Dossier: L'espérance du chrétien
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Annihilationnisme : les perdus iront-ils en enfer ?

La théorie de l’annihilation

L’enfer, dans le sens courant du mot, est le lieu où se retrouveront tous ceux qui auront consciemment rejeté Jésus-Christ (Mat 25.41). Le sujet est brûlant ! Mythe ou réalité ? Tout le monde a son opinion. De nombreux chrétiens conjuguent avec difficulté l’amour de Dieu et le fait qu’il puisse envoyer ses créatures en enfer. Certains commentateurs évangéliques appréciés de la dernière moitié du xxe s. nient carrément l’éternité du jugement de Dieu. Ils sont, comme les adventistes et les témoins de Jéhovah, annihilationnistes1.

Ces hommes, parmi les plus influents du monde évangélique, prônent une destruction totale et éternelle des perdus après leur mort terrestre. Les perdus n’existeront plus, échappant ainsi à la souffrance éternelle. Pour eux, un Dieu d’amour ne saurait être cruel au point de cautionner une souffrance éternelle.

 

L’idée de l’anéantissement total (corps, âme et esprit) d’un être humain est-elle biblique ? La question vaut la peine de se poser puisque nous mourrons tous et serons confrontés un jour à la réponse. Que croient exactement les annihilationnistes ? Sur quelle base des Écritures ? Ont-ils raison ?

Versets principaux utilisés dans cette étude

« Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. » (Mat 25.41)

« Ils auront pour châtiment une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force. » (2 Thes 1.9)

« Il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l’Agneau. Et la fumée de leur tourment monte aux siècles des siècles ; et ils n’ont de repos ni jour ni nuit, ceux qui adorent la bête et son image, et quiconque reçoit la marque de son nom. » (Apoc 14.10-11)

« Le diable, qui les séduisait, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux prophète. Ils seront tourmentés jour et nuit, aux siècles des siècles. […] Puis la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. Quiconque ne fut pas trouvé écrit dans le livre de vie fut jeté dans l’étang de feu. » (Apoc 20.10, 14-15)

« Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les débauchés, les magiciens, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort. » (Apoc 21.8)

1. Arguments « bibliques »

Pour l’annihilation 

Les hommes sont seulement potentiellement immortels. Les chrétiens acquièrent l’immortalité, mais les perdus perdent cette potentialité après leur mort et cessent d’exister.

Dans Luc 12.5, Jésus conseille de craindre Dieu, « celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ». Et puisque le feu consume tout, les partisans de cette théorie en déduisent que la géhenne décrit l’annihilation (voir aussi Mat 5.22,29-30 ; 10.28 ; 18.9 ; 23.33 ; Marc 9.43,45,47).

Pour les peines éternelles

1 Corinthiens 15.53-54 et 2 Tim 1.10 affirment que le corps du croyant recevra un corps immortel à la résurrection donc plus sujet à la mort. Il est évident que le sauvé a besoin de son âme et de son esprit (lesquels continuent à exister après la mort physique, Apoc 6.9 ; 20.4 ; cf. 2 Cor 5.8 ; Phil 1.23) pour animer son corps ressuscité.

Jésus parle de « feu éternel » (Mat 18.8-9) « qui ne s’éteint point » (Marc 9.44, 48). Il décrit une souffrance sans fin et non une cessation d’existence. L’image du feu de l’enfer signifie la douleur suprême (Mat 13.40-42, 49-50), et non une extinction ou disparition totale.

Considérez Mat 25.41 avec Apoc 20.10 et 14.10-11 où les textes précisent clairement l’existence éternelle de l’enfer pour le diable, ses messagers, et pour ceux qui rejettent Jésus-Christ (voir aussi Apoc 20.14-15 ; 21.8).

Le contexte des références citées ne permet pas une interprétation annihilationniste.

La « destruction » ou « perdition » des hommes signifie une destruction totale, une annihilation. Cf. Mat 7.13 ; Phil 3.19 ; Apoc 17.8, 11 ; 2 Pi 2.1.Voir Mat 25.41, 46 ; Marc 9.42-48 ; Apoc 14.9-10 ; 20.10, 14-15. Ces références comprennent le mot grec pour « perdition, ruine » comme une perte éternelle du bien-être, et non comme extinction de l’être. C’est ainsi que l’ont interprété, au cours des siècles, de grands interprètes bibliques.
Éternellement séparés de Dieu, les perdus seront annihilés : Mat 7.23 (« retirez-vous de moi ») ; 22.13 ; Jean 15.6.Cette idée est contredite par Mat 25.41,46 et 2 Thes 1.9. En Mat 7.23, le verbe signifie simplement « se séparer » et jamais « annihiler ». Mat 22.13 concerne la souffrance éternelle, nullement l’annihilation. Jean 15.6 non plus.
La mort appelée souvent « la deuxième mort » décrit l’annihilation de tous ces perdus, morts du fait de leur rejet de Christ.La « seconde mort », citée dans Apoc 20.6, 14 et 21.8 (à joindre à 20.10), décrit les trois occupants du lac de feu comme étant tourmentés sans fin. Les v. 14 et 15 décrivent ceux qui ne sont pas sauvés (absents du livre de vie) et jetés aussi dans l’étang de feu sans fin. Pas de mention d’une quelconque annihilation. Cette mort est une séparation définitive d’avec Dieu, accompagnée de souffrances.

2. Arguments théologiques

L’argument basé sur l’amour de Dieu

Les annihilationnistes ne supportent pas l’idée d’un Dieu se réjouissant des tourments infligés aux perdus séparés de lui, souffrant dans l’étang de feu. Pour eux, cette idée contredit celle d’un Dieu aimant, telle que manifestée dans le N.T.

Ce raisonnement pèse très lourd dans la pensée de beaucoup de vrais chrétiens : Dieu d’amour et punition éternelle ne font pas bon ménage, ils s’excluent mutuellement.

Ce type d’argument révèle une faiblesse inhérente. Comment jugerions-nous les actions du Dieu créateur tout-puissant selon nos conceptions de ce que Dieu devrait être ou faire ? Pécheurs réconciliés par pure grâce, par les souffrances incalculables de Jésus-Christ, limitons-nous à ce que les Saintes Écritures enseignent. Dieu a aimé et aime tout le monde, mais chacun est responsable de décider s’il veut recevoir son amour et vivre éternellement ou non avec Dieu (Mat 25.31-34,41-46). Amour et punition ne s’excluent pas du tout mutuellement. Chacun choisit librement sa destinée éternelle : Dieu ne force personne à choisir la géhenne.

Dieu est saint et juste ; donc la louange lui est due par tous, convertis ou non (Apoc 15.1-4,7). Sa justice est sainte, c’est pour cela qu’il punira ceux qui s’obstinent dans le péché, en rejetant Christ. Dieu aime la justice mais ce serait le dénaturer en l’imaginant se réjouir de la souffrance des perdus. Il suffit de penser au terme affectueux qu’Abraham emploie envers le riche passé « de l’autre côté » : « Mon enfant » (Luc 16.25).

L’argument basé sur l’immortalité

Seul Dieu possède l’immortalité inhérente, de par sa nature éternelle.

Tandis que les êtres humains n’ont qu’une immortalité potentielle. Adam, lors de sa chute pécheresse, a perdu sa propre immortalité potentielle et nous a fait perdre la nôtre aussi, parce que nous étions en lui.

L’immortalité est retrouvée lors de la conversion. Comme les perdus n’ont jamais reçu le « don de l’immortalité », ils seront annihilés après avoir reçu leur punition pour leurs péchés.

Juste à sa base (Dieu seul possède l’immortalité, 1 Tim 6.16), ce raisonnement oublie que Dieu, en créant l’homme, lui avait donné une immortalité corporelle future dérivée. La mortalité ne concerne que le corps, pas l’âme ou l’esprit, qui font la personnalité et ne cessent jamais de vivre (Apoc 6.9 ; 20.4 ; cf. 2 Cor 5.8 ; Phil 1.23).

Il accorde au sauvé de vivre éternellement dans un corps rendu céleste. Le converti en Christ croit dans ce corps glorifié parce que la Bible l’enseigne (1 Cor 15.53-54). Le damné possédera aussi un certain type de corps adapté à son lieu de résidence éternelle (Luc 16.19-31).

L’argument de la justice de Dieu

La Bible enseigne que Dieu juge avec justice, ce qui implique une punition proportionnelle au péché commis. La souffrance éternelle et consciente affligée au perdu semble terriblement disproportionnée face aux péchés commis dans une si courte vie terrestre.Là encore, l’homme juge à la place de Dieu si tel ou tel péché est « petit » ou « grand ». Nous en sommes incapables du simple fait que notre conception est complètement pervertie par le péché (Rom 3.11 ; Act 28.26-27). Nous ne sommes nous-mêmes pas justes et manquons totalement de la conception parfaite de la justice divine.

De plus, Thomas d’Aquin a bien dit que le péché est une attaque contre la sainteté infinie du Dieu éternel : le plus « petit » des péchés offense donc infiniment Dieu et mérite une peine infinie. Le péché est un concept biblique qualitatif et non quantitatif. Toutefois, Jésus enseigne clairement qu’il y aura une gradation dans la punition éternelle des pécheurs (Luc 12.47-48 ; Mat 11.22,24). Renier cela revient à minimiser la sainteté de Dieu et l’honneur qui lui est dû.

L’argument du triomphe de Dieu

Dieu a tout gagné lorsque Christ est mort sur la croix, car ce dernier a défait Satan et les dominations « en triomphant d’elles par la croix » (Col 2.15). Il a expié les péchés « du monde entier » (1 Jean 2.2).

Ainsi, Dieu est et remplit « tout en tous » (1 Cor 15.28 ; Éph 1.23). La punition éternelle ne pourra jamais exister pour l’éternité, les perdus seront donc annihilés.

Cette dernière affirmation dénote une erreur logique : le triomphe de la croix et la plénitude de Dieu n’impliquent pas la non-existence des peines éternelles, lesquelles sont un autre sujet.

Les trois derniers chapitres de la Bible démentent ce raisonnement. La victoire totale de Dieu ne signifie pas l’éradication ou l’annihilation ni de Satan et les siens, ni des êtres humains rebelles à Dieu (Apoc 20.11-19 ; 21.1-8 ; 22.14-15).

 

Conclusion

Le Seigneur Jésus-Christ connaissait mieux que quiconque la vérité sur les deux vies éternelles — avec ou sans Dieu — après cette vie terrestre. Et c’est lui qui a parlé le plus clairement du sort éternel de ceux qui refusent de croire en lui. Cette théorie de l’annihilationnisme n’est pas validée par les Écritures mais provient du cœur humain, cœur rebelle à la sainteté et à la justice divine. Nous constatons avec tristesse que la totalité des arguments avancés en faveur de la théorie humaniste de l’annihilation vient d’un raisonnement qui place l’homme plutôt que Dieu à la première place.

Cette théorie est dangereuse pour les perdus car elle pourrait — en vain ! — les encourager à s’obstiner dans le péché (puisqu’ils croiraient pouvoir échapper à la colère de Dieu).

Elle est dangereuse pour le chrétien car elle pourrait restreindre l’évangélisation des perdus et la croissance de l’église locale.

Rejetons nos propres raisonnements (souvent pervertis) qui s’érigent au-dessus des enseignements et acceptons la vérité biblique, si difficile ou dure qu’elle puisse nous paraître.

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  1. Du latin nihil : « rien, néant »
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McCarty Scott
Scott McCarty a fait ses études en théologie au Dallas Theological Seminary, aux États-Unis. Il exerce un ministère d’enseignement biblique en France depuis 1971. Cofondateur du Centre d’information à l’évangélisation et à la mission à Grenoble, il est membre de Promesses et auteur de nombreux articles.