Série: Plaidoyer pour une cure d'âme biblique
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Plaidoyer pour une cure d’âme biblique (8 et fin)

4. Le paralogisme décisif

Supposons qu il serait possible de séparer les techniques thérapeutiques de leur arrière-plan idéologique, de telle manière que leur pratique ne violerait en rien les principes de l’éthique chrétienne, ces techniques ne pourraient-elles pas être utilisées dans la relation d’aide chrétienne?

La réponse doit être négative, car ce raisonnement représente un paralogisme ou faux raisonnement aux conséquences graves, vu qu~il fait abstraction du but principal de toute cure d’âme: la croissance dans la sanctification, dont la conséquence naturelle est la disparition des symptômes psychiques négatifs. Une méthode thérapeutique qui cherche à en libérer par d’autres moyens entrave le processus de la sanctification et va à l’encontre de l’intention de Dieu.

La question se pose: comment la sanctification a-t-elle lieu? Chercher à la favoriser par des méthodes psychothérapeutiques laisse deviner un manque de clarté à l’endroit de la doctrine de la sanctification. Il convient donc ici de définir le concept «sanctification» de plus près.

D’emblée, il est à retenir que la sanctification est la volonté primaire de Dieu pour notre vie: Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification (1 Thes 4.3). Cela signifie l’actualisation de Christ en nous, et non la réalisation de notre propre Moi. Le chrétien appartient à deux mondes: il a une existence terrestre comme tout le monde, mais en même temps aussi une existence céleste (Eph 2.6).

En Christ, nous faisons partie du monde invisible et éternel de Dieu, nous sommes des justifiés, des enfants de Dieu et des cohéritiers de Christ, et nous avons part à la vie et à la substance même de notre Seigneur (Eph 1). Cependant, avec notre corps marqué par le péché, nous vivons encore dans ce monde matériel et passager, bien que nous n’ayons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre… les principes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes (Eph 6.12). Il est d’autant plus difficile pour nous de vivre dans la sainteté que ce qui est charnel en nous prend facilement le dessus. En fait la sanctification n’est rien d’autre qu’un ajustement croissant de notre existence terres:re à l’existence céleste.

Ainsi, ce que nous sommes en Christ (notre existence céleste) et ce que l’on voit à partir de notre comportement (notre existence terrestre) sont souvent en contradiction. Chez les névrosés, cette divergence se manifeste simplement davantage que chez les autres

L’apôtre Paul s’exprime ainsi: Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit (Gal 5.25). Qu’est-ce à dire? Si, dans la relation d’aide, nous voulons acheminer d’autres sur cette voie, il nous faut nous-mêmes être au clair sur ce que cela signifie.

Evitons tout d’abord deux pièges:

1. Le chemin du légalisme et de l’auto sanctification

Tout appel à la psychothérapie aussi bien que toute cure d’âme qui cherche à se concentrer sur un comportement légaliste sont à rejeter. L’interlocuteur qu’on oriente sous forme d’exhortations, même bibliquement fondées, va au-devant d’efforts frustrants. Paul en décrit l’expérience dans Rom 7.25: Ainsi donc, moi-même, je suis par l’entendement esclave de la loi de Dieu, et je suis par la chair esclave du péché. Le «moi-même» a en grec la connotation de «par moi-même». La manière légaliste, qui est toujours condamnée à l’échec, est pourtant populaire parce qu’elle flatte le Moi, qui est fier de ses «accomplissements». Voilà aussi la raison pour laquelle l’aide psychothérapeutique renforce toujours l’autonomie du Moi, qui ne veut pas se soumettre à la volonté de Dieu.

2. Le chemin de l’exaltation et de l’auto-illusion

Ce sont en général ceux qui recherchent sérieusement la sanctification qui sont en danger d’emprunter cette voie. Seulement, pour éviter une lente croissance, qui implique le reniement du Moi et l’expérience de la croix, ils sont en quête d’un raccourci qui évite le brisement du Moi. S’étant fait imposer les mains par un frère qui dit avoir la plénitude du Saint-Esprit, ils s’imaginent l’avoir aussi reçue par ce simple procédé, qui leur conférerait non seulement puissance et autorité, mais aussi la capacité d’exercer le ministère de la cure d’âme. Quelle erreur! Ce chemin entraîne à l’orgueil spirituel; il peut même ouvrir la porte à des forces occultes.

Digression: la question de l’exorcisme

Gardons-nous de voir derrière toute affection psychique l’action des démons, dont on libère alors selon un schéma bien déterminé: lier les mauvais esprits, délier la personne affectée en prononçant une formule d’exorcisme. Cette forme de cure d’âme fait généralement abstraction du besoin de mettre tout péché à jour et de se repentir en vue d’une nouvelle orientation.

Il est à relever ici que, dans Mat 18.18, le fait de «lier» et de «délier» est en relation avec la discipline dans l’Eglise, où un membre repentant, qui avait été exclu de la communion (lié), est à nouveau réintégré (délié). Il n’est pas question de possession démoniaque dans ce contexte.

De même, l’expression «lier l’homme fort» dans Mat 12.29 n’est pas un encouragement à vouloir «lier Satan». Selon Apoc 20.2, cela aura lieu au retour de Christ, au début de son règne de mille ans sur la terre. Vouloir «lier Satan» est une présomption de notre part.

Un chrétien qui s’est placé sous une influence démoniaque doit tout d’abord s’en repentir et se séparer, en général avec l’aide de son conseiller spirituel, de ce qui a provoqué cette dépendance de forces occultes. Il est à constater que la Bible ne parle jamais d’exorcisme en relation avec des enfants de Dieu.

Vu que la relation d’aide est un combat qui se déroule dans l’invisible, il nous a paru important d’élucider, bien que sommairement, cette question touchant à l’exorcisme. Nous avons à rester sobrement biblique dans ce domaine de la démonologie et veiller à ne pas donner à Satan de l’honneur qui revient à Jésus-Christ seul.

Avant de quitter cette digression, il faut signaler le danger qui guette particulièrement le conseiller qui veut faire de l’exorcisme. L’interlocuteur risque de s’attacher à son conseiller, qui est devenu un véritable «guérisseur» auquel il attribue tout le mérite de sa guérison. S’il fixe aussi son espoir sur ce conseiller, il sera susceptible de succomber à sa puissance suggestive.

3. Le chemin de la croix

Ce chemin, que la Bible nous indique, est bien moins populaire. Il ne s’agit pas d’améliorer notre existence terrestre en faisant un saut miraculeux dans la sphère céleste. Le chemin de la croix nécessite l’abandon de toute illusion d’être à même d’effectuer soi-même sa sanctification. Il demande l’acceptation de la totale seigneurie de Jésus-Christ sur toute la vie.

Prenons comme exemple quelqu’un qui s’est fait opérer de la hanche. Pendant plusieurs semaines, il doit ménager l’articulation opérée et poser son poids sur l’autre jambe. De même, notre existence terrestre (le côté soigné) ne peut guérir (être sanctifiée) que si nous mettons le poids sur le côté bien portant (notre existence céleste). De Boor dit: ‘~La sanctification n’est pas un effort tendant vers le but, mais un comportement provenant du but.»

Nous avons à enseigner. h partir de la Parole, ce que nous sommes et qui nous sommes en Christ, si nous voulons que la marche de notre interlocuteur soit le fruit de l’Esprit et non de ses propres efforts. Seulement une fois qu’il aura compris ce qu’être crucifié avec Christ implique, selon Rom 6, sera-t-il prêt à laisser vivre le Seigneur à travers lui. Il doit pouvoir acquiescer de tout coeur aux paroles de l’apôtre Paul: J’ai été crucifié avec Christ ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair; je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi (Gal 2.20). Fini la tendance maladive de vouloir paraître ce qu’on n’est pas. A la place: . . . regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ (Rom 6.11).

Une fois que nous avons trouvé notre véritable identité en Jésus-Christ, ayant cessé de la chercher ailleurs, notre désir sera de mener d’autres à la croix, où seul il y a guérison durable de l’âme, jusque dans les recoins les plus profonds du psychisme. N’appliquons jamais une pression quelconque sur l’interlocuteur qui n’est pas encore prêt à faire ce pas; acceptons que la guérison n’est pas encore pour aujourd’hui. Il serait erroné de vouloir raccourcir une souffrance que Dieu veut utiliser pour briser sa résistance et de vouloir abréger le temps qui y es: nécessaire par des méthodes charnelles.

Toute psychothérapie. voire toute forme légaliste de cure d’âme, procurera tout au plus des béquilles permettant de marcher tant bien que mal, délivrera peut-être de certains symptômes. donnera un peu plus d’assurance, mais ce ne sera toujours que le vieux Moi charnel paré de beaux vêtements. Ce sera du vin nouveau versé dans de vieilles outres, de vieux vêtements rapiécés. Car les changements qu’opèrent les techniques psychologiques sont d’une qualité foncièrement différente que ceux qu’opère le Saint-Esprit.

Ne nous leurrons pas. Sans la puissance vitale du Saint-Esprit, rien de spirituellement significatif ne se passe. Jésus change l’eau en vin. Nous pouvons tout au plus mettre des étiquettes avec «appellation contrôlée» sur des bouteilles remplies d’eau, mais c’est du maquillage. Un chrétien psychiquement réformé n’est pas pour autant un chrétien spirituellement réformé. Il ressemble à la bouteille à l’étiquette frauduleuse.

Comme le Moi est pétri de péché, ce n’est jamais en le revalorisant que nos problèmes peuvent être résolus. La racine étant pourrie, comment l’arbre produirait-il de bons fruits (Mat 12.33)? La Bible nous appelle à nous défaire de notre vieille nature avec ses oeuvres – même les «bonnes»! La vie du Moi charnel doit faire place à la vie du Christ.

L’arme de Dieu est sa Parole, dont il est dit: Ma parole n’est-elle pas comme… un marteau qui brise le roc? (Jér 23.29). Elle seule, sous la direction du Saint-Esprit, saura briser la dure carapace de notre Moi. Ce que Dieu veut, ce n’est pas la valorisation du Moi, mais le reniement de ce Moi (Luc 9.23-25). Dans la mesure où nous sommes prêts à nous soumettre à cette thérapie divine, non seulement serons-nous libérés des symptômes psychiques et psychosomatiques, mais nous progresserons dans la sanctification jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait à la mesure de la stature parfaite de Christ (Eph 4.13).

Nous qui avons un ministère de cure d’âme devrions, en connaissance de cause, renoncer à faire appel à des méthodes d’inspiration humaine et suivre les principes que la parole de Dieu nous indique. Cessons de lutter d’une manière charnelle, et saisissons plutôt les armes qui sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses (2 Cor 10.4).

Roland Antholzer:
«Plädoyer für eine biblische Seelsorge»
(traduction partielle adaptée par J. P. Schneider avec la permission de l’auteur et des éditeurs)
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