Dossier: L'Eglise face à de nouveaux enjeux
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L’intégration des jeunes dans l’église

L’auteur habite Puidoux (VD) Suisse, il est marié à Marie-Françoise et leurs enfants ont 19, 18 et 14 ans. Enseignant à 50 % dans une école secondaire (élèves de 14 ans), il poursuit aussi un ministère de formation dans les églises Action Biblique, où il a été à plein temps comme responsable de jeunesse durant 15 ans. Il exerce également un ministère pastoral au sein de l’Eglise Evangélique Action Biblique à Vevey, Suisse.

I. L’ÉCRITURE NOUS ENSEIGNE

A. L’église locale

L’église locale est la preuve visible de l’existence de l’Église de Jésus-Christ. Ce rassemblement visible est soumis au temps et aux circonstances, est affecté par les faiblesses et les luttes de ceux qui le constituent, est la cible d’un intense combat spirituel.

Ainsi l’Écriture nous indique que l’église locale s’exprime (Mat 18.17), que certains peuvent la ra-vager (Act 8.3), qu’elle se rassemble (Act 11.26), qu’elle peut être maltraitée (Act 12.1), qu’elle prie (Act 12.5), qu’elle a des anciens (Act 14.23), qu’on peut la convoquer (Act 14.27), qu’elle peut accompagner certains (Act 15.3), recevoir d’autres (Act 15.4), qu’elle peut faire un choix (Act 15.22), qu’on peut en prendre congé (Act 15.30). Elle peut être saluée (Act 18.22), être édifiée, être réunie, être persécutée, être chargée, on peut lui écrire, on peut en être chassé et on peut l’abandonner…

C’est de l’intégration à cette église-là dont traite cet article, et non pas de l’intégration à l’Église universelle, corps de Christ invisible. Bien entendu, ne peut être réellement intégré à l’église locale que celle ou celui qui fait déjà partie de l’Église universelle. Les simulateurs ou les faux-semblants sont un jour ou l’autre démasqués.

B. La jeunesse

La question de l’enseignement de la jeunesse traverse l’Ancien et le Nouveau Testament, avec une insistance et une précision qui devrait attirer et retenir toute notre attention ! Cet enseignement est la base de la conservation et de la transmission de la foi.

Qui est responsable de l’enseignement spirituel de la jeunesse ? En premier lieu les parents (Deut. 4.9-10 ; 6.6-7 ; 11.19 ; 31.12-13 ; Jos 4.21-22 ; Ps 34.12 ; 78.5-8 ; Prov 31.1 ; 1.8 ; Es 38.19 ; Joël 1.3 ; Eph 6.4). Mais c’est aussi une responsabilité qui incombe à chacun (Ps 22.31-32 ; Prov 22.6 ; Matt 18.14 ; 19.14 ; Marc 10.14 ; Luc 18.16). Enfin, le pasteur ou les surveillants dans l’Église locale ont une responsabilité particulière (1 Tim 5.1 ; Tite 2.6).

Quelle est la meilleure méthode à utiliser pour cet enseignement si essentiel et précieux ? La Parole de Dieu nous laisse une grande liberté ; cependant elle nous exhorte sur sa fréquence et son intensité (Deut 6.7), sur sa qualité (Ps 78.3-4), sur son importance (Mat 25.40,45), sur son urgence (Mat 18.14).

Le choix des méthodes, lui, est laissé libre, il ne me semble que suggéré dans l’Écriture :

– Vous appréciez les rencontres rassemblant les participants de tous âges ? L’Écriture vous donne raison, tant dans l’A.T. que dans le N.T. Du temps de Josias, Esdras et Néhémie, dans les ras-semblements autour du Seigneur, dans les rencontres des églises du 1er siècle, nous voyons des groupes multi-âges et familiaux.

– Vous préférez enseigner les enfants et les jeunes séparément, selon leurs besoins et leurs capaci-tés ? La Bible vous donne aussi raison ! “Exhorte les jeunes gens comme des frères, les femmes âgées comme des mères, celles qui sont jeunes comme des sœurs, en toute pureté” (1 Tim 4.11 ; voir aussi Deut 4.9 ; 1 Tim 5.5). Le Seigneur de même a reçu les enfants en particulier.

– Vous êtes “accros” des retraites, des week-ends de jeunes, des séminaires sur des thèmes parti-culiers ? Le Seigneur a ouvert la voie en prenant ses disciples à part, pour les enseigner sur un sujet précis (voir Mat 17, Marc 6 et Luc 9).

N’entrons pas dans des querelles stériles pour définir si telle ou telle méthode est bonne ou moins bonne, recommandable ou non-recommandable. Celles que j’ai suggérées sont présentes dans le texte biblique. Au fil des années, j’ai remarqué que toutes peuvent conduire à de bons résultats spirituels. Ne perdons pas de vue que l’objectif est essentiel, mais que les méthodes peuvent être diverses1.

C. L’intégration des jeunes2

Quelle définition donner à l’expression “intégration dans l’église” ? En caricaturant, ce n’est pas “assistance régulière du jeune à toutes les réunions de l’église”, ni "concordance de vue entière en-tre le jeune et le conseil d’anciens de l’église”, ni "obéissance aveugle du jeune au style directif du pasteur”, ni "copie conforme par le jeune du comportement des parents dans l’église” ! Peut-être pourrait-on entendre cette réflexion: “en fait l’intégration dans l’église est l’ensemble de ces défini-tions”. Ce n’est pas cela non plus !

Voici trois pistes de réflexion (sous forme de textes bibliques) qui peuvent mener à une définition de “l’intégration dans l’église” :

– “En recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l’avez reçue, non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez” (1 Thes 2.13). L’intégration dans l’église ne saurait résulter de la seule parole des hommes, ni d’une passion naturelle, telle l’intégration dans un club de sport ou un orchestre. L’intégration dans l’église résulte de l’action de la Parole de Dieu inscrite dans un cœur qui se laisse convaincre sur l’importance de l’église locale. La cooptation, l’amitié, les di-verses activités peuvent accompagner, ou précéder ce travail de l’Esprit de Dieu, mais ne le remplaceront jamais ! L’influence excessive d’un leadership, la manipulation psychologique, voire l’abus spirituel, ou de fausses doctrines spirituelles peuvent momentanément paraître pro-duire un semblant d’intégration. Mais c’est seulement par l’enseignement de la Parole, par l’exemple d’une vie chrétienne crédible, que la Révélation convaincra, de la jeunesse à la vieillesse.

– “Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui” (Col 2.6-7). Cette conviction personnelle progressive concernant la Parole de Dieu se fait en ces deux étapes distinctes et successives dans le temps: l’accueil du Seigneur, puis la marche en Jésus-Christ et l’enracinement sur un fondement solide.

– “Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous mar-chions en nouveauté de vie” (Rom 6.3-4). Cette construction personnelle d’un fondement solide mènera inévitablement au baptême d’eau et à la pratique de la marche dans l’expérience de la mort à soi-même, seule voie existante pour la découverte de la marche en nouveauté de vie. C’est une démarche dynamique, qui implique progression et découverte. Mais c’est aussi une démarche difficile: quel chemin à parcourir !

D’où cette définition de “l’intégration dans l’église”: “état personnel de celui ou celle qui aura à cœur d’obéir à la Parole de Dieu, qui aura comme objectif de marcher en relation étroite avec son Seigneur, qui aura expérimenté le renoncement à lui(elle)-même dans une marche en nouveauté de vie”. Cette définition permet de mesurer notre faiblesse en tant qu’être humain face à une réelle “intégration dans l’église”. Un jeune peut faillir, un chrétien adulte peut faillir, un pasteur peut faillir !

La question inévitable est alors: comment donc parvenir à conduire les jeunes dans cette expé-rience ? Mais tout d’abord examinons la situation qui prévaut actuellement dans l’environnement de notre jeunesse.

II. LA SITUATION ACTUELLE

A. Le regard des aînés sur la jeunesse et l’état de la société

Un pasteur, C. Blumhardt, disait au début du XXe siècle : "Aujourd’hui, le Christ est comme pétri-fié." Et la situation a certainement empiré aujourd’hui ! Comment donc cette “pétrification” se mon-tre-t-elle ?

Un journal chrétien a prétendu récemment que la moitié des enfants et des jeunes issus de famille chrétienne se distancent de la foi ou l’abandonnent entièrement ! Un Christ pétrifié ne peut réchauf-fer les cœurs. Pour de nombreux jeunes, il semblerait que l’attachement à la foi chrétienne est lié au fait d’avoir dans l’église de bons copains, de s’éclater au groupe de jeunes, de rencontrer dans la communauté la musique ou le sport. Un Christ pétrifié ne saurait transmettre par lui-même une quelconque motivation.

Plusieurs de nos jeunes craignent de confesser trop fortement la foi de leurs parents, c’est parfois le seul domaine où ils démontrent une timidité récurrente… Ils remettent à plus tard un engagement personnel trop significatif, sans cependant vouloir se détourner de la foi en Jésus-Christ.

Pourquoi donc rencontrons-nous tant de jeunes bien disposés, mais incapables de placer les priorités spirituelles, incapables de se soumettre réellement à la Parole de Dieu ? Que ce soit dans le maintien de la pureté sexuelle, dans la gestion de leur temps libre, dans le fait de tenir un engagement pour-tant accepté initialement ?

Il est vrai que la situation actuelle vécue par notre jeunesse est plus difficile que celle qu’a vécue la jeunesse des périodes passées, au vu d’une évolution très rapide, particulièrement dans les 10-15 dernières années. F. de Coninck définit l’homme moderne comme un "homme flexible, qui change d’avis comme de chemise", incapable de s’ancrer, sans modèle de référence et comme un "homme fragile". Notre jeunesse est en prise directe avec ces nouvelles données de vie : dans bien des cas, cela ne lui déplaît pas, puisque cette situation entre en résonance particulière avec les élans de sa nature pécheresse, de sa chair rebelle à l’autorité ! La richesse matérielle, le luxe technologique, la variété des loisirs, les multiples possibilités dans tous les domaines, sont incontournables pour les jeunes d’aujourd’hui (ex. les téléphones mobiles !). Cela conduit la jeunesse — et trop souvent no-tre jeunesse aussi — à réagir ainsi: je prends ce que je veux et je vis ce qu’il me plaît de faire.

Cet “homme flexible” donne raison au texte de Jér. 17.9 : "Le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est incurable, qui peut le connaître ?".

Il est certain que notre jeunesse chrétienne pâtit de cet environnement nouveau et difficile. Chacun se définit ses propres cercles de vie, et les manœuvre à sa guise… Ce regard sur notre société peut paraître particulièrement sombre. Il permet cependant de mieux comprendre pourquoi l’intégration des jeunes dans nos églises locales n’est pas simple… Notre vision pourra néanmoins s’éclairer un peu lorsque nous examinerons quelques remèdes.

B. Le regard d’un jeune sur la situation actuelle

Un autre regard est donné par le mémoire universitaire d’un jeune chrétien évangélique, Daniel Ei-cher, “Les jeunes et l’église – Analyse marketing des facteurs démotivants chez les jeunes chré-tiens”. Son analyse est basée sur 12 entretiens personnels et sur le dépouillement de 66 questionnai-res remis à des étudiants universitaires de 19 à 26 ans, chacun d’eux se déclarant au préalable per-sonnellement chrétien.

Il ressort de ces entretiens cinq facteurs qui semblent expliquer la démotivation des jeunes quant à leur fréquentation de l’église ou leur foi personnelle: 1. la faible interaction dans le culte, 2. le peu de dynamisme de la vie d’église, 3. des chrétiens vus comme moralistes ou légalistes, 4. l’église n’est pas une priorité, 5. on peut vivre sa foi sans aller à l’église.

Par ailleurs, un responsable de GBU, que cite Daniel Eicher, donne quatre caractéristiques fréquen-tes chez les jeunes qui abandonnent la foi:

– des attentes déçues, vis-à-vis de Dieu ou des chrétiens, ces attentes pouvant être bonnes ou faus-ses ;
– un copain ou une copine non-chrétien(ne) ;
– une manière de penser non-chrétienne (surtout chez les étudiants en sciences humaines) ;
– peu de contacts avec les chrétiens, soit par manque de temps (mais c’est rare), soit par manque de volonté.

III. COMMENT AGIR ET REAGIR ?

Daniel Eicher note : “L’absence de recherche spirituelle n’a pas été évoquée comme un facteur de démotivation important chez les jeunes. Un besoin religieux continue bel et bien d’exister. Il s’agit maintenant pour les milieux ecclésiastiques de prendre connaissance des aspects qui démotivent les jeunes et d’y remédier dans la mesure du possible. L’objectif étant d’être fidèle (au message) et adapté (aux jeunes). La question du choix entre "adaptation et fidélité" est une mauvaise question typique: il s’agit bien d’être fidèles ET adaptés, bref, vivants, c’est-à-dire en relation avec nos contemporains, les jeunes… et les autres.”

Je résume les pistes d’action et de réaction en 4 points qui peuvent nourrir notre réflexion à l’inté-rieur de nos Églises :

1. Un devoir de relation : n’importe quel jeune en contact avec nous devrait savoir que si tout se ferme pour lui, nous resterons toujours à l’écoute, toujours heureux de l’accueillir et de l’aider, quelles que soient les circonstances qu’il a consciemment choisies ou qu’il subit, quel que soit son état ! L’amour sincère rend la relation possible et crée la disponibilité nécessaire.
2. Un devoir d’enseignement : notre message tient la route, et, pour autant qu’un jeune souhaite l’écouter, il sera, sans aucun doute possible, sauvé, libéré, régénéré ! À nous de poursuivre dans la voie de l’enseignement biblique avec une pleine conviction (Jér 6.16).
3. Un devoir d’accompagnement : ce troisième point est lié aux deux premiers : il est impossible de maintenir une relation personnelle et de transmettre un enseignement sans passer du temps avec le jeune. Le devoir d’accompagnement répond à un besoin essentiel du jeune: disposer d’un modèle crédible.
4. Un devoir de résistance : le chemin de la vie chrétienne authentique passe par l’expérience de la mort à soi-même, seule voie de la régénération spirituelle (Gal 5.17) Une personne qui est un modèle crédible résiste au jeune de multiples manières, “en toute douceur et en instruisant” (2 Tim 4.2). Cette résistance s’effectue, dans la mesure des possibilités, en faisant autrement plutôt qu’en luttant contre ! Ainsi le jeune peut progressivement choisir ce qui lui convient réellement plutôt qu’en étant brimé dans ses désirs qui lui paraissent, contrairement à nous, très légitimes…

CONCLUSION

La lutte pour l’intégration des jeunes dans l’église locale est une lutte spirituelle. Elle se passe à genoux, et demande de notre part et de la part des responsables de jeunesse dans nos églises dispo-nibilité et consécration.

Je termine par une phrase du travail de Daniel Eicher : “Les principales motivations d’un jeune pour qu’il se rende à l’église régulièrement seront: augmenter ses connaissances bibliques et grandir dans la foi d’une part, retrouver d’autres chrétiens (jeunes ou non) et faire partie d’une communauté où il se sente bien et soutenu, d’autre part. Plus un jeune aura intériorisé le message de l’Évangile, plus il donnera une large place à l’église.”

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