Quand le pardon ouvre les portes
Une expérience en Bosnie
Association « La Gerbe »
La Gerbe est une association humanitaire chrétienne française, fondée en 1988, qui a pour but d’apporter un soutien aux souffrants. En particulier, depuis plus de 12 ans, elle organise des envois d’aliments et de matériels vers les anciens pays de l’Est, l’ex-Yougoslavie, la Roumanie et l’Albanie, principalement.
En 1998, alors que la guerre en Bosnie venait de prendre fin, un convoi a été organisé vers la partie musulmane de ce pays. Un professeur au lycée horticole de Sarajevo avait pris contact avec l’association, demandant une aide pour les réfugiés de Srbrenica, qui étaient installés à Vozuca, village au nord-est de Sarajevo. Ce village d’environ 5000 habitants accueillait environ 3000 réfugiés, dont 375 enfants orphelins de père et 250 orphelins de père et de mère. Leurs besoins étaient immenses.
Le 28 juillet 1998, le camion arrivait à Vozuca. Devant l’école, beaucoup d’enfants étaient attroupés car le directeur leur avait donné rendez-vous pour la distribution. Ils attendaient, en discutant avec des soldats américains de la SFOR. Ces derniers étaient en patrouille, comme de nombreux soldats français, italiens, allemands, etc., qui sillonnaient à longueur de journée les rues des villes et des campagnes.
Le directeur de l’école accueillit chaleureusement les représentants de la Gerbe dans son bureau, en présence de six représentants de l’association des réfugiés de Srbrenica. Ces personnes, à première vue plutôt hostiles, ne parlaient pas. On pouvait lire sur leur visage une certaine crainte vis-à-vis d’étrangers venus d’Europe occidentale.
C’est alors qu’un des membres de l’équipe prit la parole et exprima, dans un langage simple mais avec un ton vrai, sa honte et sa confusion devant la tragédie qu’ils avaient vécue dans un pays si proche de la France. Il demanda pardon pour toutes les peines et les souffrances infligées par les nations dites « chrétiennes » à ces peuples musulmans, en particulier pendant cette guerre en Bosnie, encore si présente dans les cœurs et dans les corps. En effet, impossible d’oublier que les troupes de l’ONU (dirigées à l’époque par un général français) s’étaient retirées de Srbrenica, laissant ses habitants à la merci des troupes serbes. Un effroyable génocide s’ensuivit. Sur les documents de La Gerbe figurait le nom « d’association chrétienne », et le responsable sentait qu’il ne pouvait pas faire une distribution comme si de rien n’était. Au fur et à mesure qu’il parlait, des larmes coulaient des yeux de ces femmes qui avaient une attitude digne. Oui, cette confession avait été nécessaire à l’établissement d’une véritable communication entre ces réfugiés et l’ONG. Tous ressentaient qu’il se passait quelque chose d’important dans cet instant. Un petit enfant venait de récupérer un vélo d’un des camions du convoi et arriva dans le bureau du directeur ; il se mit à faire plusieurs tours au milieu de tous, français et bosniaques. Un sourire apparut sur les visages, et la distribution put commencer. La partie féminine de l’équipe expliqua à trois femmes responsables des réfugiés le fonctionnement des machines à coudre. Le visage un peu crispé des femmes s’éclairait peu à peu. Le reste de l’équipe ouvrait les cartons, défaisait les emballages… Chacun sortait les bras chargés de conserves, de biscuits, de vêtements.
Devant l’ampleur des besoins et la profondeur des traumatismes subis, dont le regard des enfants témoignait de façon poignante, ce geste d’entraide n’était qu’une goutte d’eau. Mais l’équipe de La Gerbe avait appris, à travers ce moment inoubliable, la valeur de l’écoute, de la prise en considération de l’autre. Oui, Jésus nous l’a appris, celui qui aide n’est pas le plus grand, c’est lui le serviteur.