Dossier: Le Salut
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La sécurité du croyant : Hébreux 6 et 10

La certitude du salut éternel est un des points majeurs de notre foi. Pour autant, ce sujet est parfois mal compris, voire critiqué. Deux séries de textes semblent au premier abord s’opposer :

  • ceux qui présentent la sûreté éternelle du croyant,
  • ceux qui semblent faire dépendre le salut de la conduite ultérieure du chrétien.

À plusieurs occasions, Paul, après avoir affirmé nettement l’efficacité de l’œuvre de Christ pour le salut du croyant, ajoute un « si du moins » qui semble aller à l’encontre de sa première affirmation. En voici un exemple : « Il vous a maintenant réconciliés par sa mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche, [sûreté éternelle] si du moins vous demeurez fondés et inébranlables dans la foi, sans vous détourner de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu. [salut conditionnel] » (Colossiens 1.21-23)

Face à des textes comme celui-ci, deux solutions se présentent pour celui qui a priori retient la toute suffisance de l’œuvre de Christ quant au salut :

  • soit il cherchera à minimiser ou à écarter les textes « difficiles » qui semblent introduire un doute,
  • soit il ne se dérobera pas, mais étudiera ces textes pour les comprendre.

L’histoire de l’Église montre que les polémiques ont été nombreuses et acerbes entre ceux qui insistent sur la sûreté éternelle du croyant et ceux qui pensent que l’on peut perdre son salut. Peu de textes ont été plus sollicités dans ce débat que les ch. 6 et 10 de l’Épître aux Hébreux. Aussi est-ce sur ceux-ci que notre attention va maintenant se concentrer. En effet, ces deux chapitres sont parmi les textes les plus paradoxaux : les certitudes les plus absolues y voisinent avec les avertissements les plus inquiétants. Pour schématiser, ils se présentent ainsi :

Avertissement (5.11-6.12)
Certitude (10.1-18)
Certitude (6.13-20)
Avertissement (10.19-39)

Dans chaque section d’avertissement, l’auteur 1° fait un constat, 2° donne des exhortations, 3° adresse un avertissement solennel et 4° tempère ce dernier par des encouragements. Dans chaque section de certitude, l’auteur fait reposer son raisonnement sur trois raisons irréfutables.

Le contexte de l’Épître aux Hébreux

Dans cette lettre, les croyants sont vus en pèlerinage sur la terre, en route vers la cité céleste, à travers un long voyage vers le pays du repos. En chemin, certains semblent se décourager et être tentés de revenir en arrière. Aussi l’auteur souhaite-t-il les avertir solennellement.

Cette lettre est avant tout une « parole d’exhortation » (13.22) ; même si des thèmes doctrinaux parfois ardus sont abordés, elle ne s’entend pas comme une exposition systématique du salut (contrairement à l’Épître aux Romains, par exemple), mais comme un avertissement pastoral. Ce point est à garder en mémoire lorsqu’on lit certains versets.

Premier avertissement (5.11-6.12)

Le constat (5.11-14)

Alors que les destinataires de la lettre devraient être des chrétiens matures, ils ont encore de la difficulté à comprendre la Parole de Dieu, ils sont paresseux et ne montrent pas beaucoup de signes de croissance spirituelle.

N’éludons pas ce constat pour nous-mêmes : depuis combien de temps sommes-nous sauvés ? et quels ont été nos progrès en x années de vie chrétienne ? N’avons-nous pas à baisser honteusement la tête ? Si tel est le cas, la suite de cet avertissement ne doit pas nous laisser indifférents…

L’exhortation (6.1-3)

L’auteur exhorte ses lecteurs à avancer plus loin que « l’enseignement élémentaire sur le Christ » (6.1, TOB) et il cite trois couples de notions plus ou moins reliées aux enseignements judaïques classiques, qui formaient la base de leur culture1. Ayons également envie d’aller plus loin dans notre connaissance biblique que les notions minimales de « l’école du dimanche ».

L’avertissement solennel (6.4-8)

L’auteur établit ensuite une impossibilité. Elle concerne des personnes qui ont un jour montré tous les signes extérieurs d’une conduite chrétienne, qui ont apprécié la présence des chrétiens pendant un temps, ont peut-être même été baptisées ou ont pris la cène, mais qui ensuite ont « laissé tomber » la foi chrétienne ; pour elles, il n’y a pas d’autre possibilité de salut, car elles rejettent le seul chemin, Jésus.

Cette situation n’est pas théorique ou limitée à la période de la rédaction de cette lettre. Quel lecteur ne connaît pas quelqu’un dont tout laissait à penser qu’il était vraiment chrétien jusqu’à ce qu’il s’éloigne de la foi, de façon apparemment définitive ? Dieu seul toutefois connaît la réalité de l’état du cœur.

C’est également ce que Jésus a vécu lors de son ministère : par exemple, des Juifs « crurent en son nom » (Jean 2.23), mais l’évangéliste rapporte que Jésus était parfaitement au clair sur la réalité de cette foi, qui, au fond, n’en était pas une (2.24-25). Le Seigneur avertit également que tous ceux qui ont prophétisé ou fait des miracles par son nom n’entreront pas dans le royaume des cieux (Matt 7.21-23) ; au fond, ces gens, il ne les a « jamais connus ».

Les encouragements (6.9-12)

L’auteur équilibre son sévère avertissement en rappelant les bonnes œuvres et l’amour montrés dans le passé par ses destinataires : les premières actions laissaient bien augurer de la réalité de la foi ; cependant, loin de se reposer sur elles, les Hébreux devaient ne pas se relâcher et persévérer jusqu’au bout.

Première certitude (6.13-20)

Elle est fondée sur trois raisons.

  • La première est la promesse faite à Abraham, le patriarche bien connu des destinataires. Il a cru à la parole divine et il a « persévéré » (c’est le mot clef de l’argumentation). Dans ce sens, il a obtenu la promesse : après 25 ans de patience, Isaac est né.
  • La deuxième est liée à la première : pour renforcer sa promesse de bénédiction, Dieu a rajouté un serment. Et le Dieu qui ne ment pas s’est lié lui-même, et par la promesse et par le serment.

À nous aussi, Dieu a fait des promesses2. Notre responsabilité, face au danger de l’apostasie, est de nous y cramponner, autant que l’Israélite d’autrefois lorsqu’il s’enfuyait vers une ville de refuge (6.18b).

  • La troisième se rattache à la position actuelle de Christ, vu comme notre précurseur. Les chrétiens sont considérés ici comme un peuple en déplacement qui s’appuie sur un objectif invisible. Le but est déjà atteint par le leader de notre foi (12.2) et notre certitude, notre « ancre » (6.19), est fixée sûrement, non pas dans l’eau de nos incertitudes et de nos hésitations, mais dans le ciel, dans le trône même sur lequel Christ est assis. La solidité de notre salut est directement liée à la position actuelle de Jésus : comment alors en douter ?

Deuxième certitude (10.1-18)

Là encore, trois raisons assurent notre sécurité absolue :

  • La volonté de Dieu (10.1-10) : il désirait éternellement sauver des hommes que les sacrifices de l’A.T. ne pouvaient rendre parfaits, et il l’a fait par le don unique et volontaire de son Fils.
  • L’œuvre de Christ (10.11-14) : il a offert une seule fois un seul sacrifice parfait (lui-même), d’une valeur éternelle ; et, sacrificateur tout autant que sacrifice, il s’est assis dans une position de repos, témoignage qu’il est inutile d’ajouter quoi que ce soit à son œuvre.
  • Le témoignage du Saint Esprit (10.15-18) : par la Parole écrite, objective, qu’on peut relire autant de fois que nécessaire pour affermir notre foi, l’Esprit vient affirmer que Dieu ne se souvient plus jamais de nos péchés.

Deuxième avertissement (10.19-39)

Nous y retrouvons les quatre mêmes points qu’au ch. 6, mais dans un ordre différent.

Les exhortations (10.19-24)

L’œuvre ayant été complètement achevée et le sacrificateur étant présent pour nous à la droite de Dieu, nous pouvons avoir une communion de proximité avec Dieu. Celle-ci se traduira par la mise en action des trois grandes vertus chrétiennes : – la foi (10.22), pour nous approcher hardiment d’un Dieu invisible mais vivant, – l’espérance (10.23), pour garder vivante l’attente de la réalisation définitive des promesses divines, – l’amour (10.24), pour montrer une sollicitude réciproque.

Le constat (10.25)

Les croyants hébreux s’étaient un peu découragés et certains ne mettaient pas souvent les pieds dans l’église… Ce constat, ne pouvons-nous pas le faire, en voyant par exemple le taux de fréquentation des réunions de prière en semaine (quand il y en a encore) ? 20 siècles après, la situation est souvent comparable — et les avertissements tout autant d’actualité.

L’avertissement (10.26-31)

Celui qui pèche délibérément en rejetant consciemment Christ ne peut recevoir miséricorde (l’acte est plus grave encore que sous l’ancienne alliance, moins glorieuse) : si on refuse volontairement le salut par Jésus, tout est perdu : il n’y a pas d’autre moyen. Le verset 31 fait trembler en pensant au sort qui attend des personnes que nous avons connues, qui ont fréquenté l’église, mais qui ont rejeté ensuite la foi qu’elles semblaient avoir sincèrement embrassée !

Les encouragements (10.32-39)

Comme au ch. 6, l’auteur rappelle des actes louables du passé : avoir souffert pour Christ (10.32-33a), s’être intéressé aux chrétiens persécutés (10.33b-34a), avoir accepté « avec joie » (!) d’avoir ses biens confisqués (10.34b)… Mais cette fidélité passée n’enlève rien au besoin présent et futur de « persévérance ». Pour beaucoup d’entre nous, nous n’avons pas eu à passer par des épreuves aussi dures pour affermir notre foi ; aussi le besoin de tenir ferme est-il encore plus grand !

SYNTHÈSE

Notre sécurité éternelle :

  • ne repose pas sur nos sentiments, mais sur le fondement de notre foi, c’est-à-dire sur la Parole de Dieu (Rom 10.17) : lors des moments de doutes, lisons et relisons les paragraphes sur notre assurance (6.13-20 ; 10.1-18) ;
  • ne doit pas être confondue avec l’assurance de notre salut : on peut ne pas être sûr d’être sauvé tout en l’étant vraiment ! (cf. 1 Jean 3.18-21) ;
  • ne peut être perdue, contrairement à la récompense que Dieu n’accordera qu’aux croyants dont la vie aura été bâtie avec les bons matériaux (relire 1 Cor 3.14-15 par exemple).

Notre sécurité éternelle repose :

  • sur Dieu : sur son plan éternel (Rom 8.29-30), sur sa puissance pour nous garder jusqu’au bout (Jude 24) ;
  • sur le Fils : sur son œuvre de salut (Héb10.14), sur son service d’intercession permanente en notre faveur (Héb 7.25) ;
  • sur le Saint Esprit : sur sa demeure éternelle dans le croyant (Jean 14.16), sur son action intérieure qui pousse à vivre en accord avec ce salut certain (Jac 4.5).

Du bon usage de ces textes

Comment alors concilier tous ces textes sur la sécurité absolue et tous ces avertissements ? La sécurité du croyant ne va pas sans un travail (Phil 2.12). En substance, Dieu nous dit : « Vous êtes saints, soyez saints. » Dans sa souveraineté, Dieu a décidé de mettre en œuvre la promesse inconditionnelle d’un salut qui ne dépend pas de nous, à travers notre réponse à des exhortations énergiques : nous sommes impliqués ainsi dans ce processus de préservation divine.

Il faut donc soigneusement choisir les textes à présenter lors d’échanges avec différents interlocuteurs :

  • à quelqu’un qui n’est pas croyant, exposons le salut par la foi,
  • à quelqu’un qui n’a pas la jouissance du salut mais dont la vie laisse à penser qu’il est sauvé, parlons des paragraphes de certitudes d’Hébreux 6 ou 10 ; il serait criminel de lui asséner les paragraphes d’avertissement !
  • à quelqu’un dont la conduite est négligente, parlons des paragraphes d’avertissement au cas où il ne serait pas réellement sauvé, car seul Dieu le sait (et pas nous),
  • à quelqu’un qui semble avoir abandonné la foi, présentons les paragraphes d’avertissement avec autant de solennité que la Parole,
  • à chacun de nous, qui savons que nous sommes sauvés pour l’éternité, laissons-nous sonder par les constats (suis-je paresseux ? suis-je peu assidu aux réunions d’église ?), faisons attention aux exhortations (avançons, ranimons la foi, l’espérance et l’amour) et rappelons-nous les encouragements.

1 Une étude attentive de ces six éléments (qui dépasse le cadre de cet article) permet de mettre en évidence leur aspect basique et leur caractère juif. Par exemple, le mot parfois rendu par « baptêmes » doit être traduit plutôt par « ablutions » (cf. Marc 7.4 et Héb 9.10 où il est également employé) ; il désigne les rites extérieurs de purification qui annonçaient symboliquement la purification intérieure qu’allait amener l’œuvre de Christ.
2 Voici quelques promesses : 2 Cor 7.1 (le peuple de Dieu et être ses fils et ses filles) ; Gal 3.14 ; Éph 1.13 (l’Esprit) ; Gal 3.29 (la bénédiction divine) ; Éph 3.6 (l’union des croyants juifs et des nations) ; Héb 4.1 (le repos) ; Héb 8.6 (la nouvelle alliance) ; Héb 9.15 (l’héritage éternel) ; Jac 2.5 (le royaume) ; 2 Pi 1.4 (la participation à la nature divine) ; 2 Pi 3.9,13 (le retour de Jésus Christ, les nouveaux cieux et la nouvelle terre) ; 1 Jean 2.25 (la vie éternelle)

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Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.