Etude biblique
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L’instauration de la royauté en Israël

1 Samuel 8 et 12

L’HISTOIRE de l’indépendance d’Israël est coupée en deux parties. Du temps des juges, le pays était géré de manière décentralisée, puis dès l’avènement du premier roi, le pays glissa vers une administration centralisée. Ces deux périodes sont sensiblement de même longueur, puisqu’on compte trois siècles et demi de Josué à Samuel (1404- 1050), et quatre siècles et demi de Saül à Sédécias (1050-587). Ce changement politique a bien sûr affecté la vie sociale des Israélites, mais il a aussi modifié les rapports entre Israël et l’Eternel.

A première vue, le changement de régime découlait d’une insatisfaction du peuple avec les fils de Samuel. Les anciens reprochaient à Samuel la corruption de ses enfants : « Tes fils ne marchent pas sur tes traces» (1 Sam 8.5). Bien que l’accusation fût fondée («les fils de Samuel se livraient à la cupidité, recevaient des présents, et violaient la justice », 1 Sam 8.3), le comportement fautif de Joël et d’Abiya n’était qu’un prétexte pour s’éloigner de l’Éternel, Israël voulant avoir un roi «comme les autres nations» (1 Sam 8.5). Tel est du moins le verdict de Dieu à Samuel: « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux» (1 Sam 8.7). Fondamentalement, les causes du changement politique sont d’ordre spirituel.

Dieu se retire

Dieu ordonne à Samuel d’aller de l’avant et d’accepter la demande d’Israël : « L’Éternel dit à Samuel: Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira» (1 Sam 8.7). Pour comprendre la promptitude de Dieu à accepter «l’indépendance» de son peuple, il faut réaliser deux choses. D’une part, l’endurcissement envers l’Éternel n’est pas nouveau. Génération après génération, Israël a été rebelle. Ce constat est rappelé à Samuel par Dieu lors de la requête du peuple («Ils agissent à ton égard comme ils ont toujours agi depuis que je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à ce jour», 1 Sam 8.8), puis communiqué par Samuel au peuple lors de la confirmation de la royauté (1 Sam 12.8-13). D’autre part, la demande d’un roi n’exprime pas un rejet total de l’Eternel. Israël ne veut pas devenir idolâtre, mais souhaite simplement ne plus être sous la juridiction directe de Dieu.

Dieu accepte cet éloignement, mais fait avertir le peuple des conséquences. Puisqu’Israël désire avoir un roi comme les autres nations et que les rois du monde exploitent leur peuple, Israël tombera sous le joug d’un tel homme. Le roi, véritable tyran, s’appropriera ce qu’il voudra: « Il prendra vos fils… vos filles… vos champs… vos ânes… votre bétail… vos serviteurs… vos produits…» (1 Sam 8.11-17). De plus, puisqu’Israël ne veut pas d’une supervision directe de l’Éternel, celui-ci se tiendra en retrait de son peuple: «Ce jour-là vous crierez contre votre roi que vous vous serez choisi, mais l’Éternel ne vous exaucera pas» (1 Sam 8.18).

La rupture entre Israël et l’Éternel n’est pas totale, mais partielle. D’un côté, Israël ne veut plus être sous la juridiction directe de l’Eternel, mais désire néanmoins continuer à l’adorer, et de l’autre côté, l’Eternel ne répondra plus aux moindres requêtes de son peuple, mais ne l’abandonnera pas entièrement : « L’Eternel n’abandonnera pas son peuple, à cause de son grand nom, car l’Eternel a résolu de faire de vous son peuple» (1 Sam 12.22).

La théologie des délais

Dès l’instauration de la royauté, on constate que Dieu n’intervient plus aussi promptement que dans le passé. Du temps de Moïse, de Josué et des juges, Dieu jugeait son peuple au moindre péché, tout comme il le sauvait au premier signe de repentance. Par exemple, les murmures dans le désert étaient sanctionnés par des malheurs immédiats. Le péché d’Akan lors de la conquête de Jéricho entraîne la défaite de toute l’armée dans la bataille suivante (Jos. 7), mais sitôt le péché confessé et expié, Dieu redonne la victoire à Israël (Jos. 8). Du temps des juges, le lien de causalité reste très marqué. A la moindre repentance, Dieu intervient et envoie un juge pour chasser les envahisseurs.

La période des rois est différente. Dieu se tient en retrait de son peuple. Les jugements et les libérations sont généralement différés. Cette politique des délais ressort particulièrement dans 1-2 Rois. Au sujet des jugements différés, on peut relever les exemples suivants:

1. Le péché de Salomon entraîne le schisme de son royaume, mais seulement durant la vie de son fils («L’Éternel dit à Salomon: Puisque tu as agi de la sorte, et que tu n’as point observé mon alliance et mes lois que je t’avais prescrites, je déchirerai le royaume de dessus toi et je le donnerai à ton serviteur. Seulement, je ne le ferai point pendant ta vie, à cause de David, ton père. C’est de la main de ton fils que je l’arracherai», 1 Rois 11.11-12).

2. De même, le péché de Jéroboam entraîne la disparition de sa maison sous le règne de son fils («Lorsque Nadab fut roi, il frappa toute la maison de Jéroboam, il n’en laissa échapper personne et il détruisit tout ce qui respirait, selon la parole que l’Éternel avait dite par son serviteur Achija de Silo, à cause des péchés que Jéroboam avait commis et qu’il avait fait commettre à Israël, irritant ainsi l’Éternel, le Dieu d’Israël », 1 Rois 15.29-30; cf. 1 Rois 14.9-11).

3. Le roi Achab a péché plus que tous les rois qui l’ont précédé (1 Rois 16.30-33). Pourtant, malgré l’idolâtrie généralisée dès le début de son règne, et le massacre des prophètes de l’Éternel, Dieu ne juge Israël que par une absence de pluie, un jugement très progressif. Après la démonstration de la puissance divine au Carmel et le retour de la pluie, Elie doit de nouveau fuir pour sauver sa vie, car Achab n’a rien fait pour diminuer l’influence et le pouvoir de Jézabel. Malgré l’omniprésence du péché, Dieu délivre Achab de la main des Syriens à deux reprises (1 Rois 20). Ce n’est que le meurtre de Naboth qui entraîne, enfin, une parole de condamnation divine contre le roi («Voici, je vais faire venir le malheur sur toi; je te balaierai, je retrancherai même le moindre de ceux qui appartiennent à Achab», 1 Rois 21.21). Mais dès que le roi s’humilie, Dieu reporte la destruction de sa maison d’une génération («Et la parole de l’Éternel fut adressée à Elie, le Thischbite, en ces mots : As-tu vu comment Achab s’est humilié devant moi? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant sa vie; ce sera pendant la vie de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison », 1 Rois 21.28-29).

4. Après deux siècles d’infidélité, le royaume du Nord est finalement déporté en Mésopotamie par les Assyriens, mais ce jugement extrême se produit sous Osée, un des meilleurs rois que ce royaume ait eus! En effet, il est le seul avec Jéhu à n’avoir pas eu un comportement entièrement négatif («Osée fit ce qui est mal aux yeux de l’Eternel, non pas toutefois comme les rois d’Israël qui avaient été avant lui», 2 Rois 17.2).

5. Quant à la déportation du royaume de Juda, elle est fixée définitivement par les péchés de Manassé (2 Rois 21.10-15), quatre générations avant la fin. Même le zèle de Josias à réformer profondément le pays ne détourne pas la colère divine («Avant Josias, il n’y eut point de roi qui, comme lui, revienne à l’Eternel de tout son cour, de toute son âme et de toute sa force, selon toute la loi de Moïse; et après lui, il n’en a point paru de semblable. Toutefois l’Eternel ne se désista point de l’ardeur de sa grande colère dont il était enflammé contre Juda, à cause de tout ce qu’avait fait Manassé pour l’irriter», 2 Rois 23.25-26). L’invasion de Nébucadnetsar remonte ainsi directement aux péchés de Manassé («Cela arriva uniquement sur l’ordre de l’Éternel, qui voulait ôter Juda de devant sa face, à cause de tous les péchés commis par Manassé », 2 Rois 24.3). Notons encore que malgré ses péchés exécrables, Manassé a régné plus longtemps qu’aucun autre roi de Juda ou d’Israël, soit 55 ans (2 Rois 21.1)!

Si le jugement est souvent reporté à une génération ultérieure, le salut semble échapper aux justes. Ceux-ci sont confrontés à de grandes difficultés, souvent plus que les méchants.

1. La reine Jézabel fait tuer les prophètes de l’Éternel, et seul un petit nombre est sauvé. Elie vit constamment en exil et Naboth, le juste, est lapidé pour ne pas avoir cédé l’héritage de ses ancêtres (1 Rois 21). Tous les notables se plient aux plans machiavéliques de la reine. Le mal ne semble rencontrer aucune opposition.

2. Le roi Ezéchias est confronté à de grandes difficultés juste après avoir mené une réforme religieuse: «Il fit ce qui est droit aux yeux de l’Eternel, entièrement comme avait fait David, son père. Il fit disparaître les hauts lieux, brisa les statues, abattit les idoles… Il mit sa confiance en l’Eternel, le Dieu d’Israël ; et parmi tous les rois de Juda qui vinrent après lui ou qui le précédèrent, il n’y en eut point de semblable à lui, mais la quatorzième année du roi Ezéchias, Sanchérib, roi d’Assyrie, monta contre toutes les villes fortes de Juda, et s’en empara », (2 Rois 18.3, 5, 13). Le Chroniqueur consacre trois chapitres à décrire les réformes religieuses (2 Chr 29-31), avant de poursuivre par ces paroles étonnantes: «Après ces choses et ces actes de fidélité, parut Sanchérib, roi d’Assyrie, qui pénétra en Juda, et assiégea les villes fortes, dans l’intention de s’en emparer», (2 Chr 32.1).

3. Josias, l’autre roi en plus d’Ezéchias à avoir eu un comportement exemplaire (2 Rois 23.25), est lui aussi confronté à l’invasion d’armées étrangères. Quelques versets après avoir loué le roi, le narrateur rapporte sa mort dramatique au premier contact armé avec les Egyptiens («De son temps, le Pharaon Néco, roi d’Égypte, monta contre le roi d’Assyrie, vers le fleuve de l’Euphrate. Le roi Josias marcha à sa rencontre; et Pharaon le tua à Meguiddo, dès qu’il le vit», 2 Rois 23.29).

Dieu reste le maître. discrètement

Même si l’action divine est moins manifeste au temps des rois qu’au temps des juges, elle n’est pas absente. Dieu se réserve le droit de contrôler les grandes lignes de l’histoire du peuple élu. Ainsi, c’est lui qui oint les deux premiers rois. Les deux onctions se font, cependant, très discrètement. Samuel sert de porte-parole divin les deux fois. Pour Saül, aucun témoin n’assiste à l’onction, puisque son seul serviteur est expressément renvoyé (1 Sam 9.27). Après son appel, Saül peut voir toute une série de signes prophétiques qui confirment la parole divine, mais il est le seul à les voir (1 Sam 10), et il se garde d’en parler à quiconque. A son oncle qui l’interroge sur son entretien avec Samuel, il ne rapporte qu’un aspect secondaire: « Il (Samuel) nous a assuré que les ânesses étaient retrouvées. Et il ne lui dit rien de la royauté dont avait parlé Samuel », (1 Sam 10.16). Quand les Israélites comprennent que Saül doit régner, ils n’ont pour seul signe de l’appel divin que le choix du sort (1 Sam 11.20-21). Quant à David, il n’est oint que devant sa famille, Samuel ayant pris toutes les précautions pour ne pas alerter le roi Saül de sa démarche (1 Sam 16.1-13).

Durant la période de la royauté, Dieu se manifeste rarement par des prodiges. Par contre, l’activité prophétique est des plus intenses, Dieu révélant sa volonté aux rois et au peuple par l’intermédiaire de ses prophètes. Ainsi, il n’y a pratiquement pas de génération sans qu’un prophète se manifeste. Leurs propos concernent le présent et l’avenir. En effet, ils jugent et exhortent leur génération, mais en même temps annoncent des interventions divines généralement distantes dans le temps. Dieu annonce son contrôle de l’histoire… dans le temps.

Elisée est l’exception qui confirme la règle. Son ministère tranche avec celui des autres prophètes, car il est fait de miracles. Mais l’opposition entre Elisée et les autres prophètes touche plus à la forme qu’au fond. En effet, chaque prodige d’Elisée a une portée eschatologique. Elisée sauve et guérit pour annoncer le ministère de Jésus-Christ (voir PROMESSES no122 «Elisée, le prophète des signes»).

Dieu n’est jamais pris au dépourvu

La royauté a toujours fait partie du plan divin. La venue du Messie est l’axe dominant du plan divin rédempteur. Si Dieu indique à Samuel d’accepter la demande populaire d’un roi, c’est parce qu’il avait depuis longtemps planifié la royauté. Il utilise simplement le mal pour en faire du bien, le péché de l’homme pour accomplir son dessein. Même la demande du peuple rebelle «d’avoir un roi comme les autres nations» était déjà annoncée, puisque Moïse avait laissé des stipulations précises pour guider le peuple lorsque la situation se présenterait («Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, lorsque tu le posséderas, que tu y auras établi ta demeure, et que tu diras: Je veux mettre un roi sur moi, comme toutes les nations qui m’entourent, – tu mettras sur toi un roi que choisira l’Éternel, ton Dieu… » Deut 17.14-20).

Aujourd’hui, nous vivons dans l’attente du royaume messianique. Le Christ est venu une première fois chez les siens, mais les siens ne l’ont pas reçu (cf. Jean 1.11). Le roi a été rejeté et son royaume ajourné. Bien que les arrhes du royaume aient été données, la plénitude manque encore. Les théologiens parlent du déjà et du pas encore pour exprimer cette réalité.

D’une certaine manière, notre situation est identique à celle d’Israël du temps des rois. Dieu ne règne pas directement sur le monde, en raison du péché des hommes. Le Messie a été retranché. En conséquence, le temps de l’église est plus marqué par la parole divine que par les prodiges (bien que ceux-ci ne soient pas absents). Dieu ouvre fondamentalement au niveau de sa parole. Le Saint-Esprit éclaire les Saintes Écritures et les chrétiens doivent en priorité diffuser son message dans le monde entier.

Les chrétiens sont des étrangers et des voyageurs sur la terre dans l’attente d’être unis à leur Seigneur dans son royaume éternel (cf. 1 Pi 2.11; Apoc 21-22). Christ est «Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Apoc 19.16). «Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit» (Dan 7.14).

D.A.

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Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.