Les pèlerins de la foi ont un grand Seigneur
Les croyants qui ont la foi en Jésus forment ensemble l’Église. Elle est représentée par des images :
– une « maison faite de pierres vivantes », sous la plume de Pierre ;
– un temple, un corps, une épouse, sous celle de Paul ;
– comme une famille, des enfants, selon Jean.
L’Épître aux Hébreux présente plutôt les croyants comme un peuple en marche, comme des pèlerins qui avancent vers un but.
D’un bout à l’autre de la lettre, il leur est montré la grandeur de leur Seigneur, la place suprême qu’il occupe, et les offices qu’il remplit pour eux. Mais ce Souverain est aussi accessible, ses sujets peuvent s’approcher de lui librement pour le prier (ch. 4), pour l’adorer (ch. 10). Mieux encore, les pèlerins sont assurés d’être écoutés avec bienveillance. En effet, leur Seigneur les comprend, sympathise avec eux, ayant lui-même parcouru leur chemin avant eux et pour eux. L’auteur de la lettre s’efface derrière la gloire de Celui de qui il parle et qu’il nous invite à découvrir en sept étapes.
1. Jésus plus grand que les anges (ch. 1 et 2)
Le premier chapitre présente la grandeur du Fils et répond à trois questions :
a. Qui est-il ?
– « Le Fils », par lequel Dieu a parlé (1.2)
– « L’héritier de toutes choses » (1.2)
– Le Créateur « par lequel Dieu a fait les mondes » (1.2)
b. Qu’a-t-il fait, à part cette œuvre créatrice ?
– « La purification des péchés » (1.3)
c. Où est-il ? :
– « Assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts » (1.3).
Suivent sept citations de l’Ancien Testament qui témoignent de la grandeur de Celui qui est « plus excellent que les anges ».
Le chapitre 2 nous décrit :
– son humiliation, toute résumée dans l’expression : « [il] a été abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges » (2.7,9) ;
– son exaltation, toute résumée par l’expression « couronné de gloire et d’honneur » (2.7,9).
« Le monde à venir » ne sera pas assujetti aux anges, mais « au Fils de l’homme » (2.5-8). Pour les croyants, il est « le Prince de leur salut » (2.10).
Les pèlerins de la foi doivent savoir pourquoi leur Seigneur a participé à leur humanité :
– « afin que, par la mort, il rende impuissant celui qui avait la puissance de la mort », et qu’il les délivre de la « crainte de la mort » (2.14) ;
– « afin qu’il soit un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle », et secourable (2.17-18).
2. Jésus plus grand que Moïse (ch. 3)
« Pour Moïse, il a été fidèle dans toute la maison de Dieu, comme serviteur » (litt. thérapeute : celui qui soigne). Il a pris soin d’Israël, a intercédé pour lui… mais il n’a pas bâti la maison d’Israël. Jésus « a été jugé digne d’une gloire […] supérieure à celle de Moïse » (3.3). Lui seul a dit : « Je bâtirai mon Église. » (Matt 16.18) C’est ce qu’il a inauguré par sa mort et sa résurrection, et ce qu’il accomplit chaque jour par son Esprit.
Aussi il importe que ce peuple de pèlerins en marche ne soit pas comme celui d’Israël dans le désert, peuple caractérisé par « le péché » (3.17) et « l’incrédulité » (3.19).
3. Jésus plus grand que Josué (ch. 4)
Après la mort de Moïse, Josué a conduit le peuple au travers du Jourdain jusque dans la terre promise. Mais il ne leur a pas donné le repos (le repos de Dieu) dont le sabbat était une image (4.8).
Par contre, Jésus nous ouvre le repos de Dieu, d’où cette certitude absolue : « Nous qui avons cru, nous entrons dans le repos » (v. 3).
Ce repos n’est pas une invitation à la passivité : les pèlerins de la foi de la nouvelle alliance, comme ceux de l’ancienne, sont appelés à mêler les promesses de Dieu à une foi vivante. A leur suite, nous sommes vivement exhortés : « Empressons-nous donc (litt. : mettons tout notre zèle, tout notre cœur) d’entrer dans ce repos. » (4.11)
Mais où trouver l’énergie d’un tel empressement ? Nous disposons de deux ressources :
– La Parole de Dieu : la « séduction du péché » et « l’incrédulité » guettent les pèlerins de la foi, mais la Parole vivante et puissante est là pour agir sur leur cœur et sur leur conscience (4.12-13).
– Jésus, le « grand souverain sacrificateur » : les pèlerins sont-ils sans force et souffrants ? Ils ont pour eux quelqu’un qui a été éprouvé en toutes choses comme eux et qui est capable de compatir maintenant à leurs infirmités (4.15). Ils peuvent donc librement s’approcher de son trône par la prière. Miséricorde, grâce et secours sont en lui, pour eux (4.16).
4. Jésus plus grand qu’Aaron et sa sacrificature (ch. 5 à 10)
Aaron, le souverain sacrificateur, était un personnage important en Israël. Il était « appelé de Dieu » à cette place et cette fonction « d’honneur » (5.4). Il en fut de même de Christ (5.5). Mais la faiblesse était la part d’Aaron : il devait offrir des sacrifices aussi « pour lui-même » (5.3). Le sacrifice de Christ en contraste sera uniquement pour les autres.
La sacrificature de Christ est plus grande, car elle est « selon l’ordre de Melchisédek » et cumule les fonctions de roi de justice, de roi de paix, de sacrificateur (7.1-3) et elle touche à l’éternité : « sans père, sans mère, sans généalogie, il n’a ni commencement de jours ni fin de vie » (7.3).
Sous l’ancienne alliance, les sacrificateurs se succédaient car la mort les arrêtait (7.23), mais Jésus est ressuscité « selon la puissance d’une vie impérissable » (7.16) et il « est toujours vivant pour intercéder » pour les siens (7.25b). Aussi ceux qui s’approchent de Dieu par lui peuvent-ils être secourus (7.25a).
Aaron était médiateur dans l’ancienne alliance, alliance établie sur des promesses conditionnées par l’obéissance. Mais Jésus est « médiateur d’une meilleure alliance qui a été établie sur de meilleures promesses » (7.22 ; 8.6 ; 9.15).
Les multiples sacrifices offerts chaque année par Aaron le grand jour des expiations ne pouvaient ôter durablement les péchés ni purifier la conscience des adorateurs (9.9 ; 10.2-4). « Mais Christ, avec son propre sang, a obtenu une rédemption éternelle. » (9.11-12) « Par une seule offrande, il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés. » (10.14)
Aussi l’adorateur peut-il maintenant, en toute liberté, s’approcher de Dieu lui-même par le sang de Jésus (10.19-22).
5. Jésus plus grand que tous les héros de la foi (ch. 11 et 12)
Qu’est-ce qui unit tous ces hommes, ces femmes et ces anonymes du ch. 11, qui ont vécu au fil des siècles et qui, pour la plupart, ne se sont jamais connus ? La foi !
Ces personnes se sont fiées à Dieu avec, il est vrai, une connaissance fragmentaire et progressive de Dieu et de ses pensées. Leur foi les a poussés à agir : « par la foi » ils firent ceci ou cela.
Cette foi est au départ (et probablement en chacun de nous) élémentaire : « C’est par la foi que nous reconnaissons que l’univers a été formé par la parole de Dieu. » (11.3) Avec Abel, la foi annonce, figurativement, le sacrifice de Jésus-Christ qui seul permet d’être agréé devant Dieu et de l’adorer en vérité. Alors on commence à marcher avec Dieu, comme Hénoc, en cherchant à lui plaire jusqu’à l’enlèvement. Comme Noé, le résidu futur d’Israël exercera cette même foi en traversant « la grande tribulation » et, gardé par Dieu, il entrera en possession d’une terre purifiée par le jugement.
La foi d’Abraham et de Sara a su écouter l’appel de Dieu, a su obéir à sa parole, a su compter sur ses promesses, sur sa fidélité, sa miséricorde, sa puissance pour les accomplir. Leur foi nous apprend aussi à attendre la cité céleste « meilleure » que celle des bâtisseurs de nos Babels contemporaines ! La foi d’Abraham éprouvé, celle de Jacob et de Joseph à la fin de leur vie, nous apprend à faire face à la mort dans la connaissance d’un Dieu plus puissant que la mort, d’un Dieu qui a le pouvoir de la résurrection.
La foi de Moïse, de Rahab, de Gédéon, de Barac, de Samson, de Jephté, de David, de Samuel et d’une foule d’anonymes inconnus (mais bien connus de Dieu) nous apprend qu’elle seule peut être victorieuse du monde. Quelle galerie de héros ! Ils ont vécu par la foi, ils sont morts dans la foi, ils ont triomphé dans la souffrance par la foi.
Quelle « grande nuée de témoins » ! Elle nous a précédés ? Non point, mais « elle nous environne » ! Cela implique certainement que nous connaissons leur histoire. Témoins tous unis par une même foi, la foi qui nous habite à notre tour. C’est comme si l’Esprit disait aux pèlerins fatigués : vous n’êtes pas seuls sur le chemin difficile de la foi ; en tous temps, il a été difficile, car jamais tous n’ont eu la foi (2 Thes 3.2).
Pourtant, si béni que soit l’exemple de ces héros de la foi, en aucun d’eux nous ne pouvons reconnaître le Chef. Jésus seul a vécu sans aucune défaillance dans son chemin de foi avec Dieu. Aussi, incontestablement, il marche en tête de tous, et amène cette foi à la perfection. Après avoir enduré l’« opposition des pécheurs » (12.3), il a traversé dans la foi en Dieu l’épreuve suprême de la croix pour parvenir jusqu’au trône de Dieu où il est assis (12.1-2). Aussi, incontestablement, il marche à la tête de tous, pour amener la foi de chacun à la perfection.
C’est vers lui que tous les pèlerins de la foi sont finalement invités à regarder. « Rejetant le péché et tout fardeau », c’est vers lui qu’ils sont appelés à courir (12.1-2).
6. Jésus plus grand que les conducteurs (ch. 13)
Nous n’avons pas connu personnellement les témoins de « la grande nuée » du ch. 11. Mais le chapitre 13 fait référence à « vos conducteurs » (13.7) : ce terme semble indiquer des serviteurs que nous avons connus et surtout écoutés. Ils nous ont annoncé la Parole de Dieu. Ils avaient une connaissance profonde des Écritures. Ils ont marché patiemment en comptant sur Dieu dans les jours faciles de leur vie comme dans les jours d’épreuve. Ils ont « gardé la foi », « jusqu’au bout » (3.6 ; 6.11). Nous nous souvenons d’eux, mais ils nous ont quittés ; leur départ laisse un grand vide. Alors l’Esprit dresse devant nous le portrait d’un plus grand qu’eux : « Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et éternellement. » (13.8) Lui ne change pas, ne passe pas. Il faut que le pèlerin de la foi dans le deuil, découragé, lassé, le sache.
Mais la grâce et la puissance du Chef de l’Église donne encore des conducteurs (13.17) : « ils veillent sur nos âmes » et nous devons leur « obéir ». Mais là encore, il faut que chacun garde son rang : Jésus est plus grand qu’eux. Il est « le grand berger des brebis » (13.20) que Dieu « a ramené d’entre les morts ». Ainsi le Père peut produire en nous « ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, à qui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen ! » (13.21)
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Cher lecteur, pèlerin de la foi comme moi, aux prises avec la « séduction du péché » et avec les doutes de « l’incrédulité » (3.12,19), comme moi — sans force (4.5), souffrant (10.32), peut-être frustré matériellement (10.34), ployant sous des fardeaux (12.1), lassé, découragé (12.3) — toi et moi, nous avons un Seigneur vivant, glorieux et accessible. Il nous dit : « Je ne te délaisserai pas et je ne t’abandonnerai pas. » (13.5) Dans notre marche vers lui, « le précurseur » (6.20), que notre foi soit toute en lui !