Témoignage
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Une approche du prologue de l’Évangile selon Jean

Christophe Argaud travaille en région parisienne dans un groupe international, tout en s’impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église et dans diverses rencontres, en particulier pour les jeunes. Il est marié et père de trois enfants.

La structure symétrique du prologue

L’Évangile selon Jean ne débute pas, comme les évangiles synoptiques, par les scènes de la nativité ou par le commencement du ministère de Jésus, comme les Évangiles synoptiques, mais par une introduction magistrale qui, telle une ouverture musicale, décline les uns après les autres les grands thèmes de l’évangile.

On peut voir dans ce prologue (1.1-18) une construction particulière appelée « chiasme » où chaque thème, placé de manière symétrique, pointe vers le thème central, clef de voûte de l’édifice.

Le schéma suivant visualise cette construction : (A) Dieu avec Dieu : Cher Lecteur,……………………..(A’) Dieu avec Dieu
Le logos avec Dieu (v. 1-2)…………………….. Le Fils avec le Père (v. 18) (B) Dons aux hommes ………………….. (B’) Dons aux hommes (v. 3-5)……………………………………………..(v. 16-17) (C) Témoignage de………………. (C’) Témoignage de
Jean-Baptiste (v. 6-8) ………….Jean-Baptiste (v. 15)

(D) Venue de la Parole….. (D’) La Parole
dans le monde (v. 9-10)…..incarnée(v. 14) (E) Rejet ou acceptation de la Parole (v. 11-13)

Cette structure n’est pas anodine, car le thème central du prologue est aussi celui de l’Évangile (20.31).
Et, en même temps, le rejet ou l’acceptation de la Parole (E) sont basés sur ce qui précède, à savoir : (A) ce que la Parole est,
(B) ce qu’elle a donné aux hommes,
(C) le témoignage des hommes,
(D) sa vie parmi les hommes. Tout comme l’Évangile selon Jean dans son ensemble, ce prologue surprend par le contraste entre la simplicité des mots utilisés et la profondeur de son contenu. La suite de l’Évangile en sera le développement.

(A) et (A’) : Dieu avec Dieu

(A) : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. » (v. 1-2)
– Les arrière-plans grecs et juifs sont importants pour comprendre le terme grec « logos » (traduit par « parole » ou « verbe » en français). Pour les Grecs, le logos est la raison divine ou cosmique qui donne la cohésion au monde. Pour les Juifs, le logos renvoie à la sagesse qui a créé le monde et le soutient (Prov 8.23-26). Le fait que Jésus soit identifié au logos est donc un message fort pour ces deux cultures.
– La « Parole » était : l’imparfait suggère l’éternité, et s’oppose au passé simple employé dans les v. 3 et 14, quand la parole entre dans l’histoire par la création et l’incarnation.
– « Au commencement » renvoie à Genèse 1 et souligne qu’au moment de la création, la Parole existait déjà.
– Elle « était avec Dieu » et elle « était Dieu ». Le logos est distinct de Dieu et il est en même temps Dieu, dans une intimité unique et éternelle avec lui.
(A’) : « Personne n’a jamais vu Dieu. Dieu le Fils unique, qui vit dans le sein du Père, nous l’a fait connaître. » (v. 18)
– Ce verset distingue le Fils de toute création et exprime la relation étroite du Fils avec le Père. Et c’est ce logos-Fils qui a « fait l’exégèse de Dieu ». Il a expliqué, interprété, raconté la nature profonde de Dieu, ainsi rendu visible et accessible : « Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et celui à qui le Fils voudra le révéler. » (Matt 11.27)

(B) et (B’) : Dons aux hommes

(B) : « Toutes choses furent faites par elle, et sans elle pas une seule chose ne fut faite de ce qui a été fait. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont pas comprise. » (v. 3-5)
– La Parole entre dans l’histoire par la création. Créatrice au même titre que Dieu, elle donne aux hommes vie et lumière. La vie physique (« en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être » dira Paul en Actes 17.28), temporelle, préfigure la vie éternelle, thème majeur de l’Évangile. La lumière, première création de Dieu, représente dans l’A.T. la révélation de Dieu qui guide l’homme dans sa destinée et lui apporte la vie : « En toi est la source de la vie, en ta lumière nous verrons la lumière. » (Ps 36.9) Jésus s’identifie à cette lumière, en lui donnant une portée universelle : il est la « lumière du monde » (Jean 8.12).
– La lumière est supérieure aux ténèbres : les ténèbres n’ont pas enveloppé, circonscrit, vaincu la lumière. La lumière l’a emporté sur toutes les forces du mal, présentes dans le monde visité par le logos. Jean anticipe la fin de l’Évangile, avec le Calvaire et la résurrection.
(B’) : « Car, de sa plénitude, nous tous nous avons reçu, et grâce sur grâce. Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité vinrent par Jésus-Christ. » (v. 16-17)
– Jésus-Christ comble l’homme de richesses que la loi ne pouvait donner. Étant plénitude, il ne donne pas avec mesure : nous avons en effet reçu « une grâce après l’autre ». Ce ministère de la grâce, incarné par Jésus-Christ, dépasse celui de la loi, incarné par Moïse. Augustin a commenté le rapport entre loi et grâce dans cette formule célèbre : « La loi a été donnée pour que la grâce soit recherchée ; la grâce est venue pour que la loi soit accomplie. » La grâce qui accompagne la vérité n’est pas du laxisme — et la vérité nous est supportable car elle est alliée avec la grâce.

(C) et (C’) : Témoignage de Jean-Baptiste

(C) : « Il y eut un homme envoyé de Dieu ; son nom était Jean. Celui-ci vint pour rendre témoignage de la lumière, afin que tous croient par lui. Lui n’était pas la lumière, mais pour rendre témoignage de la lumière. » (v. 6-8)
(C’) : « Jean rend témoignage de lui, et a crié, disant : C’était celui duquel je disais : Celui qui vient après moi prend place avant moi ; car il était avant moi. » (v. 15)
– Le témoignage de Jean-Baptiste est un point essentiel de l’Évangile (1.19,32,34 ; 3.26 ; 5.33). Il était là pour que tous croient en Jésus-Christ, et un beau témoignage est rendu a posteriori à sa mission : « Plusieurs vinrent à Jésus et disaient : Jean n’a fait aucun miracle ; mais toutes les choses que Jean a dites de celui-ci étaient vraies. Et plusieurs crurent là en lui. » (10.41-42) Jean n’était pas la lumière, mais seulement un témoin de la lumière ; de même nous ne sommes pas non plus des modèles à imiter ou des références, mais nous montrons simplement Celui qui seul est lumière. Quand Jean-Baptiste a continué à baptiser alors que Jésus avait lui aussi commencé à le faire (3.22), leurs deux ministères se « télescopent », et Jean se rend compte qu’il pourrait retenir ses disciples d’aller à Jésus-Christ. C’est à ce moment qu’il constate « qu’il faut que lui croisse, et que moi je diminue » (3.30).

(D) et (D’) : La Parole incarnée

(D) : « La vraie lumière était celle qui, venant dans le monde, éclaire tout homme. Il (le logos) était dans le monde, et le monde fut fait par lui ; et le monde ne l’a pas connu. » (v. 9-10)
(D’) : « Et la Parole devint chair, et habita au milieu de nous (et nous vîmes sa gloire, une gloire comme d’un fils unique de la part du Père) pleine de grâce et de vérité. » (v. 14)
– « La lumière venant dans le monde », « la Parole devint chair » : on ne peut guère trouver de formulations plus concises de l’incarnation. Jésus n’est pas simplement apparu comme un homme : il est devenu homme. Jean choisit à dessein le terme le plus explicite qui soit (« chair »), pour démontrer l’humanité de Christ.
– La Parole « planta sa tente » (litt.) parmi nous, de la même manière que Dieu habitait au milieu de son peuple (Ex 25.8-9), mais avec la différence que Jésus était accessible par tous et en tout temps. Le rêve que Salomon osait à peine caresser (« Mais Dieu habitera-t-il vraiment sur la terre ? ») est réalisé.
– Cependant, l’accessibilité de Jésus ne lui ôte pas sa gloire, gloire liée à celle de Dieu (Jésus était « en forme de Dieu »). Cette gloire est plénitude de « grâce et de vérité », deux notions qui ne peuvent être comprises dans leur pleine dimension en dehors de la vie de Jésus-Christ. Chaque scène de l’Évangile montre à quel point Jésus les a incarnées : ses rencontres avec la femme samaritaine (la grâce : « Comment toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, moi qui suis une femme samaritaine ? » et la vérité : « celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ») et avec la femme adultère (la grâce : « Que celui de vous qui est sans péché, jette le premier la pierre sur elle » et la vérité : « Va, dorénavant ne pèche plus ») en sont deux exemples.

(E) Rejet ou acceptation de la Parole

(E) : « Il vint chez soi ; et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom ; lesquels sont nés, non pas de sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » (v. 11-13)
– Le point central du texte porte sur le rejet ou l’acceptation de Jésus-Christ. On ne peut adopter d’attitude neutre : soit nous croyons en lui, soit nous le rejetons. Ceux qui croient deviennent « enfants de Dieu ». Ce n’est pas parce que nos parents ou ancêtres sont chrétiens que nous le devenons : Dieu n’a pas de petits-enfants !
– Être « enfants de Dieu » est la réponse de Dieu à notre foi en Jésus-Christ, et non le résultat d’une décision humaine, comme le choix de vouloir un enfant.
– « Croire » en Jésus-Christ n’est pas simplement une démarche intellectuelle ou un élan de confiance inspiré par les paroles et la personne de Jésus. Il s’agit d’une démarche essentiellement volontaire, qui est l’aboutissement des pas de foi intellectuel et affectif qui la préparent. Or nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes pour prendre cette décision : le prologue nous rappelle que Jésus est Dieu, qu’il nous a comblés de bienfaits que nul autre ne pouvait apporter, et qu’il a partagé notre condition d’homme pour nous expliquer Dieu. Jean-Baptiste, mais également Nathanaël, Pierre, l’aveugle-né, Marthe et Thomas ont reconnu Jésus comme Messie et l’ont annoncé aux hommes, et Jean a consigné leur témoignage. Une foule de témoins s’est ajoutée à travers les âges, certains d’entre eux ont profondément souffert ou sont même morts martyrs.

Tout cela rend la décision de recevoir Jésus-Christ capitale — et sensée. Mais si la décision est négative, aucun lecteur de l’Évangile ne pourra honnêtement prétexter que l’identité de Christ ne lui a pas été clairement dévoilée.

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Argaud Christophe
Christophe Argaud, après plusieurs années dans l’industrie médicale, est directeur de la Société Biblique de Genève et de la Maison de la Bible. Il est actif dans son église locale, à Lausanne et s’implique dans diverses conférences, formations bibliques, rencontres de jeunes, etc.