Dossier: Guerres et famines
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

La légitime défense

Un chrétien doit-il être pacifiste en toute circonstance ? Devrait-il « tendre l’autre joue » même si son agresseur le met physiquement en danger ? Il nous semble difficile d’imaginer Jésus dire cela à une femme qui se ferait battre par son conjoint… Dans cet extrait de son ouvrage Vivre l’éthique de Dieu, Daniel Arnold nous propose un survol de la question de l’usage de la légitime défense pour le chrétien.

Extrait

La légitime défense consiste à prendre des mesures adéquates pour empêcher un agresseur de tuer ou de blesser une personne. Contrairement à une décision de justice qui peut être prise à tête reposée, une action défensive doit souvent se prendre dans le feu de l’action. La personne agressée doit rapidement user de son bon sens pour évaluer la gravité de la situation. S’il est manifeste qu’un intrus ne veut que dérober des biens matériels, il est illégitime de l’abattre. Mais si le voleur porte une arme, ses intentions sont moins manifestes.
Dans l’Exode, on fait une différence entre un voleur abattu de nuit ou de jour : « Si le voleur est surpris dérobant avec effraction, et qu’il soit frappé et meure, on ne sera point coupable de meurtre envers lui, mais si le soleil est levé, on sera coupable de meurtre envers lui » (Ex 22.2-3).
De nuit, un voleur peut difficilement être distingué d’un criminel. On ne peut pas le voir comme il faut et mesurer ses coups.
De jour, l’acte de l’intrus est plus manifeste. La loi ne doit pas être appliquée à la lettre, mais selon le principe qu’elle souligne. Par exemple, de nos jours, il suffirait de tourner un interrupteur pour éclairer une pièce en pleine nuit. L’intention du visiteur se verrait mieux, mais on pourrait hésiter à tourner le commutateur, car l’agresseur alerté pourrait réagir dangereusement. Tout est une affaire de jugement et d’intention. Dans tous les cas, il est manifeste qu’un droit à la défense existe, mais qu’il faut en user avec modération.
Quand Jésus dit qu’il ne faut pas résister au méchant (Mat 5.39), il ne pense pas au meurtrier, mais à une personne qui veut humilier son prochain ou le déposséder d’un bien. Les exemples que Jésus cite sont très explicites. Le premier agresseur donne une gifle pour humilier (il frappe du revers de la main sur la joue droite), le second veut traîner un homme en justice pour lui ravir un objet de valeur (un manteau), le troisième impose une tâche difficile et ingrate (Mat 5.39-41).
Lorsque Jésus est arrêté au jardin de Gethsémané, il demande à Pierre de rengainer son épée : « Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée », puis il rajoute : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? » (Mat 26.52-53). Jésus fait comprendre à son disciple que la défense par les armes n’est pas utile dans cette situation. En effet, Jésus ne va pas être mis tout de suite à mort, mais il va simplement être arrêté pour être jugé. Or, il ne faut pas que les adversaires de Jésus puissent l’accuser d’avoir résisté par les armes aux autorités judiciaires. (Un maître devrait pouvoir contrôler ses disciples.) Jésus guérit donc l’homme que Pierre a blessé (Luc 22.51). Ainsi, aucune accusation ne pourra être portée ni contre lui ni contre Pierre. Jésus témoigne aussi de sa compassion pour le serviteur du souverain sacrificateur, injustement blessé.
Quelques heures plus tôt, Jésus avait dit à ses disciples une parole parfois mal comprise : « Que celui qui a une bourse la prenne et que celui qui a un sac le prenne également, que celui qui n’a point d’épée vende son vêtement et achète une épée » (Luc 22.36). Par là, il ne voulait certainement pas dire qu’il fallait combattre les ennemis par les armes, puisqu’il rejette fermement les deux épées que les disciples lui présentent : « Ils dirent : Seigneur, voici deux épées. Et il leur dit : Cela suffit » (Luc 22.38).
Jésus leur annonçait simplement un temps nouveau fait de tribulations.

Conclusion de la rédaction de Promesses

On pourrait objecter que nous cherchons ici à minimiser les paroles de Jésus. En effet, en face d’une persécution violente, de nombreux chrétiens ont suivi Jésus jusqu’à la mort, sans se défendre. Le sujet délicat du martyr n’est pas abordé dans cet article.
Il démontre seulement que de manière générale, la légitime défense est permise pour le chrétien.
Replacées dans leur contexte biblique, les paroles de Jésus s’éclairent. Il ne désire pas que son disciple se laisse tuer ou maltraiter par plaisir. Seulement, dans certaines circonstances précisément établies dans le texte, le « lâcher-prise » sera un témoignage plus « frappant » pour l’agresseur et les potentiels témoins. Dans de telles situations, le défi lancé par Jésus reste donc de taille pour le chrétien.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Dossier : Guerres et famines
 

Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.