Le revirement de l’Éternel
Dieu vit que les Ninivites agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas. (Jonas 3.10)
La repentance des Ninivites à la prédication de Jonas entraîne la suspension du jugement divin. L’expression « Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de faire » pose problème à plusieurs commentateurs. Comment Dieu peut-il se repentir ? Est-il versatile, capricieux, instable, indécis ? Est-il mauvais et rumine-t-il de mauvaises pensées qui l’obligeraient à se repentir ? Le repentir de Dieu soulève aussi des questions sur la crédibilité de ses paroles. Les prophéties divines — qu’elles soient des promesses ou des jugements — sont-elles fiables ?
Peu de commentateurs osent suggérer des carences morales en Dieu, car cela contredirait directement de nombreuses affirmations de l’Ecriture sur la sainteté, la perfection et l’immuabilité de Dieu. Certains commentateurs cherchent une solution dans les imperfections du prophète. Origène pensait résoudre la difficulté en affirmant que Jonas n’avait pas retransmis la parole de Dieu mais la sienne. Au lieu d’annoncer simplement que « la méchanceté était montée jusqu’à l’Eternel » (1.1), il aurait, de sa propre initiative, annoncé la destruction de Ninive (3.4). En effet, le narrateur ne place jamais les paroles de destruction (« encore quarante jours et Ninive est bouleversée ») dans la bouche de l’Eternel. Une telle approche noircit inutilement Jonas. Le fils d’Amitthaï ne trompe personne. Il est honnête et véridique. Sa parole est fiable, dans le présent et dans l’avenir. La tempête ne s’est-elle pas calmée selon les termes annoncés par le prophète (1.12,15) ?
La solution au « repentir de Dieu » doit être cherchée ailleurs. Une différence doit être faite entre but et moyens. Les desseins de Dieu sont immuables. Dieu ne cherche pas la mort du pécheur, mais son salut. Ainsi l’annonce d’un jugement est préférable à un jugement sans préavis, car le premier donne au pécheur une dernière occasion de repentance. Dieu ne change pas son projet de base pour l’homme : ce projet consiste à juger le pécheur et à pardonner au pécheur repentant. Si le coupable se repent, Dieu retient son jugement. Si l’homme ne le fait pas, le jugement se réalise selon la parole annoncée. Un automobiliste qui désire traverser une localité suivra la chaussée, mais modifiera occasionnellement sa trajectoire en déviant à gauche ou à droite pour éviter un obstacle. Son parcours de base reste inchangé du début à la fin. De même, l’action de Dieu dépend simultanément de ses principes et des réactions des hommes.
Le salut et le pardon sont donc possibles quelle que soit l’ampleur du péché et quel que soit l’individu. Les Ninivites étaient de grands pécheurs et formaient un peuple sanguinaire. Ils étaient nombreux et païens — donc éloignés de l’Eternel et sans égard pour lui. Pourtant ces hommes se sont repentis. Cela a suffi pour que Dieu leur accorde son pardon, car l’Eternel est « un Dieu miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui se repent du mal », comme Jonas l’affirme au chapitre 4 (v. 2).
Le pardon de Dieu est donc lié au repentir des hommes, mais encore faut-il que ce repentir soit sérieux. Dieu connaît les cœurs. Impossible de le tromper. Il discerne les vraies repentances des fausses. Les Ninivites avaient plaidé coupables sur toute la ligne. Ils s’étaient engagés à réformer leur vie et pas seulement à exprimer certains regrets. Dieu leur a donc pardonné leurs grands péchés. Le sérieux des Ninivites est même exemplaire. Au risque de paraître ridicules, les Ninivites avaient tout fait pour témoigner de leur humiliation.
Leur attitude tranche avec celle d’autres hommes qui, repris par Dieu, ne se sont repentis que partiellement. Le roi Saül a éprouvé parfois du regret pour son comportement (1 Sam 15.24), mais il n’a jamais changé de vie, car il était davantage préoccupé de l’opinion de ses contemporains que de la volonté de Dieu (1 Sam 15.30).
Suite à ces remarques, il est manifeste que nous ne partageons pas l’avis des commentateurs qui minimisent la profondeur de la repentance des Ninivites. Jésus lui-même n’a-t-il pas cité en exemple la réalité de cette repentance (Mat 12.41 ; Luc 11.32) ?
Ce texte est extrait d’un commentaire rédigé par Daniel Arnold sur le prophète Jonas :
Tous ces ouvrages ont été publiés par les éditions Emmaüs, 1806 Saint-Légier (Suisse). |