Dossier: Evangélisation
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L’Eglise évangélise par sa vie

Ce titre, qui peut paraître bizarre, a pour but d’insister sur le fait que l’évangélisation n’ est pas une activité que l’église inscrit dans son programme, quelque chose qu’ elle fait parmi d’ autres. L’ évangélisation est ce qu’ elle est, dans tous les aspects de sa vie, de son programme et de ses activités… pour le meilleur ou pour le pire! Car l’Eglise, dans la pensée biblique, est une humanité nouvelle, «parachutée du ciel», créée par le Saint-Esprit, composée de ceux qui sont nés de nouveau, devenus enfants de Dieu; elle est appelée, donc, à être qualitativement différente de tout club, société ou rassemblement créé par les hommes.

Dieu veut qu’ elle soit une communauté révolutionnaire, comme l’a dit René Padilla d’ Amérique latine: «Nous ne sommes pas appelés à faire la révolution, mais à vivre une existence révolutionnaire au sein des institutions de ce monde». Cette vocation doit tenir compte des raisons d’être de l’Eglise et des moyens que Dieu met à sa disposition. Résumons les premières avant de développer en plus de détails les seconds. L’ Eglise existe, elle est là, dans le monde, afin de glorifier Dieu d’abord, ensuite pour édifier les croyants, et enfin pour évangéliser ceux qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ… dans cet ordre! Sa première tâche est doxologique; les deux autres raisons de son existence doivent, d’ailleurs, contribuer à la première. Inversément, une église locale désireuse de glorifier Dieu sera zélée dans l’accomplissement de son ministère d’édification et d’ évangélisation.

Avant d’aborder le thème des moyens mis par Dieu à la disposition de l’Eglise, n’oublions pas un élément indispensable à l’évangélisation: il s’agit de la sainteté du peuple de Dieu. Peu de thèmes reçoivent autant d’attention dans le Nouveau Testament que celui-ci. Paul nous appelle, par exemple, à être irréprochables et purs, des enfants de Dieu sans reproche au milieu d’une génération corrompue et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde(Philippiens 2.15). Sans cette qualité de vie qui doit établir une distinction saisissante entre le peuple de Dieu et le reste de la société, notre témoignage ne sera pas crédible, nos efforts resteront stériles. Il est question d’être avant de dire ou de faire; en prendre conscience nous libérera d’un activisme stérile.

Ayant posé ces fondements indispensables, consacrons la suite de notre réflexion aux moyens dont l’Eglise dispose. Nous croyons avoir discerné trois catégories, que nous pourrions ranger sous les vocables grecs:
 I) koïnônia
 -communion avec Dieu  -communion entre frères
 2) diakonia
 -service
 -ministère de la Parole
 3) kêrygma
 -proclamation de la Bonne Nouvelle.
 Nous proposons de consacrer un examen plus approfondi à ces moyens – les deux premiers surtout – et aux articulations qui les lient à l’annonce de l’Evangile.

Koïnônia

Communion avec Dieu

Or, affirme l’apôtre Jean, notre communion est avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ(l Jean 1.3b).

Texte connu… mais de quoi s’agit-il? Tout, d’abord, d’une participation à la vie même du Père et du Fils, grâce à la présence en nous du Saint-Esprit. Nous touchons au coeur de l’Evangile, tel que le Christ l’a exposé dans ses discours sur le Pain de vie (Jean 6) et le Cep et les sarments (Jean 15). Au moment où Jésus promet l’Esprit Saint aux disciples et esquisse son oeuvre en eux il ajoute: Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera: nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui (Jean 14.23).

On pourrait donc définir le chrétien comme celui en qui habite Dieu le Saint-Esprit et, par là-même, Dieu le Père et Dieu le Fils. «Du nombrilisme! » diront certains lecteurs? Jugez-en plutôt. Cette conception de nos relations avec le Seigneur est aussi au coeur de l’Evangile prêché par Paul: Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi – que le Christ habite dans vos coeurs par la foi – Christ en vous, l’espérance de la gloire (Galates 2.20; Ephésiens 3.17; Colossiens 1.27).

Union mystique et vitale avec le Christ, qui non seulement nous rend participants à sa vie de ressuscité – c’est, d’ailleurs, cela la vie éternelle, – mais qui encore:
 – place les ressources d’En-Haut à notre disposition,
 -nous introduit dans une participation, toujours plus grande, aux pensées, aux intérêts, aux désirs et aux desseins de Dieu,
 -produit en nous le fruit de l’Esprit, bref une ressemblance à Jésus-Christ.

Pourquoi insister sur des vérités aussi évidentes, élémentaires? Parce que, ressembler au Christ par la koïnônia à sa vie, refléter quelque chose de sa beauté, c’est déjà évangéliser. On raconte qu’au cours de ses visites pastorales le Sadhou Sundar Singh frappa un jour à la porte d’un foyer hindou modeste. Une fillette vint ouvrir, puis laissa le visiteur sur le seuil pour aller rejoindre sa mère à la cuisine. En réponse à la question «Qui est-ce?» elle répondit: «Je ne sais pas. Mais à voir son visage, je pense qu’il pourrait être le Seigneur Jésus!»

La notion de koïnônia (qui vient du mot koïnos = commun) ne s’ arrête pas là.. Elle englobe également l’idée de communication, dans un dialogue individuel et collectif. Nous nous mettons à l’écoute de Dieu qui nous parle par sa Parole médiatisée par le Saint-Esprit. Nous lui répondons par notre réceptivité, par la foi, la soumission, la dépendance, l’obéissance, et aussi par des actions de grâce, la louange, et suprêmement par l’adoration. La louange, notre réponse à ce que Dieu nous dit, ne doit pas réduire sa Parole à la partie congrue du culte!

Dans la mesure où l’Eglise vit cette communion-là, faite de participation à la vie du Christ et de communication avec Dieu, dans cette mesure-même, elle évangélise, souvent sans le savoir, en ce qu’elle manifeste dans son attitude, son comportement et ses paroles, l’existence d’un monde que le monde ne connaît pas. Une communauté ou paroisse qui vit sa joie dans la communion avec le Seigneur évangélise à son insu. «J’ ai été témoin, affirme un auteur contemporain, de la manière dont Dieu peut révéler sa gloire et parler avec puissance en réponse directe à l’adoration. J’ai vu de grands intellectuels et des hommes du monde endurcis fondre en larmes et amenés au Christ par la puissance de la louange, parfois même en l’absence de toute prédication». Ce qui, exceptionnel, ne devrait pas constituer un précédent en contradiction avec ce que nous venons de dire plus haut!

Encore devons-nous souhaiter que cette adoration soit sobre, vraie, profonde, virile, adulte, christocentrique parce qu’elle est instruite par l’Ecriture sainte et inspirée par l’Esprit Saint. Et que la musique et les paroles chantées soient d’une qualité qui glorifient le Seigneur…

On peut distinguer quatre articulations entre l’adoration et l’évangélisation:
 1) Adorer en esprit et en vérité c’est, comme nous venons de le voir, déjà évangéliser, c’est reconnaître, déclarer devant le monde que Dieu est saint, glorieux et digne d’être adoré.
 2) Adorer en esprit et en vérité conduit à l’évangélisation. Reconnaître la sainteté de Dieu nourrit le désir de faire connaître cette sainteté à d’autres pour qu’ à leur tour ils reconnaissent et glorifient le Seigneur. Cette sollicitude à l’égard des autres est une marque de l’adoration véritable.
 3) L’ évangélisation conduit à l’adoration, car les fidèles louent ce Dieu qui attire à lui de nouveaux croyants et fait d’eux des adorateurs à leur tour.
 4) Evangéliser, c’est adorer! Dans Romains 15.16, Paul présente l’évangéliste dans le rôle de sacrificateur, et voit dans l’évangélisation un service sacerdotal; ceux qui se convertissent deviennent le sacrifice sanctifié par le Saint-Esprit et offert à Dieu. De sorte que l’évangélisation ne peut jamais être considérée comme une fin en soi…

En un mot, l’adoration et l’évangélisation sont indissociables et inséparables l’une de l’autre; elles se recouvrent même dans une certaine mesure, illustration du fait que dans ses diverses manifestations la vie de l’Eglise reste une et indivisible. L’ adoration s’exprime dans l’ évangélisation, l’évangélisation s’épanouit dans l’adoration, et le thème qui les unit est la gloire de Dieu et de son Fils Jésus-Christ.

Communion entre frères

Ce que nous avons vu et entendu, écrit Jean, nous vous l’ annonçons, afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et plus loin il ajoute: Si nous marchons dans la lumière, comme il (Christ) est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, etc… (1 Jean 1.3a, 7a).

Par la régénération, nous sommes passés de la mort à la vie – à une participation à la vie de Christ. Par l’adoption, nous avons reçu le même titre et les mêmes privilèges: ceux des fils de Dieu. Par la réconciliation, nous avons été rapprochés de Dieu, et par conséquent, les uns des autres. Toutes les barrières ont disparu pour que, d’étrangers, d’inconnus et d’ennemis que nous étions, nous soyons devenus frères au sens le plus profond, le plus intense, parce que membres de la même famille de Dieu. Dans une société fragmentée, déchirée par tant de sujets de colère et de haine, l’Eglise est appelée à être autre chose qu’un club, un groupe, une association de plus parmi d’autres: elle est appelée à conserver et à approfondir l’unité, don de Dieu, qui est celle de la participation à la même vie d’En-Haut et de la communication entre croyants (nous reprenons les éléments de la koinônia mentionnés plus haut).

Les barrières de race, de sexe, de classe, de privilège et d’éducation étaient nombreuses dans le monde du premier siècle. Peut-on imaginer l’impact de la démonstration faite par l’Eglise primitive d’un fait nouveau, unique: une communauté sans barrières où juifs et païens, hommes et femmes, maitres et esclaves mangeaient à la même table, partageaient à l’occasion leurs biens?

Sans tomber dans des excès irréfléchis de «koinônite», nous avons le privilège de redécouvrir la vie communautaire dans ses vraies dimensions bibliques. Nos églises sont appelées par l’ Ecriture, non seulement à manifester la joie, la louange et l’adoration, mais aussi à vivre dans la soumission réciproque, l’obéissance et la discipline exercée par l’ autorité légitime. Dans la mesure où nous vivons cette communauté-là, dans la mesure où nous apprenons à nous aimer réellement les uns les autres (Jean 13.34,35), à porter les fardeaux les uns des autres ( Galates 6.2), à nous réjouir avec ceux qui se réjouissent et à pleurer avec ceux qui pleurent (Romains 12.15), eh bien… nous évangélisons! Oui, par une unité qui transcende toutes les différences humaines, nous révélons la réponse de Dieu aux cris d’un monde froid, dur, agressif, fragmenté, solitaire, déchiré par l’individualisme, l’égoïsme, la méfiance et la peur. Mais, le faisons-nous?

Diakonia

Évangéliser au travers de la koïnônia, c’ est évangéliser aussi au travers de la diakonia. Retenons deux sens courants dans le Nouveau Testament de ce dernier mot: la notion de service et celle de ministère.
Service

Par son enseignement aussi bien que par son exemple, le Seigneur montre que la grandeur véritable selon Dieu se mesure, non pas par la distance que l’on monte pour rechercher honneurs, titres et prestige ou pour exercer le pouvoir, mais par la distance que l’on descend dans un esprit de service. C’est dans la mesure où j’accepte de m’abaisser pour devenir le serviteur de mes frères que je découvre mon rôle de diakonos, serviteur, et que j’évangélise dans une action parallèle et complémentaire à celle de la parole, par mon attitude, mes yeux, mes mains, mes pieds, mon travail.

Une église qui sert de refuge pour offrir accueil, écoute, compassion et encouragement, qui se livre à un service multiforme dans l’exercice des divers charismes accordés en vue d’un ministère de délivrance ou de guérison – dans la conformité, bien entendu, à la volonté souveraine de Dieu – eh bien, cette Eglise-là rend un témoignage puissant et fécond, elle révèle l’actualité et la puissance de la Bonne Nouvelle.

Dans toutes les horreurs inqualifiables qui frappent certains pays du monde – la Somalie, le Rwanda, le sud du Soudan, l’ex-Yougoslavie, l’Angola – des chrétiens ont écrit et écrivent encore une page bouleversante de service dans un esprit d’amour désintéressé, sans arrière-pensées, dans des conditions parfois dangereuses, souvent primitives et précaires. Combien ont été gagnés à la foi en Christ par cette forme d’évangélisation?

Ministère

Le ministère d’enseignement de la Parole en vue de l’édification de l’Eglise contribue à l’évangélisation en ce qu’il rend les chrétiens aptes à utiliser le – ou les – dons spirituels que chacun a reçus en vue d’une action correspondant à son ministère. Commentant Ephésiens 4.11,12, Adolphe Monod écrivait déjà il y a plus d’un siècle: «Le ministère des serviteurs de l’Eglise, tant des serviteurs extraordinaires (les apôtres et les prophètes) que des serviteurs ordinaires (les évangélistes et les pasteurs et docteurs) n’a pour objet que de préparer les fidèles pour ce ministère général où chacun d’eux doit mettre la main» (Explication de l’Epître de St-Paul aux Ephésiens, p. 225).

Dans cette optique, l’ évangélisation devient l’affaire des membres de l’Eglise, elle est l’oeuvre de toute l’Eglise, de tous ses ministres et de tous ses membres. Mais pour que ceux-ci soient formés au témoignage efficace de vies changées par la puissance du Saint-Esprit, il faut bien, la collaboration de tous les ministères que Dieu a accordés à la communauté. Michael Green insiste beaucoup sur ce point dans sa magistrale étude sur l’évangélisation dans l’Eglise primitive (pp. 172ss ).

Cependant, enseigner, c’est déjà évangéliser: une fois de plus la vie de l’Eglise est une et indivisible, et ses fonctions ne sauraient être dissociées les unes des autres. Paul avait loué l’école privée de Tyrannus à Ephèse pour enseigner l’Evangile chaque jour pendant deux ans (Actes 19.9,10). Plus tard, il dira aux anciens de l’Eglise d’Ephèse: Sans rien dissimuler je vous annonçais et vous enseignais …/… sans rien dissimuler je vous ai annoncé tout le dessein de Dieu (20.20,27).

J’ose affirmer que le ministère systématique d’ enseignement biblique pour l’ édification des chrétiens est déjà en soi un moyen puissant d’ évangélisation, qui peut aboutir à des conversions réfléchies, profondes. La communauté qui bénéficie d’un tel enseignement, rendu fécond par la puissance de l’Esprit, et complété par un ministère pastoral, verra des auditeurs se tourner vers le Christ, verra éclore des vocations, sans qu’elle ait besoin d’organiser des campagnes spéciales d’évangélisation. Des exemples sont là dans nos pays francophones pour l’attester.

Pendant douze ans en France, de 1952 à 1964, nous avons organisé et dirigé diverses sortes de camps sous l’ égide des Groupes Bibliques Universitaires: camps d’évangélisation, retraites d’approfondissement pour les chrétiens, camps de formation de cadres pour équiper les responsables des groupes locaux. Dieu ne s’est pas cantonné dans nos catégories! Les engagements sérieux dans la vie chrétienne furent, sauf exceptions, le fruit des camps pour croyants, alors que les camps «d’évangélisation» nous laissèrent parfois avec un sentiment de frustration.

Kêrygma

Oui, bien sùr! Annonçons la Bonne Nouvelle – l’Evangile éternel du Dieu Créateur et Juge à nos contemporains païens qui ne savent pas qu’ils tiennent leur existence et leur bien-être de Lui, et qu’ ils doivent comparaître devant Lui un jour – l’Evangile du royaume qui annonce l’avènement du royaume messianique déjà présent dans le monde – l’Evangile de la grâce du Dieu Rédempteur qui a donné son Fils unique, Jésus de Nazareth, le Christ, incarné, mort, enseveli, ressuscité, remonté au ciel, assis à la droite du Père, d’où il revient pour exécuter le jugement et établir son règne universel. Evangélisons – c’est notre tâche à tous, et pas seulement aux spécialistes, par tous les moyens que Dieu nous a donnés: une vie consacrée et sainte, la compassion, le service, la parole, les cellules de maison, l’ essaimage. Mais évangélisons comme une émanation nécessaire et inévitable d’une Eglise dont nous nous sommes efforcés d’esquisser les traits essentiels.

Frank HORTON


(Adaptation d’un article paru dans ICHTHUS, no 120, de janvier-février 1984).

Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour les perfectionnement des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ.

Ephésiens 4.11-12

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Dossier : Evangélisation
 

Horton Frank
Après des études au Biblical Seminary à New-York, Frank Horton a été secrétaire général des GBU en France, professeur puis directeur de l’Institut Biblique d’Emmaüs à St-Légier en Suisse. Retraité depuis plusieurs années, il poursuit son ministère d’enseignant. L’article que nous publions est un résumé d’un message donné en Angola, pays où il a passé son enfance avec ses parents missionnaires. Frank Horton est membre du comité de soutien de Promesses.