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La théologie de l’église et de la société (2)

(Suite)

2. L’Eglise dans une société dégénérée: Sainte et séparée, ou incarnée et malgré tout non corrompue ?

Dans le Nouveau Testament, la « sainteté » se rapporte à une disposition intérieure, et non à un cérémonial extérieur (cf. Mt. 15: 18-20). Ainsi, lorsque Paul cite Esaïe 52: 11 : « sortez de là, ne touchez rien d’impur! Sortez du milieu d’elle », ce n’est pas une isolation à l’écart des femmes et des hommes mauvais de la société qu’il préconise, mais un refus de partager leurs manières de vivre misérables, qui nous souilleraient le corps et l’esprit (cf. par exemple I Cor. 5: 9-10).

Lorsque Paul a écrit aux Corinthiens de ne pas s’associer aux hommes mauvais, il ne parlait pas du tout des hommes mauvais dans la société, car dans ce cas, les chrétiens devraient vivre dans des monastères. Il parlait plutôt de ceux qui font partie de la communauté chrétienne – un frère, une soeur qui s’appellent eux-mêmes par le nom de Christ et vivent cependant dans le péché. Paul dit que c’est de ces personnes-là qu’il faut vous écarter. La citation d’Esaïe avait, bien sûr, des significations cérémoniales extérieures. Les Juifs s’étaient écartés physiquement des Babyloniens, ce peuple non circoncis, et, en tant que peuple de Dieu, ils devaient en rester séparés. Mais lorsque Paul fait cette citation dans 2 Cor. 6, il ne disait pas qu’il fallait nous séparer de la société; il disait que c’est intérieurement que nous devions nous tenir à l’écart ; il ne faut pas que nous nous associions aux mauvaises choses qu’ils font.

Nous avons l’exemple suprême de « participation sans contamination » dans notre Seigneur Lui-même : Il a dîné sans scrupule avec des Pharisiens (Luc 7 : 36) et des collecteurs d’impôts accompagnés de leurs maîtresses; et pour chacun, il avait un message approprié. Parfaitement à l’aise devant les dirigeants, autant que parmi les paysans ordinaires, toujours conséquent avec Lui-même, il « témoignait de la bonne confession » partout et à chacun dans sa situation.

Loin de se tenir: « A l’écart de la place du marché,
A l’écart du parti et du conseil,
A l’écart du monde »,

l’Eglise doit prier pour ses membres, pour qu’ils soient là, concernés mais différents, faisant partout des disciples, par le choix vivant que le Message d’Espoir offre au genre humain désespéré (cf. Phil. 2: 15-16).

3. L’Eglise et la culture: Adaptation par Identification ou rénovation par le jugement ?

Je n’ai pas besoin de vous rappeler que c’est une question très douloureuse aujourd’hui dans l’Eglise d’Afrique. Les missionnaires occidentaux qui ont implanté l’Eglise en Afrique ont été accusés « d’émasculation culturelle, de domestication et de collaboration avec les forces d’oppression et d’exploitation ». On les tient pour responsables d’avoir développé « un système dans lequel le pouvoir politique était greffé sur l’unanimité religieuse pour garantir un ordre social particulier ». La multiplication d’églises indépendantes est saluée comme un légitime mouvement de protestation qui a « brisé le monopole de l’Eglise sur la définition des valeurs, permettant ainsi aux valeurs authentiques de la culture africaine traditionnelle d’enrichir notre héritage chrétien ». 4

Nous ne sommes pas ici pour faire un procès d’intention à ces hommes pieux qui, souvent au péril de leur vie, nous ont apporté la « Bonne Nouvelle ».

On peut dire trois choses sur le christianisme et la culture :

a) La culture de l’homme pécheur, dans la mesure où elle donne un cadre aux idéaux qu’il chérit, à ses croyances et pratiques, à sa manière de vivre, n’est pas neutre, mais déchue. C’est pourquoi le christianisme (c’est-à-dire l’Eglise) ne peut pas considérer « en bloc » une culture, ni l’adapter sans faire preuve de sens critique. Nous ne pouvons par revenir en arrière et dire « ceci est notre héritage » et l’apporter en bloc dans l’église. Si nous le faisons, nous courons le danger de syncrétisme, comme ce fut le cas en particulier dans l’église au 2e siècle.

b) Même les traditions provenant de la Révélation de Dieu, la Parole de Dieu, peuvent être corrompues par l’homme pécheur (cf. Marc 7: 8-13).Voir aussi les dogmes de l’Eglise catholique romaine. L’homme a tendance à pécher en ajoutant ou en retranchant des choses à la Révélation de Dieu telle qu’elle se présente dans les Ecritures. C’est pourquoi tout idéal, toute croyance ou pratique doivent être rapportés au jugement des Ecritures.

Il nous faut donc faire attention. Nous ne pouvons pas dire que les traditions sont nées des Ecritures et de la Révélation biblique et qu’elles sont donc en soi sacro-saintes. Nous devons constamment les remettre en question à la lumière des Ecritures.

Dans Marc 7: 8-13, le Seigneur Jésus-Christ prend les pharisiens à partie. Il dit qu’ils ont gardé leurs traditions et négligé la loi de Dieu. Or, si vous connaissez un peu le mouvement pharisien et la manière dont il est né, vous saurez sans doute que c’était un mouvement puritain. C’était un mouvement louable, à une époque où la révélation de Dieu risquait d’être perdue. Ils l’ont défendue, l’ont gardée fermement et l’ont proclamée; c’était une noble chose. Mais au fur et à mesure que le temps a passé, ils se sont mis à ajouter leurs propres traditions à la Parole de Dieu. Et le Seigneur le leur rappelle. Ainsi donc, même ce qui a été tiré des Ecritures peut se corrompre dans nos propres mains! La seule garantie est de constamment rapporter tout à l’épreuve des Ecritures. Nous devons permettre aux Ecritures d’être juges de toute chose et de toute pratique d’où qu’elles viennent, et ce n’est que ce qui vient des Ecritures qui est digne d’être gardé par l’Eglise et digne d’être pratiqué.

c) La culture n’est pas statique: elle évolue. Il y a dans la culture quelque chose de dynamique. Si vous avez entendu parler des problèmes de traduction de la Bible, vous savez de quoi je parle ! Il faut constamment faire des révisions. Nous constatons que la langue elle-même change constamment. Certains d’entre nous sont attachés à la version anglaise du « Roi Jacques », mais à l’occasion, nous jetons un coup d’oeil discret pour voir ce que dit la version Standard révisée, et nous nous rendons compte alors que la version vénérée du « Roi Jacques » peut être tout à fait incompréhensible pour un homme du 20e siècle.

La résistance à un standard éthique (moral) plus élevé, ou le renouveau d’une pratique dégénérée (sous le prétexte d’authenticité) est pour l’homme l’une des manières de s’affirmer contre Dieu. Si nous voulons fouiller dans notre passé malpropre et dire: « Voilà qui est authentiquement africain! réintroduisons-le donc », alors qu’au cours des ans on nous a fait voir des standards éthiques plus élevés, il n’y a rien de noble à cela. Nous ne faisons que nous affirmer contre Dieu. Cela fait partie de notre attitude de rébellion à l’égard de Dieu.

Je sais bien que je suis ici sur un terrain discutable. Je ne ferai que soulever la question pour être provocant afin que vous puissiez en discuter. On parle tant d’authenticité aujourd’hui. « Notre passé a été complètement oublié », nous dit-on. Nous voulons donc le faire réapparaître et l’introduire en bloc. Mais je peux vous citer nombre de choses vraiment ignobles dans la culture dont je suis issu.

Je suis vraiment fier de certains aspects de notre passé. Je rappelle souvent à ma congrégation les aspects les plus nobles de la culture Ashanti. Permettez-moi de vous donner un exemple : les sacrifices humains n’ont été abolis qu’au début du siècle. Ceux qui étaient sacrifiés ne protestaient pas du tout en allant au lieu du sacrifice! En fait, certains d’entre eux étaient réellement contents d’être choisis pour une chose aussi noble. Lorsqu’un roi Ashanti mourait, sa femme préférée, son conseiller préféré, son linguiste ou interprète préféré et beaucoup de gens de ce type désiraient l’accompagner, car la croyance était que le roi partait comme un roi pour l’autre monde. Et la femme préférée qui était choisie pour – accompagner le roi défunt, eh bien, sa famille était grandement honorée, et elle-même également, de pouvoir suivre son roi dans l’autre monde.

Bien sûr, le christianisme a changé tout cela et nous n’allons pas le ressortir et l’instaurer à nouveau, bien que ce soit authentique.

J’ai été profondément ému par certains chants africains chantés pendant le culte dans les Eglises méthodistes lorsque je suis retourné au Ghana. C’est une expérience profondément émouvante d’entendre ces chants si vous êtes issu de cette culture (leur pouvoir de communication laisse les compositeurs anglais Isaac Watts, Charles Wesley et d’autres vraiment très, très froids). Ils sont vraiment parlants et vous sentez que vous avez été élevé jusqu’en présence de Dieu lui-même pour l’adorer. Vous êtes conscient de Sa majesté à vous en couper le souffle. Voilà bien le genre de chose que nous devons rechercher et ressortir pour enrichir notre christianisme.

Par ailleurs, un retour à la polygamie dans l’Eglise n’a rien de chrétien, aussi authentiquement africain que cela puisse être!

(A suivre)
Autorisé par A. E. A. M.
Référence:  4 Burgess Carr : CPC Quartely, avril 1973, N° 41, p. 27.
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