Dossier: Ésaïe, l'évangile de l'Ancien Testament
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Le prophète Ésaïe : survol de son temps et de son message

Il avait été si beau le règne de David, le roi selon le cœur de Dieu. Celui de Salomon, le bien-aimé de l’Éternel, avait été magnifique. Sa richesse, sa gloire, l’étendue de sa domination avaient été telles qu’il avait représenté celui du « Roi sur Sion » auquel Dieu donnera les nations pour héritage et pour sa possession, les bouts de la terre (cf. Ps 2)

Mais ce royaume avait perdu rapidement sa splendeur. Des forces idolâtres obscures l’avaient miné de l’intérieur. Salomon avait fini comme un bateau qui sombre, et son royaume avait été déchiré à l’image du manteau du prophète Akhija (1 Rois 11.30). Il y avait eu désormais deux royaumes : au nord, les dix tribus appelées Israël ; puis, au sud, Juda et Benjamin.

Le royaume du nord, privé de l’accès au temple de Jérusalem et gouverné par l’idolâtre Jéroboam, allait être entraîné en deux siècles et demi, sous le gouvernement de rois impies, par une suite de désordres, de guerres civiles, d’invasions étrangères vers une mort certaine. Elle est toute proche quand Ésaïe arrive ; il en sera l’annonciateur et le témoin douloureux.

Juda, petit royaume, tapi sur ses collines arides, autour de Jérusalem, avait connu un moins sombre parcours. Quelques rois pieux avaient été dignes de leur illustre ancêtre, le roi selon le cœur de Dieu. Leur piété avait momentanément endigué l’idolâtrie accrochée au cœur du peuple élu. Mais d’autres avaient compromis ce que leur prédécesseur avait fait. Aussi, quand le prophète Ésaïe arriva, Juda marchait vers son déclin.

Ésaïe était né durant le règne d’Ozias ; il prophétisa sous trois autres rois de Juda : Jotham, Achaz et Ézéchias.

Quels rapports eut donc Ésaïe avec ces quatre rois de Juda ?

Du long règne d’Ozias, Ésaïe n’a retenu que peu de choses. Sauf qu’il date comme un événement fondamental sa rencontre avec Dieu et son appel prophétique, en l’année de la mort de ce roi (6.1).

Il avait pu être impressionné par la sainteté de Dieu, châtiant de lèpre le vieux roi rebelle. Il l’est bien davantage devant le Seigneur sur son trône (ch. 6). Comme Moïse « au buisson », il apprend aussi la grâce qui purifie le pécheur. Dès lors, il est disponible pour Dieu : « Me voici, envoie-moi » et Dieu l’envoie vers ce peuple.

Ses contacts avec Jotham, Ésaïe ne les rapporte pas, si même il en eut.

Il note sommairement ceux qu’il eut avec Achaz (ch. 7). Ils reflètent la patience de Dieu envers ce roi impie.

Par contre, Ésaïe s’étend longuement sur ses rapports avec le pieux roi Ézéchias. Même si les scribes ont fait d’autres récits de sa vie dans le livre des Rois de Juda et celui des Chroniques, il la transcrit une troisième fois (ch. 36-39). Il aime relater la confiance en Dieu de ce roi (ch. 36). Il se souvient du jour où des envoyés du roi sont arrivés chez lui, « couverts de sacs » avec ce billet : « Ce jour est un jour d’angoisse » et son appel terminal : « Fais donc monter une prière pour le reste qui subsiste encore. » (37.4). C’est que l’Assyrie est déjà sous les murailles…

L’ombre du jugement qui descendait sur le cadran d’Achaz a reculé momentanément quand le prophète et le roi, unis dans la même détresse et la même foi, « crièrent au ciel » (2 Chr 32.20).

Si Ésaïe relate le récit de la grande délivrance de Dieu sur les Assyriens, comme aussi de la guérison du roi survenue la même année, il ne peut taire le récit peu glorieux de la visite de l’ambassade du roi de Babylone (ch. 39).

Quels rapports eut Ésaïe avec son peuple ?

Outre ses rapports avec ces quatre rois, Ésaïe pose d’emblée, tel un médecin, le diagnostic sévère sur l’état moral du peuple : « La tête entière est malade, et tout le cœur est souffrant. De la plante du pied jusqu’à la tête, rien n’est en bon état : ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives, qui n’ont été ni pansées, ni bandées, ni adoucies par l’huile. » (1.5-6)

Il dénonce courageusement la rébellion, la violence, les iniquités, l’idolâtrie du peuple qui a abandonné Dieu : « Quoi donc ! la cité fidèle est devenue une prostituée ! Elle était remplie d’équité, la justice y habitait, et maintenant il y a des assassins ! » (1.21) ; « leur pays est rempli d’idoles… » (2.8) ; « comme Sodome, ils publient leur crime, sans dissimuler » (3.9) ; « toutes les bouches profèrent des infamies » (9.17)…

Par moment, les paroles du prophète deviennent terribles : « Malheur à leur âme car ils ont fait venir du mal sur eux-mêmes » (3.10, Darby) ; les « malheurs » se succèdent (ch. 5, 10, 17, 24, 28, 29…), et jusqu’au bout de sa prophétie.

Le prophète avertit que les jours du royaume du nord sont comptés (7.8) et que l’ennemi terrible est le roi d’Assyrie (8.5). Mais Juda doit savoir que cet ennemi sera « la verge » de la colère de Dieu contre lui (10.5,12).

Le prophète annonce finalement l’exil à Babylone (39.6-7) et le jugement des nations pécheresses : Babylone (ch. 13) ; l’Assyrie et la Philistie (ch. 14) ; Moab (ch. 15) ; Damas (ch. 17)…

Ces terribles jugements sont-ils donc inéluctables ? N’y a-t-il aucun espoir pour le peuple élu ?

Ésaïe, comme tous les prophètes, invite à la repentance, au retour à Dieu : « Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions ; cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé ; faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. » (1.16-17).

Plus qu’aucun prophète, Ésaïe ne cesse d’assurer ceux qui se confient en Dieu de son salut, de son pardon, de son amour : « À part moi il n’y a point de sauveur » (43.11 ; 45.21) ; « C’est moi, moi qui efface tes transgressions pour l’amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés » (43.25) ; « Ne crains rien car je te rachète,… tu es à moi… je t’aime… » (43.2-4)

Les accents du prophète peuvent être pathétiques pour parler de la fidélité de Dieu dans la rédemption de son peuple (54.1-10) et ses appels individuels anticipent l’évangile : « Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n’a pas d’argent ! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer ! » (55.1-3)

Pour le peuple de Juda, le prophète annonce le retour de l’exil (51.11 ; 56.8). Il nomme même celui que Dieu emploiera pour le favoriser : « Ainsi parle l’Éternel à son oint, à Cyrus… » (45.1).

L’attente du Messie

Est-ce tout ?… Ce serait trop peu. Le prophète n’aurait pas dit l’essentiel ! Car plus que tout autre, il annonce l’arrivée merveilleuse du Messie, ce Messie depuis si longtemps promis — et attendu !

« Ésaïe parla de lui » (Jean 12.41) :

– Il est « un fils » enfanté par « la vierge » et son nom est « Emmanuel » (Dieu avec les hommes) (7.14 cité en Mat 1.23-24).

– Il est une « grande lumière » qui surgit en Galilée (9.1-2 cité en Mat 4.13-16).

– Il est celui sur qui est l’Esprit du Seigneur « pour apporter de bonnes nouvelles » (61.1-2 cité en Luc 4.17-19).

– Il est le Serviteur du plaisir de Dieu, humble au service de l’homme (42.1-4 cité en Mat 12.18).

– Il est « le salut de Dieu jusqu’au bout de la terre » (49.6 cité en Actes 13.47).

– Il est le serviteur dépendant et souffrant (50.4-7), qui se charge de nos souffrances et de nos douleurs (53.4 cité en Mat 8.17), par les meurtrissures duquel nous sommes guéris (53.5 cité en 1 Pi 2.24).

– Il est l’agneau muet qui va à la mort (53.7 cité en Actes 8), qui n’a commis aucune violence dans la bouche duquel il n’y a aucune fraude (53.9 cité en 1 Pi 2.22).

– Il est victorieux et a « une part avec les grands » car il ressuscite (53.12 et 55.3 cité en Actes 13.34).

– Son règne est celui de la justice, de la fidélité et de la paix. Il est « une bannière pour les peuples ; les nations se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure. » (11.1-10 cité en Rom 15.11).

Et l’on pourrait multiplier les citations. Qu’il est difficile de résumer tout ce qu’a dit le prophète Ésaïe, tant il a été abondant pour « parler de lui » !

Quelques années après ces merveilleuses prophéties, sur le « cadran d’Achaz » l’ombre va descendre inexorablement vers une nuit effrayante. Les Chaldéens détruiront tout… tout, sauf la petite flamme de l’espérance, que les prophéties d’Ésaïe ont allumée dans le cœur de quelques fidèles du peuple élu.

Ils iront en exil à Babylone, un petit nombre seulement reviendra ; l’état moral du peuple déclinera encore… mais jamais cette flamme ne s’éteindra. De génération en génération, les paroles du prophète la soutiendront (cf. Act 13.27). L’espérance sera encore là dans le cœur de ceux « qui attendent la délivrance », quand, dans le secret d’un petit village de Galilée, les paroles merveilleuses d’Ésaïe se réaliseront enfin : « La vierge concevra… » ! Le Messie sera là

Le temps d’Ésaïe et le nôtre

Le temps de la prophétie d’Ésaïe n’est pas sans ressemblance avec le nôtre. Comme alors, des forces obscures corrompent nos sociétés occidentales : « la débauche, l’impureté, le dérèglement, l’idolâtrie, la magie, les rivalités, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table » (Gal 5.19-21).

Aussi clairement et courageusement qu’Ésaïe, les prophètes du N.T. dénoncent ces dérives. Dans les églises même auxquelles ils écrivent, leurs avertissements sont aussi solennels que ceux d’Ésaïe : « Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu. » (1 Cor 6.9) ; « Parce que tu es tiède, je vais te vomir de ma bouche » (Apoc 3.16 ; voir aussi 2 Pierre 2 et l’Épître de Jude). Mais comme Ésaïe, ils appellent le peuple de Dieu à la repentance, et l’invitation « repends-toi » résonne à l’adresse de cinq églises (Apoc 2 et 3). Ils appellent aussi à une vie de sainteté : « Ne convoitons pas, ne soyons pas idolâtres, ne commettons pas la fornication » (cf. 1 Cor 10.6-10).

Est-ce tout ? Eux non plus n’auraient pas dit l’essentiel.

Comme Ésaïe, les prophètes du N.T. annoncent l’espérance, la venue d’un Seigneur glorieux qui va établir son règne sur la terre, et qui aura pour cela préalablement pris son Église à lui. L’espérance jalonne toutes leurs lettres.

Y aura-t-il, même dans le peuple de Dieu d’aujourd’hui, des Achaz qui seront insensibles à cette merveilleuse promesse ?

Alors que tout va encore s’assombrir, soyons plutôt « ceux qui l’attendent », ceux dans le cœur desquels comme autrefois, la petite flamme de l’Espérance ne périt pas, mais que la voix des derniers prophètes ranime encore.

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Jouve Lucien
Lucien Jouve habite à Annonay, en Ardèche. Il est marié, a six enfants et plusieurs petits-enfants. Orateur apprécié, il s’implique dans son église locale et dans l’encouragement des chrétiens autour de lui, ainsi que dans l’enseignement des jeunes. Amateur de poésie, il est aussi poète à ses heures.