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L’Autorité des Ecritures

UNE PAGE D’HISTOIRE

Le témoignage de l’Histoire (1re partie)

Notice biographique: Jean-Henri Merle d’Aubigné, descendant du fameux écrivain protestant Agrippa d’Aubigné, fut un historien et un théologien genevois (1794-1872). Il exerça le ministère de pasteur et de professeur à l’école de théologie protestante fondée par le « Réveil. de Genève ». Il eut entre autres comme collègue Louis Gaussen, dont l’ouvrage sur la Théopneustie des Ecritures contribua fortement à remettre à l’honneur la doctrine de l’inspiration plénière de la Bible.

Nos lecteurs perspicaces ne manqueront pas de remarquer l’entière actualité du discours que nous publions.

Le texte dont nous commençons la publication ci-dessous est le troisième discours de J.-H. Merle d’Aubigné sur le thème de l’Autorité des Ecritures inspirées de Dieu. Les deux premiers sont intitulés:
Le Témoignage de Dieu
Le Témoignage des hommes
Ces discours ont été publiés pour la première fois en 1850 par la Société des Traités religieux de Toulouse. Nous avons utilisé l’édition de 1916 publiée par le Bureau de l’Alliance Biblique à Genève.

Le Témoignage de l’Histoire

1re partie

Le but de la Société évangélique qui nous rassemble aujourd’hui n’est pas un, comme celui d’une société biblique ou d’une société des missions: il est multiple. Cette Société s’occupe à la fois de la dissémination des Saintes Ecritures, de l’évangélisation des âmes et de l’ enseignement de jeunes chrétiens que le Seigneur appelle à devenir ministres de sa Parole. Je me suis demandé lequel de ces divers départements devait surtout nous occuper à cette heure, et il m’a paru que le choix n’était pas douteux.

En vous convoquant cette année à cette fête chrétienne, nous avons compris que c’était plus que jamais autour des Saintes Ecritures de Dieu, de leur inspiration, de leur divine autorité, que nous vous appelions à vous réunir. Le Seigneur, en permettant des circonstances qui vous sont connues, a donné lui-même cette indication; nous l’avons acceptée.

Un chrétien d’Allemagne, le pieux et érudit Rieger disait: « Un cour large et une conscience étroite, voilà la devise du chrétien ». C’est la répétition des paroles de Paul: «La vérité dans la charité». Nous nous sommes appliqués à suivre cette voie évangélique dans des circonstances qui ont déchiré nos cours. Les uns ont dit que nous avions agi trop promptement; les autres ont dit que nous avions agi trop lentement. Peut-être ces jugements contradictoires indiquent-ils que nous n’avons agi ni trop promptement ni trop lentement; et nous désirons faire de même à l’avenir. Pour tout ce qui regarde les personnes, nous demandons à Dieu un cour large. Nous pardonnons le mal qui nous a été fait, nous ne disons pas fait à nous personnellement, mais à une institution qui nous est si chère. Toutes les fois que se présentent à nous quelques-unes de ces paroles qui, portant atteinte aux Ecritures de Dieu, nous percent l’âme, nous aimons à diriger aussitôt nos pensées sur des qualités aimables, sur de beaux talents, sur une conviction sincère, pour adoucir notre blessure. Nous n’avons pas même voulu rectifier les rapports inexacts qui ont été faits en divers lieux. Nous avons gardé le silence, disant comme Luther: « Seulement il faut de la foi, de peur que la cause de la foi ne se trouve être sans foi ». Nous eussions fait plus encore, si la conscience nous y eût autorisés. S’il ne s’était agi que de choses secondaires, de nuances sur la doctrine de l’inspiration, nous aurions été heureux de faire des sacrifices à la charité sans compromettre la vérité. Nous voulons qu’une certaine liberté soit maintenue à l’ enseignement théologique. Mais toute liberté a des limites qu’on ne peut franchir sans porter atteinte à l’existence des choses. La question qui a été débattue parmi nous n’était pas une question de nuances; il s’agissait du maintien ou de l’abandon de l’un des principes les plus essentiels du christianisme évangélique: l’inspiration et l’autorité divine des Saintes Ecritures; nous ne pouvions dès lors hésiter. Les vingt-et-un membres de votre comité général ont agi dans toute cette affaire avec la plus parfaite unanimité. Fidèle au principe que nous avons suivi, je désire ne point vous entretenir ici de ce qui s’est passé parmi nous, mais seulement vous présenter la question qui nous occupe, d’abord sous le point de vue de la théorie, ensuite sous le point de vue de l’histoire en vous rappelant quelle fut, il y a trois siècles, la première invasion dans Genève des erreurs qui nous occupent.

Toutefois, il est si important à mes yeux de réserver la liberté de chacun dans le sujet dont il est question, que je rappelle ce qui a déjà souvent été dit: que le discours du président lui appartient en propre, et que la pensée et la responsabilité du comité ne se trouvent que dans les rapports des départements.

I

Il y a des difficultés dans la doctrine de l’inspiration, et chacun doit respecter ici la liberté individuelle de ses frères. Comment Dieu a-t-il agi sur les agents qu’il a employés pour communiquer avec l’homme? A-t-il toujours agi sur eux précisément de la même manière? Quels sont les moyens qui ont mis ces agents en état de distinguer leurs propres mouvements des mouvements de l’Esprit divin? On peut différer sur ces questions et sur beaucoup d’autres; on peut même n’avoir sur elles aucun avis arrêté. Mais il est un fait simple et significatif, un fait d’une souveraine importance, qui doit être admis de tout chrétien évangélique; le voici: « Toute Ecriture est inspirée de Dieu » (2 Tim 3.16).

Il y a dans la révélation écrite, qui est la Bible, comme dans la révélation vivante, qui est Jésus-Christ, deux natures, deux facteurs: Dieu et l’homme; il ne faut omettre ni l’un ni l’autre. Il y a un Emmanuel, DIEU AVEC NOUS, pour la Bible comme pour le Sauveur.

Oui, il y a l’homme dans la Bible. Ce n’est ni une trompette, ni une voix, ni une plume, ni une main que Dieu a employées pour nous donner la connaissance du salut; ce sont des esprits, des volontés, des cours. Les écrivains sacrés n’ont pas été, comme Balaam ou Caïphe, des instruments passifs: ils ont été des organes vivants, agissants, imprimant à leurs écrits le cachet de leur individualité.

Mais il y a aussi Dieu dans la Bible. Si l’enseignement qui s’y trouve n’était pas celui de Dieu même, la présence du péché dans l’homme n’aurait-elle pas empêché les écrivains sacrés de nous transmettre la vérité pure et sans alliage? N’en serait-il pas résulté pour nous le doute, le trouble, l’incrédulité? La révélation n’eût-elle pas ainsi manqué son but?

Et non seulement l’Esprit divin a inspiré aux écrivains sacrés les doctrines, les pensées, il leur a aussi donné l’expression propre, les paroles. Il n’y a pas d’idées sans mots. Si l’Esprit-Saint ne donnait pas les paroles, il eût été possible que l’homme; laissé à ses influences naturelles, se servît de mots qui ne rendissent pas son idée. Quand vous faites faire un message à un ami, supposez même qu’il ne s’agisse que d’une invitation et de l’heure à laquelle vous l’attendez, vous préférez ne pas en charger verbalement votre serviteur, de crainte d’erreur de sa part, et vous lui donnez le message dans un billet écrit de votre main. Et Dieu ne ferait pas pour le salut éternel ce que l’homme fait pour un festin?

Seulement on pourrait ici distinguer deux systèmes: l’un, soutenu en Allemagne au dix-septième siècle, qui s’attacherait avant tout à l’inspiration des mots, et ensuite en déduirait celle des choses; et l’autre qui, s’attachant avant tout à l’inspiration des choses; en déduirait ensuite celle des mots, comme une conséquence nécessaire. C’est ce dernier système que je soutiens.

Mais, si je maintiens l’inspiration des paroles, non pour la lettre, mais en tant que nécessaire à celle du sens, je crois aussi à l’inspiration de toutes les parties de l’Ecriture. C’est un travail fort peu rationnel que celui de vouloir distinguer dans la Bible ce qui est inspiré de ce qui ne l’est pas. Et que devra-t-on exclure de la Bible? Sera-ce la loi, comme étant une économie1 de la lettre? Mais la loi, sans parler de tous ses autres buts, n’est-elle pas aussi « prophétique »? Ne vient-elle pas, par conséquent, de l’Esprit?
Ou bien, voudra-t-on distinguer entre doctrine et histoire? Mais l’Histoire biblique est-elle autre chose qu’une révélation des desseins et du salut de Dieu? Et la manifestation de Dieu en chair par Jésus-Christ n’est- elle pas à la fois histoire, mais doctrine, – doctrine, mais histoire?

Approchons-nous davantage de ce qui fait le sujet de la discussion actuelle.

L’essentiel, pour l’homme, c’est de connaître le salut de Dieu. Quel est le moyen par lequel il y parviendra?

Ce moyen peut être dans l’homme, ou au-dehors et au-dessus de l ‘homme. C’est cette distinction que Luther a faite quand il a dit: « Ce n’est pas sur le roc de la Parole de Dieu, c’est sur le sable de la raison de l’homme que repose l’église du Pape ».

L’Eglise évangélique fait reposer la connaissance chrétienne sur un principe pris en dehors et au-dessus de nous, dans une sainte et infaillible Ecriture. Selon tous les théologiens, il y a deux principes essentiels du christianisme évangélique: 1° la justification par la foi vivante en Christ et 2° la soumission à l’autorité souveraine des Ecritures. Aussi un docteur allemand de nos jours, le professeur Müller, de Halle, dit-il: « Celui qui ne reconnaît pas le dogme de la justification par la foi et l’autorité de la Bible, renonce à l’église protestante ».

Mais, si l’on rejette la Bible comme autorité divine, comme le témoignage qui donne la connaissance chrétienne et sur lequel la foi repose, qu’est-ce donc qu’on lui substituera?

Quatre écoles se sont ici présentées et, éloignant l’Ecriture, que l’Eglise évangélique met en avant, lui ont substitué chacune une autre source de vérité.

D’abord viennent les mystiques, dont les plus exagérés prétendent que le règne de l’Esprit et celui de la « lettre » sont deux règnes hostiles et incompatibles; que la vérité provient d’une illumination intérieure, indépendante de l’Ecriture, et que, quand on est placé face à la Bible, on possède en soi le principe d’un triage spirituel qui enseigne ce qu’il faut en prendre et ce qu’il faut en laisser.

Il est à craindre, d’après notre pauvre nature, que dans ce triage spirituel, chacun ne laisse précisément de la Bible ce que, selon la volonté de Dieu, il devrait avant tout en prendre. C’est le même risque que l’on courrait quand on présenterait à un enfant malade des médecines et des bonbons, et qu’on lui dirait: « Mon enfant, fais le triage selon le principe que tu possèdes en toi »,

Après cette première école, j’indique seulement les trois autres: la rationaliste, qui substitue la raison à la Bible; la catholique, qui compte des adhérents même dans les églises protestantes et qui lui substitue la tradition; enfin, la papiste, qui lui substitue l’infaillibilité du pape. Toutes ces erreurs se touchent. L’école mystique tombe aussi facilement dans la tradition. Un célèbre théologien allemand contemporain, Twesten, combattant les vues que nous combattons nous-mêmes, dit: « Si l’inspiration n’était pas autre chose qu’un certain génie religieux, ne devrions-nous pas trouver juste que les catholiques missent à côté de la Bible les écrits des Pères de l’Eglise, d’un Saint-Augustin, d’un Saint-Bernard, d’un Saint-Thomas d’Aquin, puisqu’on ne peut certainement leur contester le génie religieux? »2 Ainsi parle Twesten, et, en effet, ceux qu’il combat, les mystico-rationalistes, donnent volontiers à des écrits humains, par exemple à l’Epître de Barnabas, la même valeur qu’à la Sainte Ecriture. Le mysticisme et le rationalisme nous ramènent ainsi au catholicisme.

C’est avec l’opinion mystique, mêlée d’une dose de rationalisme et d’une moindre dose de traditionalisme, que nous avons surtout maintenant à faire.

Mais, dira-t-on, n’ont-ils pas raison, les docteurs et les fidèles qui s’élèvent contre la «lettre»? L’action du Saint-Esprit n’est-elle pas l’ouvre importante et par excellence dans le christianisme? Oui, Messieurs, il est aussi très important de placer les choses dans l’ordre voulu de Dieu. Il n’est pas nécessaire d’introduire des termes étranges pour créer de grandes hérésies: il suffit de changer l’ordre des termes que Dieu donne. Par exemple, comment la papauté arrive-t-elle à sa grande hérésie, celle du salut par les ouvres? Elle n’introduit rien de nouveau. Elle trouve deux mots dans l’Evangile: «salut», «ouvres», qui désignent deux choses très nécessaires; et elle se contente d’en intervertir l’ordre. Elle met le premier terme à la seconde place, et le deuxième terme à la première. Tandis que l’Evangile dit: «D’abord le salut, et ensuite les ouvres comme conséquences du salut», Rome dit: «D’abord les ouvres, et ensuite le salut comme conséquence des ouvres». Ce n’est, dira-t-elle, qu’un tout petit changement dans l’ordre des mots dont on se sert. Oui, mais ce petit changement produit une immense hérésie, qui perd les âmes et qui renverse, pour ainsi dire, le ciel et la terre.

Il en est de même dans la question qui nous occupe. La Parole écrite et le Saint-Esprit, voilà les deux termes, les deux organes par lesquels Dieu communique la vérité qui sauve. Mais quel est le rapport entre cette Parole et cet Esprit, selon la Bible et selon les églises évangéliques?

Je préfère ne pas vous indiquer ce rapport moi-même, mais avoir recours pour cela à d’autres théologiens, et je choisirai de préférence des plus libéraux, de ceux que l’on représente (à tort, sans doute) comme des partisans de l’opinion que je combats.

Le premier que je citerai sera le docteur Nitzsch, actuellement professeur à Berlin. Voici ce qu’on lit dans sa Dogmatique, à l’article intitulé: «Parole de Dieu et Esprit»: «Le don de l’Esprit est lié lui-même à la Parole de Dieu qui le précède. Ce rapport ne cesse jamais, en sorte que la connaissance chrétienne ne peut jamais être puisée dans une source purement intérieure, et que chaque appel à la lumière intérieure, avec mépris de la Parole extérieure, aboutit infailliblement à un enthousiasme vide de sens, à une creuse extravagance».

Je vous ai cité le docteur Nitzsch d’autant plus volontiers qu’il est, avec le docteur Müller, que je vous ai déjà nommé, et le savant Néander, fondateur d’un nouveau «Journal allemand de la science et de la vie chrétienne» qu’on dit vouloir modifier les doctrines reçues touchant l’Ecriture. «Toute action de l’Esprit-Saint, dit aussi Twesten dans sa dogmatique, a pour condition, pour organe, la Parole de Dieu dans l’Ecriture».

C’est là, Messieurs, ce qui avait été établi dès les premiers temps de la Réformation. Luther appelle ceux qui disent que l’Ecriture est une lettre morte, et qui ne vantent que l’Esprit: «Tolle Geister, Rottengeister», c’est-à- dire des fous et des brouillons. « La lettre ne donne pas par elle-même la vie, dit-il, mais elle doit être là, afin que par elle l’Esprit-Saint agisse dans le creur. Si l’on parle d’un Esprit que l’on ne reçoive pas par la Parole écrite, ce n’est pas le bon Esprit; c’est le diable tout pur sorti de l’enfer »3. Je le déclare avec la plus ferme conviction, pas un théologien éclairé ne bronchera sur ce point, même en Allemagne.

Müller, Néander, Nitzsch, Tholuck ont trop de science et de bon sens pour tomber dans cette creuse extravagance que l’un d’eux stigmatise. Quelques-uns de leurs disciples peuvent aller plus loin qu’eux, et cela mérite toute leur attention, mais jamais les maîtres n’adhèreront à ce divorce que l’on proclame entre l’Esprit et l’Ecriture. Des nuances séparent notre opinion de celle des théologiens dont je parle, mais entre eux et l’opinion que nous combattons, il y a, ou je me trompe fort, un abîme.

Remarquons qu’il faut distinguer parmi les mystiques deux écoles.

L’une, plus modérée, que j’appellerai mystique-chrétienne, reconnaît l’Ecriture comme inspirée de Dieu, mais seulement admet le Saint-Esprit comme instruisant indépendamment de l’Ecriture; c’est l’opinion du quaker Barklay. Cette erreur a de nombreux dangers, mais ceux qui la professent, il faut le reconnaître, possèdent encore la Parole et l’Esprit.

La seconde école, plus extrême, et que j’appellerai mystique-rationaliste, ne reconnaît pas l’inspiration de l’Ecriture, ne voit dans cette doctrine qu’une «ventriloquie cabalistique», et veut y substituer simplement le «noble accent de la voix humaine». Je désire qu’il y ait quelque exception à la règle; mais je crains que l’on ne doive dire, en thèse générale, que les disciples de cette école n’ont ni la Parole qu’ils rejettent, ni l’Esprit qu’ils revendiquent; car, vous l’avez entendu, l’un est lié à l’autre, et en rejetant l’un on perd l’autre.

Oui, Messieurs, il y a une foi à la Sainte Ecriture, L’Eglise repose sur la conviction vivante des chrétiens que la même puissance de Dieu qui, aux temps évangéliques, donna la Parole et les enseignements des apôtres, a donné aussi alors l’Ecriture, et l’a donné suffisante, parfaite, infaillible, pour manifester clairement et sûrement dans tous les siècles la volonté immuable de Dieu. Cette ferme confiance dans les Saintes Ecritures est une grâce du Saint-Esprit et la mère de toutes les grâces. Celui qui la perd, perd un don de Dieu, et il est en danger de perdre tous les autres.

Vous vous trompez, diront sans doute des personnes inexpérimentées qui adhèrent au nouveau système: nous ne perdons rien. Au contraire, la doctrine que nous recevons est un nouveau soleil qui se lève sur le monde, une seconde réformation, une ère nouvelle de lumière, de liberté et de vie, un moyen de satisfaire ceux qui désirent une catholicité véritable et d’amener à bonne fin l’union de tous les chrétiens.

Ces prétentions, Messieurs, ne sont pas nouvelles. Déjà les mystiques du Moyen-Age annonçaient qu’après l’économie du Père (Ancien Testament), l’économie du Fils (Nouveau Testament), ils allaient, eux, commencer l’économie de l’Esprit. D’autres fois, ils disaient qu’après la période de Paul, puis de Jacques, on allait entrer dans la période de Jean; et le fantasque Swedenborg, qui a des rapports avec la doctrine que nous combattons, annonçait, en 1770, «la nouvelle Eglise, l’accomplissement spirituel de l’Eglise chrétienne, pour former la nouvelle Jérusalem».

En faisant briller ces feux follets, on a de tout temps engagé infailliblement une jeunesse généreuse, mais imprudente, dans des mares dormantes et périlleuses. Il est important de peser la valeur de cette prétention.

Il y a dans le Cours d’histoire ecclésiastique du docteur Néander une réflexion qui m’a toujours frappé, non par sa nouveauté, elle est si évidente que bien d’autres l’ont faite avant et après lui, mais par sa vérité et son importance. Parlant des diverses utilités de l’Histoire de l’Eglise, le docteur remarque qu‘elle sert à nous faire discerner les maux dont nous pouvons être menacés, en nous présentant le tableau de ces mêmes maux dans les siècles antérieurs. « La nature humaine, dit-il, est, quant à ses erreurs, la même dans tous les temps: L’Histoire nous fournit, en conséquence, les meilleurs moyens de combattre de la manière la plus utile les sources du mal qui, de nos jours, paraissent dans l’Eglise, car elle nous montre que ce sont les mêmes causes qui, dans tous les temps, se sont opposées aux effets du vrai christianisme »4.

Au fond, cette parole de Néander revient à celle de Salomon: « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil« . J’ai donc pensé qu’il pourrait être utile de vous présenter ici un petit chapitre d’Histoire. Nous savons la nature de l’opinion qui s’est manifestée parmi nous; mais nous ne savons pas encore le rôle qu’elle doit avoir dans l’Eglise. Or, nous pouvons le connaître en considérant cette même opinion dans les siècles antérieurs: ce nouveau soleil, ce système réformateur, ce ne sont, il faut bien le dire, que des idées rebattues et des moins estimables de toutes celles que nous fournit l’Histoire. Nous avons donc ici une règle de trois; il y a un terme que nous ne connaissons pas, mais il y en a trois que nous connaissons, et vous savez qu’avec trois termes que l’on connaît on peut obtenir d’une manière parfaitement exacte le quatrième ou l’inconnu.

Pour essayer l’expérience indiquée par Néander, je voudrais donc fouiller dans nos annales trois siècles en arrière, et voir quels sont les docteurs qui, les premiers dans Genève, ont substitué à l’autorité de Dieu dans l’Ecriture l’autorité individuelle de l’homme, en lui donnant le nom de Saint-Esprit. Permettez-moi de vous offrir comme offrande de bienvenue, dans notre Genève de 1850, un tableau de Genève en 1550, un peu avant et un peu après.

(à suivre)

1 L’auteur emploie le terme ancien « économie » là où nous emploierions le mot « dispensation ». On appelle « dispensations » les différentes périodes que l’on peut distinguer dans l’accomplissement du plan de Dieu. (n. d. l. r.).
2 Twesten: Dogm. I, p. 423.
3 L. Opp., VIII, 1176.
4 Cours du Dr Néander à l’Université de Berlin.

Note de la rédaction: les passages en caractères gras le sont de notre propre initiative.

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