Dossier: 1-2 Samuel
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La royauté en Israël selon le plan de Dieu

Les 16 premiers chapitres de 1 Samuel servent de pont entre deux périodes importantes de l’histoire d’Israël : la période théocratique (règne de Dieu) et la période monarchique (règne de David et de ses descendants). Il est clair que la demande des anciens d’Israël dans 1 Samuel 8.5 d’établir un roi sur le peuple était mauvaise puisqu’ils rejetaient ainsi le règne de Dieu pour un roi « comme il y en a chez toutes les nations ».
Cet événement soulève alors une question fondamentale en lien avec la théologie biblique de la monarchie en Israël : la monarchie était-elle voulue ou non par Dieu ? Très souvent, surtout en raison des circonstances mauvaises entourant la demande d’un roi, on y répond en affirmant fermement que la monarchie n’était pas voulue par Dieu, mais qu’elle a été permise pour différentes raisons, dont celle d’apprendre à son peuple ce qu’il en coûte de le rejeter.
Cependant, il est important de toujours vérifier le développement de toute doctrine biblique à travers la révélation progressive de Dieu avant d’en tirer des conclusions. Dans ce qui suit, il sera démontré que la monarchie en Israël était non seulement permise mais voulue par Dieu, en accord avec ses plans parfaits à l’égard d’Israël et du monde.

Une monarchie annoncée

Voici donc, en ordre chronologique, un survol des principaux passages bibliques qui mènent à l’établissement d’une monarchie en Israël.
 « Je te rendrai fécond à l’infini, je te ferai de toi des nations ; et des rois sortiront de toi »(Gen 17.6).
Treize ans après la naissance d’Ismaël, Dieu promet pour la quatrième fois à Abraham une postérité très nombreuse et qui aura en partage le pays de Canaan. Cependant, au fur et à mesure que Dieu réitère sa promesse, il y apporte toujours plus de précision. Ainsi, l’Éternel révèle maintenant à Abraham que des rois sortiront de lui. Avec cette promesse, nous avons déjà une connaissance partielle d’une monarchie qui sera établie à travers la lignée d’Abraham.
« Dieu lui dit : Je suis le Dieu Tout-Puissant. Sois fécond, et multiplie ; une nation et une multitude de nations naîtront de toi, et des rois sortiront de tes reins » (Gen 35.11).
Dieu refait la même promesse à Jacob. Cette répétition démontre clairement que la monarchie était voulue et prévue par Dieu.
« Voici les rois qui ont régné dans le pays d’Édom, avant qu’un roi règne sur les enfants d’Israël » (Gen 36.31).
Certains commentateurs pensent que ce verset a été ajouté plus tard par des scribes. Selon eux, il ne peut venir de Moïse, qui a écrit le livre de la Genèse environ 400 ans avant le début de la monarchie en Israël.
Cependant, en tenant compte des deux autres passages de la Genèse mentionnés ci-haut (17.6 et 35.11), il semble évident que le rédacteur de la Genèse reçut la révélation précise d’une future monarchie en Israël.
« Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Schilo[a], et que les peuples lui obéissent» (Gen 49.10).
Dans Genèse 49, Jacob prononce des paroles prophétiques sur chacun de ses fils. A-t-il une pleine conscience ou connaissance de ce qu’il dit, ou annonce-t-il simplement des choses prophétiques qu’il ne saisit pas lui-même ? Difficile de répondre à cette question. Cependant, rappelons-nous que Dieu avait promis à Jacob que des rois sortiraient de lui (Gen 35.11). Quoiqu’il en soit, que Jacob en soit pleinement conscient ou non, il annonce clairement que Juda sera la tribu royale. Le mot « Shilo », qui semble être ici une personnification du Roi-Messie, signifie « ce qui lui appartient », c’est-à-dire que le roi appartient à la tribu de Juda, ou il signifie « celui qui le possède », c’est-à-dire que le roi possèdera le sceptre.
Cette prophétie de Jacob précise la promesse faite à Abraham en Genèse 17.6 et à Jacob lui-même en Genèse 35.11.
« Son roi s’élève au-dessus d’Agag, et son royaume devient puissant » (Nom 24.7).
Cette prophétie de Balaam met l’accent sur la grandeur du futur roi d’Israël et de son royaume.
« Un astre sort de Jacob, Un sceptre s’élève d’Israël. Il perce les flancs de Moab, Et il abat tous les enfants de Seth. Il se rend maître d’Edom, il se rend maître de Séir, ses ennemis. Israël manifeste sa force. Celui qui sort de Jacob règne en souverain, Il fait périr ceux qui s’échappent des villes » (Nom 24.17-19).
Dans cette prophétie, Balaam voit à l’avance un roi qui sortira d’Israël (le mot « sceptre » ici apparaît clairement comme une personnification d’un roi qui règne en souverain). L’histoire subséquente d’Israël démontre comment le roi David s’est emparé de Moab et d’Édom (2 Sam 8.2,14). Ainsi, David a parfaitement accompli ce que Balaam avait prédit dans ces versets.
Certains pensent que ce texte de Nombres 24 se rapporte plutôt au Messie. Quoiqu’il en soit, cela n’affecte en rien la vérité d’une monarchie en Israël, car le Messie est également le Roi davidique.
« Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, lorsque tu le posséderas, que tu y auras établi ta demeure, et que tu diras : Je veux mettre un roi sur moi, comme toutes les nations qui m’entourent, tu mettras sur toi le roi que choisira l’Éternel, ton Dieu, tu prendras un roi du milieu de tes frères, tu ne pourras pas te donner un étranger, qui ne soit pas ton frère » (Deut 17.14-15).
Dieu, dans sa prescience, annonce à l’avance les circonstances et les temps des débuts de la monarchie en Israël, ainsi que les exigences de la loi envers le futur roi (lisez jusqu’au verset 20). Ce passage vient donc confirmer toutes les prophéties que nous avons déjà considérées.
« L’Éternel te fera marcher, toi et ton roi que tu auras établi sur toi, vers une nation que tu n’auras point connue, ni toi ni tes pères. Et là, tu serviras d’autres dieux, du bois et de la pierre » (Deut 28.36).
Ici, le texte regarde encore plus loin, soit la fin de la période de monarchie en Israël, lorsque le peuple de Juda sera exilé à Babylone. Encore une fois, il est clair que Moïse a reçu cette connaissance par révélation.
Voici donc comment se résume le développement de la théologie biblique de la monarchie jusqu’à ce point dans la révélation progressive de Dieu : Dieu est le grand Roi d’Israël. Cependant, Dieu a aussi prévu une monarchie humaine en Israël, à travers laquelle viendrait un roi puissant et souverain, le Shilo. Cette monarchie humaine devait être soumise à Dieu et elle devait être instituée selon son plan, à travers la tribu choisie, soit celle de Juda.
« Les hommes d’Israël dirent à Gédéon : Domine sur nous, et toi, et ton fils, et le fils de ton fils, car tu nous as délivrés de la main de Madian. Gédéon leur dit : Je ne dominerai point sur vous, et mes fils ne domineront point sur vous ; c’est l’Éternel qui dominera sur vous » (Jug 8.22-23).
Cette demande des hommes d’Israël laisse supposer une prédisposition à accepter une monarchie humaine, mais pas dans une optique de soumission à la royauté de Dieu. Cela ressemble davantage à un premier pas vers le rejet du règne de Dieu sur son peuple. Cependant, pour Gédéon, un seul doit régner et dominer sur Israël : Dieu lui-même.
« Tous les habitants de Sichem et toute la maison de Millo se rassemblèrent ; ils vinrent, et proclamèrent roi Abimélec, près du chêne planté dans Sichem.» (Jug 9.6).
Ce règne d’Abimélec a été limité à un petit territoire et à une durée de trois années seulement. Il est devenu roi par ruse et avec manigance, après avoir assassiné presque tous les fils de Jérubaal (Gédéon). Jotham, le seul fils de Gédéon ayant échappé à ce massacre, a prophétisé la chute d’Abimélec au moyen d’une parabole avec des arbres.
L’enseignement principal de cette parabole est que les arbres, même s’ils jouent un rôle utile (comme Gédéon l’avait fait), ont autre chose à faire que de devenir roi. Ce mépris pour la monarchie humaine démontre bien qu’elle n’avait pas encore toute la place dans le cœur de tous les Israélites.
Les Juifs en général semblent cependant prêts à vouloir un roi humain, mais au détriment de la royauté de Dieu. Cet épisode se passe environ 100 ans avant la demande des fils d’Israël pour un roi humain « comme » les autres nations.
« En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Jug 17.6).
« En ce temps-là il n’y avait point de roi en Israël.» (Jug 18.1).
« Dans ce temps où il n’y avait point de roi en Israël… » (Jug 19.1).
« En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon. (Jug 21.25).
Ces quatre passages indiquent qu’il n’y avait pas encore eu de roi bien établi en Israël, selon le plan de Dieu, à l’époque des Juges. De plus, ils semblent démontrer que l’absence de monarchie, autant humaine que divine, était la cause de l’anarchie. Dans le livre des Juges, si Dieu est rejeté comme roi par son peuple, l’anarchie prépare l’arrivée de la monarchie en Israël.
Ainsi, une lecture attentive du texte biblique jusqu’à ce point dans la révélation progressive de Dieu nous prépare clairement à ce qui vient dans le premier livre de Samuel.

Une monarchie instaurée

« L’Éternel jugera les extrémités de la terre. Il donnera la puissance à son roi, Et il relèvera la force de son oint » (1 Sam 2.10).
Anne avait-elle connaissance des promesses faites aux patriarches et des prophéties à propos de la monarchie à venir en Israël ? Consciente ou non de ses propres paroles, elle prononce clairement une prophétie à ce sujet. La juxtaposition des mots « roi » et « oint » dans son cantique démontre probablement qu’ils sont synonymes. L’oint ici est donc le roi choisi et soutenu par Dieu.
Dans une période où quelques juges sont encore actifs, mais pendant laquelle l’anarchie règne, nous sommes préparés prophétiquement à la mise en place d’une monarchie humaine en Israël.
« Maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations. Samuel vit avec déplaisir qu’ils disaient : Donne-nous un roi pour nous juger. Et Samuel pria l’Éternel. L’Éternel dit à Samuel : Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux » (1 Sam 8.5-7).
Ce passage décrit les circonstances mêmes conduisant à l’établissement d’une monarchie en Israël. Évidemment, la demande était erronée parce qu’elle était fondée sur le rejet du règne de Dieu. Cependant, Dieu a utilisé cette situation pour établir son propre plan de monarchie en Israël. Lorsque nous nous rappelons les circonstances dans lesquelles Dieu a accompli son grand plan de rédemption, c’est-à-dire à travers le rejet de Christ et sa crucifixion, faut-il vraiment s’étonner qu’il ait pu établir son plan de monarchie à travers le rejet de son propre règne par le peuple d’Israël ?
Dieu a répondu à cette demande des anciens du peuple premièrement en leur donnant Saül, un homme correspondant parfaitement aux désirs des enfants d’Israël. Il était un « homme d’élite et beau et […] plus grand que tout le peuple » (1 Sam 9.2, Darby). Saül était donc le choix de Dieu selon le critère des hommes. Mais Saül ne pouvait pas être le roi à la tête de la monarchie établie par Dieu puisqu’il était de la tribu de Benjamin et non de la tribu royale de Juda. Par contre, David, le fils d’Isaï, de la tribu de Juda, allait être le premier véritable roi d’Israël choisi par Dieu selon ses propres critères et sa souveraineté (1 Sam 16.1).
Dans 2 Samuel 7, Dieu confirmera son programme de monarchie en Israël par une alliance irrévocable, inconditionnelle et éternelle, l’alliance davidique. Cette alliance plonge ses racines directement dans l’alliance abrahamique. Il s’agit en fait d’une amplification des promesses faites à Abraham et aux patriarches que des rois sortiront d’eux.
Toutefois, il est important de noter que les promesses de l’alliance davidique ne concernent pas directement David lui-même — bien que les promesses lui soient données — mais son fils qui viendra après lui, c’est-à-dire Salomon. Encore plus, l’alliance davidique concerne un autre fils de David, Jésus-Christ, le Messie promis. Le commentateur juif A. G. Fruchtenbaum écrit : « Dieu a promis quatre choses éternelles à David : une maison ou une dynastie éternelle, un trône éternel, un royaume éternel et un descendant éternel. Le caractère éternel de la maison, du trône et du royaume est garanti parce que le descendant de David culmine en celui qui est lui-même éternel : le Messie Homme-Dieu. »
Ainsi, la monarchie en Israël était voulue par Dieu et absolument nécessaire pour l’accomplissement de ses promesses en lien avec la venue du Roi des rois et l’établissement de son propre royaume.
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Despins Gilles
Gilles Despins est l’un des enseignants de l’École ProFAC au Québec. Marié à Jinny, il est titulaire d’un doctorat en théologie du Tyndale Theological Seminary, d’un doctorat en philosophie dans la traduction biblique du South African Theological Seminary et d’un doctorat au Master’s Seminary de Los Angeles.