Dossier: 1 Corinthiens
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Le repas du Seigneur

 

Il peut arriver à chacun de nous de nous réunir pour le repas du Seigneur avec un sentiment d’irréalité.
Nous obéissons à l’ordre du Seigneur, mais sans qu’il revête grand sens pour nous.
Nous ne ressentons rien de particulier et les silences sont davantage peuplés de pensées vagabondes que de pieuses méditations.

C’est pourquoi il est très important de revenir au fondement et d’exposer le sens du repas du Seigneur, ce qu’il représente, et quelle est sa place dans la vie du chrétien et de l’Église.

1. Le repas du Seigneur symbolise notre unité dans le seul corps de Christ

Paul introduit le repas du Seigneur en 1 Corinthiens 10 dans le contexte de la question des viandes sacrifiées aux idoles : est-il possible pour les chrétiens d’en manger ou non ? Or Paul ne veut pas qu’ils mangent de la nourriture offerte aux idoles, si c’est dans le cadre d’un culte idolâtre (1 Cor 10.14-22).
L’unique pain et l’unique coupe expriment notre unité de communion. Le premier sens du pain est de nous rappeler le corps de Jésus percé à la croix ; mais le N.T. parle aussi du corps de Christ comme symbole de l’Église. Ce texte lie les deux sens et fait ainsi un lien symbolique entre le pain et l’Église. Quand nous prenons le pain, nous témoignons donc que nous sommes un seul corps, une seule Église, tout comme le morceau de pain a été pris d’une seule miche.
C’est dans ce contexte que Paul en vient aux reproches accablants de 1 Corinthiens 11.17-22. Si, ailleurs dans l’Épître, Paul concède aux Corinthiens des points positifs, son langage ici est cinglant : « En donnant cet avertissement, ce que je ne loue point, c’est que vous vous assemblez, non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires » (11.17).
« Et d’abord, j’apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions — et je le crois en partie, car il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu de vous » (11.18-19). Paul reconnaît que les divisions dans l’église n’échappent pas à la souveraineté de Dieu et qu’elles ont un certain but, en mettant en évidence ceux qui sont des imposteurs. Néanmoins l’église reste responsable de démontrer son unité.
« Donc lorsque vous vous réunissez, ce n’est pas pour manger le repas du Seigneur ; car, quand on se met à table, chacun commence par prendre son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre » (11.20-21).  Pour comprendre ce texte, rappelons que le dimanche n’était pas chômé à l’époque et que l’église devait se réunir le soir. Les plus riches arrivaient les premiers avec un repas plantureux tandis que les esclaves arrivaient après, sans souvent avoir pu prendre à manger. Les divisions sociales étaient donc transférées dans l’église au moment même où aurait dû se vivre un moment fondamental d’expression de son unité.
D’où les reproches sévères de Paul : « N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela je ne vous loue point. » (11.22) « Ainsi, mes frères, lorsque vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les uns les autres. Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin que vous ne vous réunissiez pas pour attirer un jugement sur vous. » (11.33-34). Le repas du Seigneur n’est pas le moment de se mettre en valeur, ou de satisfaire ses appétits physiques, mais le moment de démontrer notre unité.
Aujourd’hui, le contexte a changé : nous arrivons tous plus ou moins à l’heure et personne n’apporte un copieux repas. Mais ne nous arrive-t-il pas parfois d’apporter nos divisions, nos hiérarchies, nos antipathies, nos tensions ? Au moment même où nous rappelons que nous, des pécheurs devant Dieu, sommes par la grâce de Dieu un seul corps, nous mettrions toutes ces dissensions sous le tapis et cet acte d’unité deviendrait une hypocrisie ?
Alors que nous mangeons et buvons ensemble, c’est le moment d’affirmer notre unité, de confesser notre arrogance, de nous aimer les uns les autres.

2. Le repas du Seigneur nous rappelle la mort de Jésus

« Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez » (11.23-25).
Vous savez aussi bien que moi que la signification précise du repas du Seigneur a fait l’objet d’amères querelles au cours de l’histoire de l’Église. Il est cependant clair que l’accent est mis avant tout sur le souvenir de la mort de Christ. Je suis persuadé que l’une des raisons pour laquelle le Seigneur, dans sa grande sagesse, a donné cet acte si simple est qu’il a vu que l’Église serait inévitablement occupée de multiples sujets qui, si légitimes soient-ils, éloigneraient les chrétiens de l’essentiel. Au cours d’une année, il est nécessaire d’enseigner l’église locale sur les grandes doctrines chrétiennes ; il faut s’occuper du bâtiment, de l’administration de l’église ; il est indispensable de prendre soin des relations entre les membres, etc. Ainsi la vie d’une église peut être tellement occupée qu’elle ne consacre que quelques minutes pour méditer sur la mort du Fils bien-aimé de Dieu. Alors par ce simple geste, Jésus nous ramène au centre : « Faites ceci en mémoire de moi. » Dans un sens, il est triste qu’il doive le formuler ainsi : pourrions-nous l’oublier, lui ? Comment pourrions-nous ne pas être touchés par l’amour de Dieu quand nous nous souvenons de Jésus et de sa mort ?

3. Le repas du Seigneur est le sceau de la nouvelle alliance

Tant chez Luc que chez Paul, ces mots sont ajoutés : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang » (11.25). À travers ces simples mots se profile tout un pan de théologie biblique : l’ancienne alliance a été remplacée par la nouvelle ; la loi de Dieu est écrite sur nos cœurs, dans le langage de Jérémie ; Dieu nous a donné un nouveau cœur, dans le langage d’Ézéchiel ; l’Esprit est répandu sur toute chair, hommes et femmes, jeunes et vieux, dans le langage de Joël.
Quelle joie : nous participons à la nouvelle alliance ! Dieu est fidèle à son alliance et il ne peut rompre ses engagements, scellés par la mort de Christ. C’est pourquoi Paul peut dire : « Celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ » (Phil 1.6)..

4. Le repas du Seigneur a une fonction d’évangélisation

« Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (11.26). Le verbe « annoncer » est celui que Paul utilise habituellement pour prêcher, évangéliser, proclamer. Pourtant, pouvons-nous penser, le repas du Seigneur est destiné aux chrétiens et les non-croyants en sont exclus ; mieux vaut programmer des réunions spécifiques à leur intention. La vision du N.T. est différente : des non-croyants étaient présents dans tous les types de rassemblements, y compris le culte avec cène. Cela ne signifie pas qu’ils la prenaient, mais le repas du Seigneur peut et doit avoir une fonction d’évangélisation.
Un de mes amis, pasteur d’une église où passent de nombreux non-croyants introduit le moment du repas du Seigneur ainsi : « Le moment que nous allons vivre va vous paraître sans doute un peu étrange. Nous allons prendre un peu de pain et le manger en même temps ; nous allons prendre un peu de vin et le boire ensemble. Nous le faisons, parce que Jésus nous a demandé de le faire. Ce n’est pas un cérémonial magique ou une potion de vie éternelle. Nous le faisons, parce qu’il est fondamental pour nous de revenir régulièrement à la mort de Jésus et à sa signification. » Puis, très simplement, il explique les bases de l’Évangile. Il conclut : « Si vous n’êtes pas chrétien, ce serait un blasphème que d’y participer ; mais en nous observant, nous les chrétiens, prendre ces éléments, non parce que nous serions meilleurs mais parce que nous nous savons pardonnés par Christ qui a donné sa vie pour nous, vous voyez concrètement l’Évangile, la bonne nouvelle du salut. »

5. Le repas du Seigneur est une anticipation temporaire

« Vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (11.26b). Nous ne continuerons pas à prendre le repas du Seigneur pendant l’éternité. Lorsque les nouveaux cieux et la nouvelle terre paraîtront, plus personne ne prendra la cène.
Les anciens Juifs, en célébrant la Pâque (qui a de nombreux liens avec le repas du Seigneur), avaient l’habitude de dire : « l’année prochaine à Jérusalem ». Ils avaient été dispersés sur la surface de la terre et regardaient à la fois en arrière pour célébrer la sortie d’Égypte et en avant vers l’établissement du royaume de Dieu à partir de Jérusalem. Les chrétiens, eux aussi, regardent en arrière vers la croix de Christ et en avant vers le retour du Seigneur. Car notre but ultime n’est pas de nous réunir autour de la table du Seigneur pour commémorer sa mort mais, sur la base de sa mort, d’être tous dans la présence même du Christ ressuscité sur une terre renouvelée au temps du banquet messianique, pour toujours. Chaque participation au repas du Seigneur est une anticipation du moment où nous le verrons face à face.

6. Le repas du Seigneur est une occasion de s’examiner soi-même

« C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur » (11.27). Quand le texte emploie le mot « indignement », cela ne signifie pas que nous soyons dignes ou indignes par nous-mêmes, mais il concerne la manière dont nous nous approchons. C’est un adverbe qui décrit la façon dont nous venons et non un adjectif qui désignerait ce que nous sommes. Évidemment, nous sommes indignes : c’est pour cela que Christ est mort ! S’approcher de façon « digne » n’implique en rien qu’il y aurait quelque bonté intrinsèque en nous ; mais comment pourrions-nous nous souvenir que Jésus a dû mourir pour nos péchés tout en cultivant le péché en nous ? Comment me souvenir que Jésus a dû payer pour ma rancœur quand je cultive de la rancœur ? Comment me souvenir que Jésus a souffert pour mon égoïsme alors que je me centre sur moi-même ?
Nous sommes des pécheurs indignes mais pardonnés, qui ont reçu le droit de s’approcher du repas du Seigneur mais qui n’ont pas le droit de nourrir des péchés dans leur vie. Il est blasphématoire de prendre les éléments qui pointent vers le corps et le sang du Seigneur, signifiant par-là que nous acceptons son pardon, et de tolérer des habitudes pécheresses que nous refuserions de reconnaître et d’abandonner. La cène est une opportunité pour s’examiner soi-même : « Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe » (11.28).

7. Le repas du Seigneur nous avertit du jugement de Dieu

« Celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même. C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre sont morts. Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. Mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde » (11.29-32).
Paul écrit qu’un certain nombre de maladies et même un certain nombre de décès dans l’église de Corinthe ne sont rien d’autres que le jugement explicite de Dieu sur ceux qui osent s’approcher de la table du Seigneur avec tant de légèreté. Dieu prononce des jugements temporels pour purifier son Église afin qu’elle ne soit pas condamnée avec le monde. Je sais que ce langage nous effraye aujourd’hui. Insistons sur le fait que toute maladie, encore moins tout décès, n’est pas la conséquence directe d’une désobéissance (comp. Jean 5.14 et 9.3). Mais cela n’écarte pas totalement cette possibilité. Et si j’osais, je dirais que de tels jugements sont le signe de la miséricorde et de la puissance de Dieu dans l’Église et que leur absence est plutôt le signe que Dieu s’est terriblement éloigné puisqu’il laisse faire.
Un de mes professeurs avait commencé comme pasteur d’une église de campagne, dont les membres étaient là avant tout par tradition et dans laquelle la cupidité, l’immoralité sexuelle et la cruauté s’étalaient. Après avoir prêché pendant des mois, il était complètement découragé ; toute mesure de discipline était impossible car les plus pécheurs étaient au pouvoir. Alors, pendant trois mois, il a prié chaque jour en pleurant le Seigneur qu’il le retire de cet endroit et envoie quelqu’un de plus capable de faire face à la situation ou sinon qu’il purifie l’église. Et dans les trois mois qui suivirent, sur 200 membres, il y eut 34 décès et l’année suivante il baptisa 200 personnes. Je ne suggère pas que nous fassions monter de telles prières trop vite… Mais le Seigneur aime son Église et il s’élève contre quiconque veut la détruire.
Alors examinons-nous pour abandonner nos péchés — péchés par commission, péchés par omission, péchés dans nos pensées, péchés dans nos paroles, pour aller nous repentir auprès de ceux que nous avons offensés. Et ensuite approchons-nous, joyeusement et librement, du repas du Seigneur pour nous souvenir de la mort de Jésus, la base de toutes nos bénédictions présentes et futures.

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Carson D.A.
Donald Carson, professeur de Nouveau Testament à la Trinity Evangelical Divinity School et auteur prolifique, est un des théologiens évangéliques les plus reconnus. Parmi les dernières traductions de ses ouvrages en français, notons un commentaire de l’Évangile selon Jean et Le Dieu qui est là (dont deux chapitres traitent de l'Apocalypse).