Dossier: Création en crise
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L’espérance du colibri

Commission d’éthique protestante évangélique

Dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la Commission d’éthique protestante évangélique de France a publié en octobre 2015 un document dont nous donnons ici un extrait.

L’énergie

[…] Le problème de la transition énergétique se pose différemment selon les pays (suites du nucléaire pour la France, recours croissant au charbon en Allemagne ou en Chine, pétrole et gaz de schistes aux États-Unis, en Chine, etc.).

On ne peut qu’être solidaires, en tant que chrétiens, des appels à nos gouvernants pour des mesures urgentes, volontaristes et concertées, dépassant les intérêts nationaux, visant à promouvoir au maximum les énergies renouvelables, mais aussi les économies d’énergie et autres mesures.

Les ressources de la planète

Depuis 1970, notre consommation dépasse ce qui est produit, et le phénomène s’accentue. […]

Sans nous prononcer sur les débats techniques autour des notions de développement durable ou de décroissance, il nous semble que les approches telles que la sobriété heureuse, la simplicité volontaire ou la décroissance soutenable ont le mérite d’attirer l’attention des populations déjà nanties que nous sommes sur le fait que les ressources de la planète ne sont pas inépuisables.

Nous appelons nos gouvernants à mettre en œuvre des mesures concrètes alternatives au tout-croissance et au tout-consommation pour tous, et à faire œuvre à la fois d’exemplarité et de pédagogie politique pour aider à une prise de conscience de nos concitoyens sur ce plan. […]

On pourrait aussi sortir de nos modes de vie individualistes et retrouver le sens de la communauté et du partage des ressources, à la manière des premiers chrétiens, décrite dans le livre des Actes des Apôtres. Il est significatif que certains spécialistes étudient comme voie d’avenir la remise en cause de la notion de propriété des ressources naturelles, des connaissances et des réseaux de communication1. La terre appartient au Seigneur et il offre ses biens à tous les humains.

Nos styles de vie

Mais à trop inviter nos gouvernants à agir, il ne faudrait pas que nous nous croyions, en tant que citoyens, dégagés de toute obligation. De nombreuses pistes gagneraient à être explorées sur le plan du comportement individuel et les chrétiens pourraient avoir une attitude beaucoup plus volontariste pour participer à cette œuvre collective de réflexion et d’action2. La préoccupation n’est pas nouvelle : le Mouvement de Lausanne a, dès 1980, exhorté les chrétiens à mener un style de vie simple3. D’abord par obéissance au Christ mais aussi, parce qu’interpellés par une pauvreté qui offense le Créateur, nous voulons « vivre avec moins et donner davantage ». Nous reconnaissons aussi que nous avons tous besoin, quelle que soit notre situation sociale, de nous encourager à sortir du piège spirituel de la convoitise qui détruit l’humanité et la création.4

Il est important de ne pas baisser les bras devant la complexité de la situation, et il y a place pour que des chrétiens se sentent parties prenantes d’initiatives de plus en plus nombreuses dans des domaines très variés, par exemple : les économies d’énergies, l’économie circulaire, les pratiques alternatives de l’économie sociale et solidaire qui incluent, notamment, les activités mutualistes, coopératives et associatives, l’économie collaborative, la finance participative, l’entrepreneuriat social, et l’habitat groupé, en n’oubliant pas le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il est urgent d’être inventifs dans tous nos secteurs de vie, y compris dans nos vies d’Églises et d’Unions d’Églises.

Et l’enjeu est aussi éducatif. « La question n’est pas seulement : Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? mais aussi : Quels enfants laisserons-nous à notre planète ? »5

Le colibri

Quelle que soit la pertinence de ces initiatives, on peut avoir, au bout du compte, le sentiment d’ « apporter une goutte d’eau dans la mer », d’autant plus qu’il est quasiment impossible d’avoir une vue d’ensemble complète de tous les paramètres pertinents. Il peut alors être intéressant de se sentir solidaires de certains mouvements comme la sobriété heureuse, qui s’appuie sur la parabole amérindienne du colibri, racontée par Pierre Rahbi.

« Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrifiés, atterrés, observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ». Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. » »

[…] Nous croyons qu’en Christ aucune action juste n’est perdue. Il faut souligner que, pour faire sa part, le chrétien dispose d’une ressource extrêmement précieuse, de nature à lui donner une motivation indéfectible : une liberté absolue par rapport à l’obligation de résultat : nous devons faire tous nos efforts pour travailler à la justice, à la paix et à la sauvegarde de la création, mais nous croyons que tout dépend de Dieu pour les moyens et pour ce but à atteindre. Pour expliciter cette singularité, il faut redire ce qu’est le rôle du chrétien dans la société.

Quel engagement ?

Nous croyons que la protection de l’environnement est « un aspect de l’Évangile qui entre dans le cadre de la seigneurie du Christ »6.

Le Christ, dans sa vie sur terre, est venu montrer l’amour de Dieu pour tous en donnant sa vie sur la croix et en ressuscitant, pour que chacun puisse saisir la main tendue de Dieu le Père et vivre, par le Saint-Esprit, une vie réconciliée avec Dieu. Et cette vie doit nous conduire à faire face aux problèmes de ce monde, à travailler pour la paix, la justice, le service du prochain et de la création, en posant, par notre manière d’être, des manifestations encore imparfaites du Royaume de Dieu. Mais ce Royaume, c’est le Christ qui l’établira pleinement lors de son retour. Pour les chrétiens, il s’agit essentiellement de témoigner dans ce monde qu’un nouveau mode de relations est possible, fondé sur l’amour et le respect mutuel. À nous d’être inventifs, en particulier pour un mode de vie renouvelé et qui fasse envie sur tous les plans, comme signe du Royaume.

C’est ce qui doit nous permettre cet « engagement dégagé » cher à Jacques Ellul, et qui s’appuie aussi sur l’importance première donnée à la prière fervente, confiante en l’action de Dieu.

Encore faut-il qu’engagement il y ait, et c’est notre exhortation, sur la base de la promesse du livre de l’Apocalypse, promesse « de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre, où la justice habitera ». C’est notre espérance finale, qui fonde notre engagement persévérant dans le présent.

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  1. Voir, par exemple Y. C. Zarka, L’inappropriabilité de la Terre, Principe d’une refondation philosophique, Armand Colin, 2013 et P. Dardot, C. Laval, Commun, Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte, 2014.
  2. Collectif, Consommation et gestion du temps. Quels choix éthiques pour un style de vie prophétique ?, Emmaüs, 2008. Collectif, La fin d’un monde : quel avenir pour l’homme et son environnement ?, Farel et GBU, 2012. Collectif, Vivre en chrétien aujourd’hui – Repères éthiques pour tous, p. 663 – Maison de la Bible, 2015.
  3. Un engagement évangélique pour un style de vie simple, texte du Mouvement de Lausanne du 20 juin 1980. Disponible dans le Cahier de l’École Pastorale n° 65, Croire Publications, 3e trimestre 2007, ou sur le site internet du Défi Michée.
  4. À cet égard, nous rejetons la théologie de la prospérité qui encourage cette convoitise. Voir sur ce sujet le document : La Théologie de la prospérité, Les Textes du CNEF, Éditions BLF, 2012.
  5. P. Hégé, dans : Collectif, Vivre en chrétien aujourd’hui – Repères éthiques pour tous, p. 675 – Maison de la Bible, 2015.
  6. Dans L’Engagement du Cap (Troisième Congrès de Lausanne pour l’évangélisation du monde) – Une confession de foi et un appel à l’action, I 7 A, Éditions BLF, 2011.
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