Série: Les enseignements de l'Ancien Testament
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Quelle identité, Joseph?

Les enseignements de l’Ancien Testament (22)

La vie de tout être humain tourne autour de ces questions: Qui suis-je? quel sens a ma vie? quel espoir pour demain?

Quand il n’y a plus aucune réponse à ces questions, on se suicide, souvent après avoir cherché une autre dimension dans l’exaltation de l’alcool, de la drogue, du sexe effréné, ou de la richesse, du pouvoir, de la célébrité – tous des chemins sans issue.

On veut «se réaliser» (à la mode!); mais qui veut-on réaliser? On ne peut pas se réaliser soi-même, vu qu’on est déjà une réalité! – mais une réalité insatisfaite. Pourquoi?

Personne ne conteste que l’équilibre a une importance vitale, que ce soit dans le domaine de la physique (loi de gravitation, horreur du vide), de l’esthétique (les arts: musique, poésie, peinture, sculpture) ou de l’esprit (raisonnement, sagesse, mémoire) – tout doit être équilibré pour que cela marche bien. L’équilibre rompu provoque la désintégration, voire la destruction (environnement, expression artistique, psychisme de la personne). Or:

La vie de l’homme naturel est déséquilibrée:
c’est Moi, Moi, et encore Moi!

L’histoire de Joseph est très instructive dans ce contexte(1). Voilà un homme qui a trouvé sa véritable identité. Son histoire va nous aider à mieux comprendre ce que cela signifie. En fait: pourquoi y a-t-il son histoire dans la Bible? Le NT nous éclaire à ce sujet: Tout ce qui a été écrit d’avance (ou: dans le passé) l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience et la consolation que donnent les Ecritures, nous possédions l’espérance (Rom 15.4). Cela leur est arrivé à titre d’exemple et fut écrit pour nous avertit; nous pour qui la fin des siècles est arrivée (1 Cor 10.11).

Joseph nous montre que Dieu commence son travail de labourage profond en l’homme en lui faisant prendre un chemin qui descend. Avec patience et persistance, notre Père pénètre jusque dans les recoins de notre être pour nous révéler ce que nous sommes vraiment nous-mêmes.

Dans Gen 37, trois choses importantes nous sont dites sur ce jeune homme de 17 ans:

1. Joseph est rapporteur

Cela lui donne de l’importance, et il le sait. Il est le fils premier-né de Rachel, le grand amour de son père. Il est bien protégé, élevé qu’il est par deux femmes de son père, Bilha et Zilpa.

Il est l’intime de son père, car Jacob l’écoute quand il rapporte ce que disent ses frères aînés, et ce qu’on dit de mal sur eux. S’ils étaient mal vus, c’était en grande partie à cause du massacre de la population mâle de Sichem par Siméon et Lévi pour venger leur soeur Dina qui avait été déshonorée par le fils du prince de Sichem.

Il n’y a pas de doute que les grands frères se moquaient du jeune Joseph gardé à la maison et qui les visitait pour les surveiller et faire son rapport ensuite. Joseph se sentait meilleur que ses frères; par ses rapportages, il se vengeait de leur attitude dénigrante.

2. Joseph est préféré

Il a une position privilégiée. Jacob n’aurait pas pu trouver mieux pour distinguer Joseph de ses frères: un caftan bigarré à longues manches, habit voyant, l’uniforme du favori des femmes et du vieux père… Pas étonnant que ses frères prennent Joseph en aversion, au point où ils ne peuvent plus lui parler sans laisser percer leur haine.

Joseph a donc à présent une double identité: le confident de son père, et par là même le frère le plus important des douze; et le favori du vieux père, beau jeune homme somptueusement vêtu comme un prince. En ce temps-là, l’habit faisait bel et bien le moine, mais je ne suis pas si sûr que ce ne soit pas encore un peu le cas chez nous aujourd’hui…

3. Joseph est vantard

Tout cela doit avoir gonflé l’adolescent de 17 ans: le petit frère chouchouté méprisé des dix grands frères – élevé au-dessus d’eux tous! Il doit en avoir rêvé. Oh, les rêves délicieux de son Moi enflé!

Le premier rêve lui montre ses frères se prosternant devant lui. Et il le leur raconte! On peut imaginer son petit air de triomphe… Peut-on lui en vouloir? Il y a des gens bien plus âgés qui ne supportent pas mieux l’adulation.

Mais il v a encore mieux à rêver: non seulement ses onze frères, mais aussi son père et sa mère se prosternent devant Joseph le grand! Et il va le raconter aux frères, et aussi à son père. Ce dernier en est consterné; il fait remarquer à Joseph que ce rêve ne peut pas se réaliser, vu que sa mère, Rachel, est morte. Jacob ne peut savoir qu’une partie du rêve se réalisera: oui, ses frères se prosterneront devant Joseph, mais pas son père. Cela nous montre avec quelle prudence nous avons à considérer nos rêves (même si on les nomme «visions»).

Voilà donc Joseph l’important, le favori, le grand rêveur à qui le monde doit obédience. Il est heureux dans cette identité réjouissante. Il n’a même plus besoin de prendre trop d’égards envers son bon vieux père. Cependant:

Dieu a un plan pour Joseph

C’est un plan de taille: Joseph devra servir à sauver de la mort, conséquence d’une famine de sept ans, toute sa famille (70 membres). tout le peuple d’Egypte et les populations environnantes. Pour ce faire, Dieu fera de Joseph le Premier ministre du Pharaon, qui règne sur le pays le plus puissant du Moyen Orient. Grandiose, en effet! Seulement, avant que Joseph puisse être un instrument entre les mains de Dieu, il doit être façonné. car Dieu ne peut pas utiliser Joseph tel qu’il est, avec cette identité de fils préféré, de rapporteur, de rêveur de sa grandeur personnelle. Dieu ne peut utiliser aucun de nous avec l’identité qui lui est propre. Je m’arrête ici pour poser une question:

Quel est le point de référence?

Quelle identité, toi et moi? A quoi nous référons-nous quand il est question de notre personne? Oui, quel est notre point de référence?
Est-ce d’être père ou mère?
Est-ce d’être patron? ou femme émancipée (le mari obéit – ou: on a un travail indépendant)?
Est-ce d’être Français? ou Suisse? ou Belge? ou Canadien?
Est-ce d’avoir telle responsabilité publique?
Est-ce d’être missionnaire, et professeur de surcroît (vous voyez que je me sens concerne comme vous)?
Est-ce d’être médecin? chef de clinique?
Est-ce d’être ingénieur? ou directrice d’école?
Est-ce d’être ancien ou diacre d’une communauté?
Ou est-ce encore d’être ouvrier fier de son statut de «travailleur» pas petit bourgeois comme certains?
Ou peut-être que mon identité a-t-elle affaire à ma maison (pardon: villa), à ma voiture de marque, ou à toute autre propriété dont je suis fier?

Et si ce qui fait mon identité
m’était soudain arraché?

C’est exactement ce que Dieu fit avec Joseph. Dieu commence son labourage en nous engageant dans un chemin qui descend, Il pénètre dans tous les recoins de notre être pour nous révéler toujours mieux ce que nous sommes vraiment au fond de nous-mêmes, Son but est de nous donner une nouvelle identité, une identité qui ne repose plus sur le Moi de l’homme naturel né dans le péché et accapareur de nature dans tous les sens du mot.

Voici Joseph qui va vers ses frères, sûr de lui car envoyé par son père, revêtu de l’emblème de sa position supérieure – et brutalement sa tunique précieuse lui est arrachée, déchirée, foulée aux pieds! Et il atterrit dans une citerne vide.

Où est ton identité à présent, Joseph? Te voilà tremblant de peur, en culottes au fond d’un puits vide, et tes frères qui sont assis en-haut en train de se repaître. Joseph n’a plus rien; tout ce qu’il voit, c’est une rondelle de ciel bleu.

Le façonnement

De Jonas, il nous est dit qu’il a prié dans le ventre du cachalot. De Daniel dans la fosse aux lions, il n’est pas dit qu’il priait; mais il est dit: il avait eu confiance en son Dieu. De Joseph, il n’est rien dit, Cependant, ayant été instruit par Jacob, il est certain que Joseph aura crié à l’aide, sinon à haute voix, du moins dans son coeur Dieu connaissait Joseph et sa foi, Le voilà au fond du trou – et tout à coup, une corde! Elle descend pour ainsi dire droit du ciel.

La délivrance vient toujours du ciel. C’est en levant les regards vers Dieu que nous voyons qu’il agît pour sauver. Joseph est sauvé, ici, pour devenir un esclave, mais pas n’importe lequel; car Dieu veille, et Joseph devient l’intendant de Potiphar, homme influent, responsable de la prison.

L ‘Eternel fut avec Joseph

Dès ce moment, cette phrase ponctue le récit, avec comme corollaire: l’Eternel faisait réussir ce qu’il faisait.

Quel encouragement: dans ce chemin descendant, où nous devons perdre notre identité naturelle, nos points de référence naturels, Dieu est avec nous.

Dieu est avec Joseph, et c’est à cause de cela qu’il finît en prison. Cela nous étonne? C’est que, dit le texte: Joseph était d’une très grande beauté. Il a toujours sa beauté. «Joseph le beau garçon» – cela lui colle à la peau. Et cela le mène en prison. Il aurait pu être flatté par l’engouement de la femme de son maître. Non, car, dit-il: Comment ferais-je un aussi grand mal et pécherais-je contre Dieu? Il a compris que mal agir, c’est déshonorer Dieu. Il a déjà trouvé une identité nouvelle, supérieure à son Moi. Aussi Dieu le protège -t-il: il n’est pas exécuté pour son crime sacrilège – qu’il n’a pas commis! Potiphar connaît assez sa femme pour savoir que c’est elle qui a voulu séduire Joseph. Car lui-même. en tant qu’eunuque («saris» en hébreu) est émasculé, et sa femme cherche satisfaction ailleurs.

Pour Joseph, cela doit avoir été assez terrible: de nouveau, son vêtement lui est arraché! Innocent, il est jeté en prison. Il n’ouvre pas la bouche pour se défendre (il nous fait penser à Jésus). Il restera en prison jusqu’à 30 ans. Cette fois, Dieu lui donne, non des rêves, mais le don d’interpréter, non ce que son psychisme produit en lui, mais ce que Dieu produit, d’abord dans les autres, ensuite en lui.

Il aura fallu 13 ans à Dieu pour façonner Joseph à son image. Dieu procède comme un sculpteur. Pour faire d’un bloc de marbre un David, Michelange

enlève tout ce qui ne ressemble pas à une homme.

C’est ainsi que Dieu procède.

Nous voyons un homme sortir de prison qui a une nouvelle identité. Quand le Pharaon lui dit: J’ai appris que tu peux expliquer un rêve qui t’est raconté, Joseph répond: Ce n’est pas moi, c’est Dieu! Autrement dit: Je ne peux rien faire, Dieu seul peut tout!

Nouveau point de référence

Ce nouveau Joseph agira avec la sagesse de Dieu pour sauver toute une région de la famine. Ce nouveau Joseph saura amener ses frères à un vrai repentir Ce nouveau Joseph pleurera à cause des épreuves auxquelles il est obligé de soumettre ses frères pour leur faire voir leur péché; en cela il reflète le coeur d’amour de notre Seigneur.

Ce nouveau Joseph saura pardonner à ses frères et leur dire: C’est pour vous garder en vie que Dieu m’a envoyé, ce n’est pas vous (Gen 45.7-8)… Vous aviez voulu me faire du mal, mais Dieu l’a transformé en bien (50.20).

Ce nouveau Joseph, Premier ministre, le personnage le plus important après le Pharaon, a une nouvelle identité:

son point de référence,
ce n’est plus le Moi, c’est Dieu.

Quelle identité, la mienne? Quelle identité, la tienne? Nous lisons dans Rom 6: Nous savons que notre vieil homme (le Moi non régénéré) a été crucifié avec lui… pour que nous ne soyons plus esclaves du péché, … mais vivants pour Dieu en Christ-Jésus. «En Christ-Jésus» exprime notre nouvelle identité.

Sa vie est devenue notre vie: morts avec lui (sa mon à la croix à notre place) – ensevelis avec lui (signifié par le baptême) – assis avec lui dans les lieux célestes (Eph 2.6).

C’est par la foi que cette réalité peut être saisie, tout comme la réalité du pardon accordé à cause de son sacrifice à la croix. Maintenant, Christ est mon point de référence en tout.

Tu crois en Jésus-Christ? Alors il va te sculpter, toi aussi, car il t’a prédestiné à être semblable à l’image de son Fils (Rom 8.29). Il enlève ce qui ne ressemble pas à l’image de Jésus-Christ. Et il est en train de le faire. Tu sais pourquoi? Parce que si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, un être qui a une nouvelle identité. C’est un fait, en Christ tu es une nouvelle créature; en tant que telle, tu es transformé par le Père d’amour en l’amour de son Fils. Et quand cela fait mal, comme Joseph, le Père pleure. Tes épreuves sont peut-être écrasantes, dures à porter, au point où tu gémis sous leur poids. Mais il te veut semblable à son Fils. Laisse-le tailler.

Christ est ta vie. Voilà ton identité.

Jean-Pierre Schneider

 (1) Certains des éléments de l’histoire de Joseph m’ont été suggérés par des causeries données par Walter Gerber en mars-avril 1988 à Adelboden lors d’un séminaire sur la relation d’aide dirigé par le Dr Paul Kaschel.

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