L’église doit pouvoir reconnaître l’appel.

Prenons le cas de Saul de Tarse. Son appel est dramatique, mais authentique. Cela pourtant ne suffit pas pour l’Église. A Damas, Dieu rassure Ananias quant à la véracité de l’appel reçu. Alors Ananias l’accueille en disant: Mon frère Saul! Plus tard, à Jérusalem, on se méfie du persécuteur devenu disciple. Il faudra l’intervention de Barnabas pour que la situation se décrispe…

Plus tard, à Jérusalem encore, il faudra que Jacques, Céphas et Jean donnent la main d’association et confirment que l’appel de Paul d’apporter l’Évangile aux païens est authentique. Il y avait les preuves: l’engagement, la persévérance et le bon témoignage.

Écoutons l’avis qu’un pasteur chevronné émit des décennies en arrière: "Ce ne sont pas cinq mille kilomètres qui vont vous transformer en un missionnaire efficace! Si vous ne l’êtes pas sur place, vous ne le serez pas au loin. Tel vous êtes ici, tel vous serez là-bas."

b) Les qualifications

En plus de la reconnaissance de notre ministère, il faut en avoir les aptitudes.

Il y a d’abord des qualifications naturelles, qui dépendent de la naissance, de l’éducation et de l’exemple reçu. Timothée en est un modèle frappant: il avait appris les Écrits sacrés par sa mère et sa grand-mère, qui étaient chrétiennes, alors que son père grec était païen.

Puis il faut des qualifications acquises par la formation et l’étude. L’apôtre Paul avait été instruit aux pieds de Gamaliel. Devenu chrétien, il sonda les Écritures en profondeur.

Enfin, il y a des qualifications charismatiques. Je n’entends pas ici le mouvement que le nom évoque, mais les dons de grâce (nommés "charismes") pleinement en accord avec le message biblique. En tant que chrétiens, nous participons forcément aux dons de l’Esprit. Ils sont nécessaires pour exercer un ministère que l’Ennemi attaque sans cesse.

Il est intéressant de voir comment le Seigneur dirige les uns et les autres. Au début de mon ministère, je pensais aller plutôt dans la direction de l’évangélisation. Mais après quelques mois, je me suis rendu compte que ce n’était pas la voie dans laquelle je devais m’engager. Le Seigneur conduit les siens.

c) L’amour

Sans lui, point de ministère durable et béni. Rappelons-nous 1 Cor 13 qui énumère une série d’exploits allant jusqu’au martyre, pour aboutir à la constatation que sans l’amour, tout cela n’est rien. Pour glorifier le Seigneur, il faut son amour.

Pierre a renié Jésus, qui lui demande trois fois: "M’aimes-tu?" Et Pierre répond: "Seigneur, tu sais que je t’aime". Pour Jésus, cela suffit. Il charge Pierre de prendre soin de son Église.

Paul, quant à lui, dévoile le secret du succès de ses voyages missionnaires dans 2 Cor 5.14: "L’amour de Christ nous presse". Le « nous » implique ses coéquipiers. Il fait écho aux paroles du Seigneur: "Demeurez dans mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père… Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite" (Jean 15.9-11). Trois mots ressortent de ce texte: l’amour, le commandement et la joie. L’autorité dans le ministère repose sur ces éléments!

Et c’est ainsi que nous recevons l’autorité du Seigneur, de sa Parole et de son Esprit, pour accomplir la volonté du Père.

2. Comment mettre en œuvre l’autorité ?

a) Veiller sur nous-mêmes et persévérer

Ici apparaît une importante priorité. Même si ce n’est pas le lieu de la développer, j’aimerais néanmoins la citer. Au début du siècle passé, un petit fascicule avait été édité par la Convention de Keswick portant le titre: “L’ouvrier, plus que l’œuvre”. Voilà une priorité: "Prenez garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis" (Act 20.28)… "Veille sur toi-même, et sur ton enseignement. Persévère dans ces choses, car en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t’écoutent" (1 Tim 4.16). Cette priorité de soi-même n’est pas égocentrique. Il s’agit simplement du souci d’être cohérent et vrai.

Nous ne pouvons apporter aux autres que ce que nous avons reçu nous-mêmes. Et nous ne pouvons parler avec autorité aux autres de ce que le Seigneur demande, que si nous le vivons vraiment pour nous-mêmes.

b) La collégialité des anciens

Notons que le mot ancien est pratiquement toujours au pluriel. La collégialité est de rigueur! Dans l’Ancien Testament, il englobait les principaux responsables en Israël, à l’intérieur des familles, des clans, des tribus, comme à l’armée, ainsi qu’à l’intérieur des structures établies par Moïse sur le conseil de Jéthro. Il y avait donc un principe collégial bien structuré. Mais il y avait aussi des fonctions d’autorité qui s’exerçaient en solitaire: Moïse était le conducteur du peuple et législateur; le souverain sacrificateur, le juge, le prophète, le roi, tous ces ministères étant dans l’ancienne alliance.

Dans le Nouveau Testament, le principe collégial est présenté comme une norme. Jésus commence son ministère avec douze apôtres. Dans Act 15, l’église décide en commun de problèmes importants concernant l’avenir des chrétiens d’origine païenne: doivent-ils être circoncis ou non? A la fin des débats, nous lisons: "Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, ainsi qu’à l’église toute entière, de…" (v. 22). Et lorsqu’ils envoient la lettre, il est dit: “Car il apparut bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d’autres choses que ce qui est indispensable" (verset 28). Dans la liste des apôtres, des anciens et de l’église entière, le Saint-Esprit est mis au début.

c) Les responsabilités partagées des anciens

Dans l’église locale, des anciens sont nommés. Ils partagent les responsabilités. Il n’est pas toujours facile de se respecter et de lutter ensemble. Les divergences doivent se résoudre, car nous devons apprendre à vivre et à travailler ensemble. Cela comporte certains risques. Il existe un jeu subtil de personnalités. Il faut à tout prix éviter un rapport de force par lequel un des anciens chercherait à imposer sa volonté, ouvertement ou plus discrètement. Il en résulterait une hiérarchie à laquelle il deviendrait difficile de résister. Cela est vrai non seulement dans les conseils d’église, mais également dans les commissions synodales et les pastorales. Cette situation peut entraîner des églises dans une direction nouvelle pas toujours très heureuse.

La véritable autorité spirituelle ne se prouve pas par le succès ou la réussite, mais dépend de l’humilité, de l’écoute de chacun, de l’honnêteté, de l’amour pour le Seigneur, sa Parole et son Église.

3. Les grands axes

Je voudrais rappeler les grands axes qui doivent se traduire dans la pratique de chacune de nos vies.

a) La prédication enseignement

D’abord, la prédication enseignement: elle est la fonction première de l’Église de faire entendre, avec autorité, la parole de Dieu! Rom 10.17: "La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ". Elle sauve, elle engendre, fait croître, sanctifie, prépare le chrétien à rencontrer son Dieu; elle doit demeurer au cœur de la vie de l’église locale.

Dans les églises de la Réforme, la chaire était au centre, ce qui signifiait la priorité donnée à la parole de Dieu. De nos jours, les prédications se rétrécissent comme une peau de chagrin, au soulagement des prédicateurs autant que de l’audience – cela demande moins d’efforts! Quant aux études bibliques hebdomadaires, les églises les ont trop souvent abandonnées…

Quelle en est la raison? Les aînés n’aiment plus sortir le soir. Les gens actifs n’ont pas le temps, et les jeunes ne s’y intéressent guère. A la place, on a mis des témoignages, des partages, des études à thèmes sociologiques et beaucoup de musique. Comme cela a été dit: “La louange est devenue parfois l’enzyme glouton de nos cultes!

Tous ces éléments doivent pourtant rester à leur place. Nous ne devons pas les écarter, mais notre responsabilité est de veiller à garder le sens des proportions, en intervenant avec tact quand il le faut, tout en nous demandant aussi si nous ne sommes pas un peu responsables. Savons-nous toujours rendre vivant et pratique le texte des Écritures? Comment enseignons-nous? Nos exhortations ne sont-elles pas parfois un peu trop moralisantes?

Dans les Évangiles, combien de fois est-il dit que Jésus enseignait? Les quatre Évangiles comprennent environ une cinquantaine de textes. Qu’en est-il dans le livre des Actes? Le livre s’ouvre par ce premier verset: "…tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner". Le dernier verset présente Paul: "…il prêchait le royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, en toute assurance et sans empêchement". Et entre ce début et cette fin, constamment référence est faite à l’enseignement … sans parler des épîtres qui sont essentiellement didactiques.

Immédiatement après la Pentecôte, le profil de l’Eglise se dessine ainsi: "Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres…" Il en découle ce qui suit: communion fraternelle, fraction du pain, prières, etc… (Act 2.42-47).

Le Baptême et la Cène sont à placer dans le prolongement de cette annonce, comme proclamation de la mort du Seigneur et de sa résurrection. A propos de la Sainte Cène, les responsables veilleront à ne pas mettre des personnes en position d’autorité si elles n’ont pas la maturité. L’ordre, la bienséance et le respect sont de mise, sans tomber toutefois dans le formalisme.

b) L’herméneutique

Puis vient l’herméneutique, qui tend vers l’application de la Parole, conformément à l’analogie de la foi. Car à quoi servirait une prédication qui renierait l’inspiration divine de la Bible, pour annoncer un autre évangile qui ne produirait aucun fruit?

L’herméneutique oblige à appliquer correctement les leçons pratiques du message divin. L’autorité, quand elle est responsable, oblige à voir les différentes situations, à encourager ce qui aide le peuple de Dieu à rester fidèle, et à dénoncer les dangers qui menacent la fermeté et la persévérance à suivre le Christ.

c) La discipline

Elle appelle l’autorité des anciens. Certains membres se mettent alors facilement sur la défensive. N’associons pas prioritairement autorité et discipline, car l’autorité déborde la discipline. Celle-ci n’est pas d’abord punitive, mais éducative. Lorsqu’il faut se résoudre à une autorité disciplinaire, la situation devient délicate. Le serviteur de Dieu redoute de devoir exercer une telle autorité qui, dans certains cas, est pourtant inévitable.

d) Le domaine relationnel

Nos églises locales représentent une famille dont les membres sont unis par l’Esprit. Mais certains d’entre eux sont aussi liés par les liens du sang. Cela peut être une force et une bénédiction. Mais quand intervient dans ce contexte une décision disciplinaire, le réflexe du clan familial joue soudain un rôle affligeant. Il arrive qu’on rencontre une résistance farouche quand un membre de sa famille doit être discipliné.

Les situations de ce genre fragilisent la foi et affectent le témoignage. Des personnes quittent une église dans laquelle ils sont depuis des années, simplement parce que l’on a osé toucher à des membres de leur famille… Il faut que l’autorité soit fondée sur le Seigneur et sa Parole, pour résister à ce genre d’épreuve. La fidélité est à ce prix.

e) Le domaine des mœurs

Une autre situation douloureuse touche au domaine des moeurs. L’Église vit dans le monde. Dieu le veut pour le témoignage. Il faut savoir si l’Église influence le monde ou si c’est le monde qui influence l’église! Toutes les dénominations de nos églises évangéliques sont impliquées. L’amour libre, le mariage à l’essai, le concubinage, l’homosexualité, sont-ils tolérés comme une variante de l’amour? Avons-nous l’autorité pour résister au nom de la Parole de Dieu, et d’annoncer le Christ? Dans les camps de jeunes, acceptons-nous la cigarette, l’alcool, la drogue? Sommes-nous à ce point tenaillés par la crainte de passer pour des "légalistes" que nous n’osons plus recommander l’observation des commandements de Dieu (1 Jean 2.3-6)?

Avons-nous réfléchi à ce que pourrait nous réserver l’avenir proche? Quand les homosexuels et les lesbiennes auront obtenu le statut légal, avec tous les droits normalement réservés aux couples hétérogènes, qu’arrivera-t-il lorsque de tels "couples" demanderont à être baptisés, accueillis à la Cène, puis engagés dans toutes sortes d’activités? Serons-nous assez fermes et courageux, au risque d’être accusés de ne plus respecter la loi du pays ? C’est nous qui risquons d’être pris en défaut par le non-respect des textes légaux! Ce sera alors le moment de nous rappeler cette parole: Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Car il faudra bien que la Parole de Dieu continue à primer sur celle des hommes.

4. La pratique des apôtres

Chez les Galates, le fondement était menacé. L’apôtre leur adresse un avertissement sévère: "Je m’étonne que vous vous détourniez si vite de celui qui vous a appelés, par la grâce de Dieu, pour passer à un autre évangile! Non pas qu’il y en ait un autre, mais il y a des gens qui vous troublent et qui veulent pervertir l’évangile du Christ. Mais si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! Nous l’avons dit précédemment et je le répète maintenant… Est-ce la faveur des hommes que je désire ou celle de Dieu? Est-ce que je cherche à plaire aux hommes? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur de Christ" (Gal 1.6-10).

Paul aborde ce problème parce qu’il l’estime fondamental. Il a commencé par dire: Je m’étonne… Surprise douloureuse, comme un cri du cœur en même temps qu’il contient beaucoup de tendresse et d’amour blessé.

Cette autorité, le monde ne la comprend pas. Elle est pourtant la marque distinctive de l’autorité spirituelle. Elle correspond à la pensée de Dieu. Paul ne cède pas un pouce de terrain dans l’accommodement éventuel d’un évangile qui serait “légèrement autrement”! Et il va même plus loin. Parlant par hypothèse, il dit: “Quand un évangile différent porterait la marque apostolique ou même angélique, et quand cet apostat serait moi, ne le recevez pas!”

L’apôtre ne se place pas au même niveau que la Parole reçue, encore moins au-dessus d’elle! Il est simplement le serviteur de cette Parole. Combien plus nous! Inspirons-nous de son attitude. D’autant plus que l’apôtre avait reçu la grâce de transmettre des révélations nouvelles (Eph 3.3-13). Aucun homme ne peut le faire aujourd’hui. La Révélation écrite interdit qu’on puisse ajouter ou enlever quoi que ce soit (Apoc 22.18-19).

Que Dieu nous donne de rester fidèles à sa Parole donnée une fois pour toutes. Nous n’avons pas d’autre autorité que celle-là. Mais exerçons-la avec amour et discernement pour tous ceux que le Seigneur place sur notre chemin.

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