Etude biblique
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Psaume 16 : la confiance en face de la mort

Genre, contexte et thème

Ce psaume est habituellement classé parmi les psaumes de confiance (Ps 4-5, Il). Il a longtemps été considéré par la critique comme post-exilique, mais plusieurs commentateurs récents voient dans ses allusions aux idoles, sa tonalité archaïque et sa similitude avec le Ps 17 des arguments en faveur d’une date pré-éxilique. Le titre précise qu’il s’agit d’un « Miktam de David ». Le mot Miktam est discuté. Les uns pensent qu’il s’agit d’un épithète de David, « humble, intègre »; d’autres lisent « psaume d’expiation »; d’autres encore « une prière à voix basse ». Plusieurs versions, dont la traduction grecque des LXX, lisent « une inscription »; cela donne « transcription » ou « graphie » (Chouraqui) « de David ». On retrouve ce terme dans les Ps 56-60 dont quatre sont associés à des temps de crise. Le fidèle confronté à la réalité de la détresse aurait pensé que l’importance des événements vécus méritait une inscription. Le thème de ce psaume dépend en partie de la lecture des versets 2 à 4a qui sont difficiles à interpréter. Voici une traduction qui tient compte de tous les éléments du texte hébreu: Tu as dit au Seigneur: tu es mon souverain maître; je n’ai de bonheur qu’auprès de toi. Tu as dit aux saints ( =dieux) qui sont dans le pays : ce sont mes puissants ( =idoles); tout mon plaisir se trouve en eux. Ceux qui cherchent les faveurs d’un autre dieu ne feront qu’augmenter leur tourment. Si cette lecture est correcte, ce psaume évoque la prise de position du fidèle, qui en temps de crise est tenté par le syncrétisme de ses contemporains.

Une prière (v. 1 )

Le psalmiste, se sentant menacé, implore la protection divine. Il est aux prises avec deux dangers: celui de la mort (v. 10) et celui du syncrétisme (v. 2-4b). C’est parce que le fidèle a mis sa confiance dans le Seigneur qu’il a l’assurance que Dieu veille sur lui.

Une autre voie, une tentation (v. 2-4a)

Lorsque les fondements de la vie sont ébranlés, lorsque l’homme prend conscience de sa fragilité, de sa faiblesse, lorsqu’il chancelle (v. 8) et que l’ombre de la mort plane au-dessus de lui, pénètre au cour même de sa vie avec la maladie, la persécution, la pauvreté, etc., il est facile d’hésiter, de rechercher toutes les garanties et de basculer dans la non-foi. Le psalmiste se trouve devant un de ses contemporains qui a choisi cette voie, celle du syncrétisme: il confesse le Seigneur (v. 2a) mais aussi les idoles (v. 3a); son bonheur est en Dieu (v. 2b) mais aussi dans les dieux (v. 3b); il attend le secours du Tout-puissant mais aussi des puissants. En fait il veut, lui, le terrien, la poussière, garder le contrôle et s’assurer que le monde invisible est de son côté. Or, une telle attitude implique en fait un choix, celui de ne conserver que le dieu étranger (v. 4a), car le Seigneur de l’univers ne supporte pas de se laisser réduire à une telle confusion. Celui qui croit pouvoir concilier le Dieu de l’Alliance et le dieu étranger choisit en réalité l’idole, c’est-à-dire la créature, en d’autres termes le néant… C’est le chemin de la déception, de bien des tourments et de nombreuses souffrances. Mais cette peine sera peut-être l’occasion de retrouver le chemin de la délivrance et du salut.

Face à la tentation, s’attacher à l’essentiel

Face au danger ou à la menace, au sein de l’épreuve ou de la crise, le fidèle n’est pas à l’abri de la tentation. Cependant le psalmiste se rend compte que choisir une telle voie conduit à l’impasse et à la ruine. Aussi il s’en écarte résolument. Il recherche le conseil de Dieu et écoute la voix de sa conscience (v. 7). Attiré un instant par la confusion des allégeances contradictoires et contraignantes, le vrai croyant, lucide, renonce à l’idolâtrie, au syncrétisme et à son esclavage (v. 4b). Il confesse son attachement exclusif au Seigneur de l’Alliance, à celui qui est son compagnon intime (v. 5). Le fidèle fixe les regards sur celui qui le soutient par sa force (v. 8) et dont le secours et la protection sont suffisants (v. 1). En- fin il se livre à la louange et à la re- connaissance (v. 7). Avec une telle mentalité et l’attitude qui en découle, il ne faut pas s’étonner que le psalmiste soit joyeux et confiant au sein de la tempête (v. 8,9). Pour être précis il faut traduire le v. 9 ainsi: Aussi mon cour se réjouit, mon foie s’égaye, même ma chair demeure en sécurité. Âme, vie, foie, cour et chair nuancent avec bonheur le pronom réfléchi. De plus le foie est chez les sémites l’organe des émotions vives, douloureuses ou joyeuses. Les composantes du bonheur sont joie du cour, illumination du foie et bien-être du corps. En des termes analogues le psalmiste exprime l’entière satisfaction qu’il éprouve dans son être: En effet, il connaît la plénitude de vie car il sait que le Seigneur est le fondement de son existence et la source d’un bien-être qui n’a pas de fin (v. II). Il est assuré de la délivrance mais aussi d’une restauration globale et durable.

David, type du Messie

Cependant, ce psaume offre une autre dimension qui donne tout son sens à la confiance dont témoigne le fidèle en temps de crise. C’est un psaume messianique. Avec J. Calès nous pensons que « l’auteur du poème a mis en scène le Messie et a placé sur ses lèvres une prophétie littérale et directe ». Cette perspective a d’autant plus de sens si on se souvient que David est une des grandes figures de l’Ancien Testament qui annonce dans sa personne même la venue du Messie (2 Sam 7; Ps 89). Ce psaume a sans nul doute une coloration circonstancielle, mais à partir du v. 9 une présence qui dépasse celle de David occupe l’avant-scène. Une espérance surgit qui déborde celle du psalmiste: l’annonce de la résurrection du Messie échappant ainsi à la corruption, l’annonce de sa victoire à venir sur le pouvoir de la mort. Or, c’est précisément dans cette optique que Pierre (Act 2.25-34) et Paul (Act 13.34-36) comprennent ce poème. Ils le citent alors qu’ils évoquent la mort, la résurrection et l’exaltation de Jésus. Les apôtres veulent prouver que Jésus, réellement ressuscité – ils en sont tous les deux témoins – est bien le Messie dont parle ce psaume. Avec l’exégète F.F. Bruce, nous résumons ainsi l’argument de ces deux hommes: « Les paroles du psaume ne peuvent se référer à David puisque son âme est allée au Shéol et son corps a vu la corruption; elles se réfèrent donc nécessairement au roi messianique dont David était une figure et au nom de qui il parla. Ces paroles ont été accomplies en Jésus de Nazareth, et en aucun autre; il s’ensuit que Jésus doit être le Messie », C’est donc bien un argument scripturaire que les apôtres avancent dans les Actes pour démontrer que Jésus est le Messie attendu. Quelle audace! Mais cet argument a bien peu de poids s’il ne repose pas sur le sens réel du psaume.

Que dit ce psaume ?

S’il est vrai que plusieurs exégètes ne voient aucune allusion à la vie après la mort, ou ne perçoivent qu’une affirmation de la croyance en l’immortalité, une étude attentive des derniers versets permet d’y discerner avec les pères de l’église une référence à la résurrection du corps. « Posséder l’héritage délicieux qu’est Dieu lui-même, c’est bénéficier non seul ment de la direction ( v. 7) et de la stabilité (v. 8) mais aussi de la résurrection (v. 9-10) et de la félicité sans fin (v. Il) ». Il est intéressant de noter que la version grecque des LXX traduit la fin du v. 9 dans une perspective d’avenir: …et même mon corps reposera avec espérance. Le fidèle se réjouit parce qu’il vit dans la présence du Seigneur (v. 8 et 9a), mais en plus il a cette assurance que même lui, individu corporel, vit dans l’espérance d’une vie restaurée. Là où le Nouveau Testament traduit par corruption en suivant ainsi la traduction grecque des LXX dans sa citation du v. 10 (Act 2.27; 13.35), de nombreux commentateurs traduisent, « fosse », « gouffre », « tombe » etc. Or, s’il est vrai que ce mot peut signifier tombe ou séjour des morts, surtout lorsqu’il est mis en parallèle avec Shéol (séjour des morts, enfer, tombe, mort : v. 10a), retenir cette interprétation, c’est limiter le sens de ce verset à un enlèvement tel celui d’Enoch ou d’Elie, ou à la croyance en l’immortalité. Mais les apôtres parlent de résurrection! Or le terme hébreu employé (shahat), s’il a le sens de fosse, peut faire référence à la tombe comme le lieu de dis- solution du corps. Il véhicule l’idée de corruption (Job 17.14; 33.18, 22, 24, 30; Ps 49.10; 94.13). D’ailleurs A. Chouraqui traduit ce mot par « pourrissoir ». Le fidèle dont il est question connaîtra la mort mais non la corruption, car le Seigneur le relèvera! Notons enfin que l’expression sentier de la vie, vu le contexte, désigne la vie vécue en communion avec Dieu: elle continuera même au-delà de la mort. Joies et délices dépasseront l’horizon de cette vie; elles seront éternelles. La vie éternelle, c’est qu’ils te connais- sent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ, Jean 17.3.


…Dieu a inséré la révélation biblique dans l’histoire… Il est donc évident que, selon les Ecritures elles-mêmes, l’ensemble du champ de la connaissance est unifié. Dieu s’est exprimé dans un langage propositionnel et il a dit la vérité sur lui-même, sur l’homme, sur l’histoire et sur l’univers…
(Francis Schaeffer dans « Dieu, illusion ou réalité » p. 80, La Revue Réformée,

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page