Dossier: Le musulman, mon prochain
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Le vrai défi: le témoignage de Jésus

A. Une religion qui fait du bruit

Le voisinage des musulmans et les nombreuses références à l’islam dans l’actualité – parfois à tort, car on confond volontiers musulman, arabe et pro-palestinien – suscitent de nombreuses questions auxquelles une abondante littérature et des médias diversement inspirés tentent de répondre. Pourquoi l’islam? Pourquoi des Européens, des Africains, des Américains d’aujourd’hui se convertissent-ils à l’islam? Y a-t-il des parallèles à souligner entre ses succès du début et l’intérêt qu’il semble susciter encore aujourd’hui? Voici quelques axes de réflexion qui peuvent nous encourager à approfondir notre foi, à retrouver notre zèle d’évangélistes et à contempler Dieu à l’oeuvre dans un contexte difficile où le croyant doit encore souvent payer son espérance de sa liberté.

B. L’islam naît dans un monde qui ne connaît plus Jésus

Qui est le Christ ? Qui disons-nous qu’il est ?

On se souvient des deux questions posées par Jésus de Nazareth à ses disciples, alors qu’ils prenaient un peu de recul dans le territoire de Césarée de Philippe :

« Qui dit-on que je suis ? » et « Qui dites-VOUS que je suis ? » Il n’est pas exagéré de dire que toute relation à l’Evangile et au christianisme véritable est contenue dans la réponse honnête à ces deux questions.

Depuis qu’il existe des disciples et des auditeurs de Jésus, ces deux questions – et plus particulièrement la seconde – ont défini les rapports entre les hommes et le Christ, et mesuré de façon objective le contenu de leur foi.

Oppositions au Christ

Certains ont choisi l’opposition au Christ et ont persécuté son Eglise véritable comme ce fut le cas pour les autorités juives contemporaines de Jésus et, à un degré moindre, pour les rabbins qui ont fixé la Tradition qui posera les fondements du Judaïsme talmudique. D’autres ont affiché une indifférence, un intérêt intellectuel ou philosophique pour Jésus, en posant des questions auxquelles ils se gardaient bien de répondre. Ces derniers ont davantage servi l’Eglise lorsqu’ils sont restés à l’extérieur, à l’instar de Gamaliel et peut-être de Nicodème.

D’autres encore ont décidé d’apporter des réponses originales, ou d’opérer un tri dans les paroles du Christ qu’ils étaient prêts à accepter, lorsqu’ils n’inventaient pas tout simplement une révélation rivale qui ne se réclamait du Christ que pour mieux le marginaliser. Ce sont au départ des sectes dites « judéo-chrétiennes » comme celle d’Elxaï, qui prétendait avoir reçu une révélation complémentaire dans un Livre, puis de plus en plus fréquemment des sectes dites « gnostiques » dont les enseignements s’appuient en partie sur des « évangiles » pseudépigraphiques1. Plus près de nous, on pourrait citer les Mormons.

Dans ce groupe, on trouve aussi des faux-docteurs ou des docteurs imprudents qui répandent par leur enseignement des interprétations erronées de l’Evangile véritable, ou qui introduisent dans la doctrine chrétienne des notions empruntées à la philosophie païenne. C’est le cas de la plupart des controverses sur la nature de Christ qui ont divisé l’Eglise du IVe au VIIIe siècle : la plus célèbre est l’arianisme, qui nie la divinité du Christ et qui inspire encore aujourd’hui les Témoins de Jéhovah et leurs variantes russellistes2. C’est le cas aussi de bien des courants au sein des écoles modernes de théologie, qui s’attaquent au témoignage de l’Ecriture, qui nient les miracles ou qui privilégient de nouveaux types de miracles au détriment de l’Evangile de la grâce. Chaque fois retentit cette question fondamentale : « Qui dites-VOUS que je suis ? »

C. L’islam naît de l’isolement de l’Arabie et des querelles internes de la chrétienté

L’islam est né dans une sorte de "no man’s land", de glacis entre l’empire romain affaibli par les invasions germaniques et son éternel rival, l’empire perse, affaibli par la pression des peuples de l’Asie Centrale et les intrigues de palais. Sans faire partie des territoires conquis par le christianisme ou par la chrétienté, l’Arabie était parcourue ou choisie comme lieu de retraite par les partisans de divers courants et par des moines zélés à la piété parfois spectaculaire. L’Arabie était en relation commerciale avec des régions dont les gouvernants se faisaient les champions des diverses doctrines: la Mecque est « coincée » entre les tribus juives d’Arabie et du Yémen, les monophysites3 d’Ethiopie et d’Egypte, les nestoriens4 de Mésopotamie, les jacobites5 de Syrie, les « orthodoxes » melkites d’Asie Mineure et de Palestine6, sans compter les sectes « baptistes » de Bassorah et les sectes gnostiques7 d’Egypte. Partout les combats politiques font largement appel aux allégeances religieuses, les contradicteurs et les insoumis sont bannis par l’armée et même des moines jouent parfois le rôle de milices pour orienter les décisions des Conciles. Mais si près de l’Evangile et de ses contrefaçons, l’Arabie reste au VIIe siècle une terre ignorée par les missionnaires, méprisée par les stratèges, qui ne possède pas même un Evangile de Marc dans sa langue…

A l’époque de Muhammad, le polythéisme8 astral et le culte des pierres « bétyles » ne sont plus aussi attractifs pour les Arabes. L’influence monothéiste9 du judaïsme a profondément marqué les tribus, dont certaines ont embrassé le judaïsme ou une des formes du christianisme. On parle de personnages qui adorent un seul dieu appelé « le Miséricordieux ». Même à la Mecque, carrefour des diverses croyances et conservatoire des divinités païennes, on entend la formule « Allahou akbar », « Allah est plus grand » (que toutes les autres puissances spirituelles).

Dans les pays où l’islam s’installera en maître, on trouve également les mêmes influences monothéistes juives et chrétiennes, les mêmes controverses sur la nature réelle du Christ et la même instrumentalisation du religieux par le politique. L’Afrique du Nord est malade des querelles montanistes10, donatistes11 ou pélagiennes12, meurtrie par l’invasion des Vandales aryens13, qui chassent et tuent tous les évêques orthodoxes, et déçue par la main-mise politique de la lointaine Byzance. On ne dira jamais assez le tort causé par le témoignage scandaleux de nations dites chrétiennes, lorsqu’elles soutiennent des pouvoirs injustes, refusent de satisfaire à des aspirations légitimes ou encouragent des statu quo qui privent des hommes de l’espérance, moteur de tout vrai progrès.

D. L’islam s’affirme là où l’on conteste le témoignage que l’Ecriture rend au Christ

L’affirmation de la pleine et entière divinité de Jésus est le coeur de l’Evangile et de la confession des martyrs. Elle a pour corollaire la foi dans le mystère de la Trinité (ou tri-Unité), telle qu’elle a été formulée dans le symbole attribué à Athanase14 :

« C’est ici la foi catholique15 (c’est à dire de tous les chrétiens où qu’ils soient) : que nous adorions un Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité ; sans confondre les personnes et sans diviser la substance. Car autre est la Personne du Père, autre est celle du Fils, autre est celle du Saint-Esprit. Mais la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit n’est qu’une, leur gloire est égale, leur majesté coéternelle. Tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit. Le Père incréé, le Fils incréé, le Saint-Esprit incréé. Le Père infini, le Fils infini, le Saint-Esprit infini. Le Père éternel, le Fils éternel, le Saint-Esprit éternel. Et cependant ils ne sont point trois éternels, mais Un Eternel. Comme aussi il n’y a point trois incréés, ni trois infinis, mais Un Incréé et Un Infini. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu et cependant ils ne sont point trois dieux, mais Un Dieu…»

Pour le chrétien

Le mystère de la Trinité découle de la Révélation. Ce n’est pas à l’homme d’expliquer Dieu, ni de comprendre comment fonctionnent l’univers et les sphères spirituelles, alors qu’il n’est qu’une créature limitée et pécheresse. Le chrétien croit simplement ce que Dieu lui dit de lui-même et cela suffit à sa foi, sinon à sa raison.

Pour l’islam

Le point de vue est tout différent.

Soumis à toutes les influences centrifuges des religions et des sectes monothéistes et en pleine réaction contre un polythéisme qui découlait notoirement de l’absence de prophètes et de Révélation, Muhammad a opté pour un culte raisonnable, éloigné des extrêmes, selon l’affirmation du Coran volontiers reprise par les musulmans modérés.

Il a donc pris position vis à vis de Jésus en acceptant certaines traditions qui lui paraissaient inoffensives (même si elles attribuaient à Jésus des miracles invraisemblables comme ceux des évangiles apocryphes de l’enfance) et en refusant avec beaucoup d’énergie les doctrines qui pouvaient servir de fondement à une prééminence du judaïsme ou du christianisme.

La préexistence glorieuse du Christ avant Sa naissance à Bethléhem et l’accomplissement des prophéties messianiques sont passés sous silence.

La mort et la résurrection de Jésus sont absolument niées.

Le titre de Fils de Dieu est rejeté comme blasphème et la notion de Trinité, volontairement ou involontairement assimilée à la triade Dieu-Marie-Jésus, est déclarée ridicule et indigne de Jésus (qui l’aurait rejetée lui-même, d’après le Coran).

Le rôle dévolu à Jésus d’après le Coran est celui de simple prophète envoyé aux factions juives qui se sont divisées à son sujet. Il n’a aucune prééminence sur les prophètes de l’Ancien Testament ou sur les patriarches, mais il pourrait avoir annoncé la venue de Muhammad et la Tradition lui confère un rôle dans les événements de la Fin du Monde.

Jésus est instrumentalisé par l’islam pour contrer le judaïsme et pour confondre la chrétienté.

Bible et Coran

Pour éviter que le témoignage de la Bible puisse contredire le Coran, Muhammad affirme que Sa Révélation est la dernière, la plus complète, en réalité toute suffisante (ce qui va au-delà de la position similaire de l’épître aux Hébreux) et la Tradition ajoutera une insinuation selon laquelle le texte biblique aurait été manipulé. Elle formulera l’interdiction – d’une portée plus que symbolique – de traduire le Coran dans les langues vernaculaires. Le Coran est mis « hors de portée » en ce qui concerne son usage, sa critique et toute contestation ou interprétation. Déclaré « inimitable », il va dans la pratique évoluer vers le rôle du Logos, réalité incréée demeurant éternellement auprès de Dieu et « incarnée » historiquement par la révélation que l’ange Gabriel en aurait faite à Muhammad. On pourrait facilement comparer dans ce processus le Coran au Christ et Muhammad à Marie. Les rites de l’islam feront le reste pour que rien ne subsiste de l’Evangile du Sauveur qui donne sa vie en rançon du péché.

E. Conclusion

Là où le message libérateur de Jésus n’est plus prêché et vécu quotidiennement, dans le témoignage d’une Eglise qui confronte et interpelle les acteurs sociaux et politiques dans la paix et l’amour, le terrain est préparé pour l’islam… et le désert qui avance sera difficile à reconquérir!

Notes

1 C’est à dire dont l’auteur réel se cache derrière un nom usurpé d’apôtre, comme l’Évangile dit de Thomas.
2 Vient du nom du fondateur de cette secte, Charles-Taze Russel, né en 1852, qui fonda la société « Tour de garde » en 1881.
3 Hérésie née au 5e siècle. Pour ses adeptes, il n’y a qu’une seule nature de Christ, son humanité ayant été absorbée par sa nature divine ; elle est en contradiction avec Héb 2.17.
4 Adeptes de Nestorius que enseignait que Jésus était deux personnes séparées, possédant deux natures séparées ; cette secte est déclarée hérétique par le Concile d’Éphèse en 431.
5 Monophysites et disciples de Jacob Baradaeus (500 – 578) niant également les deux natures (humaine et divine) de Jésus.
6 Chrétiens syriens et égyptiens qui ne voulaient pas comdamner l’hérésie monophysite, tout en acceptent l’enseignement du Concile de Chalcédoine de 451 (voir Promesses n° 144 Les controverses doctrinales, « Le Credo de Chalcédoine » p.32-33).
7 Mouvement des premiers siècles après J.-C. aux vues dualistes et complexes dont les « connaissances secrètes » furent transmises par « initiation » ésotérique; pour eux la matière était mauvaise et, en consquence, ils niaient l’humanité de Jésus.
8 Croyance en plusiuers dieux.
9 Qui no reconnaît qu’un seul Dieu.
10 Mouvement charismatique associé à Montanus, au 2e siècle, mettant l’accent sur l’effusion du St-Esprit par extase et sur le parler prophétique ; Tertullien était montaniste ; se répandit en Asie mineure au 2e siècle ; fut condamné par l’Église.
11 Mouvement séparatiste nord-africain provenant de Donatus en 355, qui s’opposait à la réintégration des chrétiens qui abandonnaient les Écritures sous la persécution.
12 Fausse doctrine propagée par Pélage, un moine anglais du 5e siècle, enseignant que la nature humaine est essentiellement bonne ; met l’accent sur la capacité humaine et la libre volonté pour arriver à vivre sans péché ; c’est la négation de la corruption totale de l’homme conçu et né dans le péché (Ps 51.7 ; Rom 3.9-18 ; 7.14-25).
13 Nom donné, au début de notre ère, à différents groupements de Germains orientaux ; ils passent le Rhin en 406, entrent en Gaule et en Espagne ; sous Geiséric (428 – 477), ils passent en Afrique et s’installent en Numidie en prenant Carthage (439). Ils sont finalement vaincus en 534 par le Byzantin Bélisaire ; ainsi l’Afrique devient byzantine.
14 293 – 371, évêque d’Alexandrie, défenseur vigoureux, en 325, des enseignements du Concile de Nicée sur Jésus-Christ, éternellement divin et pleinement Dieu, étant « de la même substance » (homoousios). Il combattit l’arianisme et fut persécuté, voire même banni avec d’autres opposants à cette hérésie. Les plus anciens manuscrits du « Symbole d’Athanase » remontent aux 8e et 9e siècles. Un psautier de Cambridge l’attribue à Athanase. D’autres pensent plutôt qu’il fut écrit par d’autres mains, mais dans l’esprit d’Athanase. La première rédaction remonterait au 5e siècle et fut adopté dans son texte définitif vers 850 selon d’autres. Il s’agit des deux doctrines essentielles da la foi chrétienne, trinitaire et christologique.
15 « Universelle » provenant du mot grec « katholikos » dans le sens de « général » ; à ne pas confondre avec « catholique romain ».

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