Dossier: Vivre en Christ
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Marcher en Christ (Éphésiens 4.1-5.21)

Les trois premiers chapitres de l’Épître aux Éphésiens développent dans une synthèse brillante la situation du croyant en Christ.

Individuellement, il est élu de toute éternité, adopté par Dieu et fait partie du bienveillant dessein de Dieu de récapitulation en un de toutes choses sous le Christ ; il est vivifié avec le Christ et assis dans les lieux célestes avec lui ; il attend l’héritage promis dont la présence de l’Esprit saint est un avant-goût. Il partage toutes ces bénédictions avec tous les chrétiens.

Collectivement, il fait partie de l’Église dont Christ est le chef, qui réunit les croyants de toutes origines en un seul homme nouveau en Christ ; cette Église est aussi comparée à un temple où Dieu habite par son Esprit et elle croît de façon harmonieuse à la gloire de Dieu. Grâce à l’Église, le monde invisible peut connaître la sagesse infiniment variée de Dieu.

Individuellement et collectivement, le croyant progresse dans la connaissance de l’amour de Christ pour être rempli « jusqu’à toute la plénitude de Dieu », grâce à l’action puissante de « celui qui peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons ».

Quelle vision de ce qu’est le chrétien en Christ ! Mais Paul n’arrête pas son Épître à la fin de ce panorama grandiose. La présentation de notre position en Christ ouvre à celle de notre action. À l’enseignement succède l’exhortation. Le chrétien est spectateur et bénéficiaire du plan divin, mais il est aussi acteur de sa conduite. S’il est « assis », il doit aussi « marcher » et ce verbe scande la partie suivante de la lettre (ch. 4 à 6) : à cinq reprises, l’apôtre va nous exhorter à mettre en œuvre concrètement dans nos vies la position glorieuse qui est la nôtre en Christ par une « marche » au quotidien à la hauteur de notre vocation.

Ce verbe « marcher » 1 se trouve déjà deux fois dans la première partie de l’Épître. Paul avait déjà évoqué notre marche précédente (2.2) : bien que morts dans nos péchés (c’est-à-dire sans relation vivante avec Dieu), nous « marchions » autrefois sous l’influence du monde et du diable, son chef. Que ce soit dans nos pensées ou dans nos actes, notre vie d’autrefois ne pouvait qu’attirer la colère de Dieu. Mais, sauvés par la grâce seule saisie par la foi, nous pouvons désormais « marcher » dans les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour nous. Quelles sont-elles ? C’est précisément ce que les mentions du verbe dans la seconde partie vont préciser.

1.Marcher dans l’unité (4.1-16

« Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. » (4.1-3)

Si, du côté de Dieu, l’Église se construit dans l’unité et la cohésion (2.21), nul n’est besoin de fréquenter longtemps une communauté chrétienne pour se rendre compte que, du côté humain, il est nécessaire d’y mettre du nôtre ! D’où l’exhortation de Paul à « conserver » une unité qui est faite par l’Esprit de Dieu et qui repose sur les sept éléments ou personnes que nous avons en commun (4.4-6) : un seul Dieu en trois personnes, une seule église dont témoignent notre foi et notre baptême et une même espérance.

L’Église n’est jamais optionnelle dans la vie du chrétien et peut-être est-ce pour cette raison que Paul commence par cet aspect de notre marche. Face aux difficultés inhérentes à la vie collective, nous pourrions être tentés de nous réfugier dans l’individualisme. La profusion de cultes retransmis sous YouTube, de messages bibliques en podcast, de moyens de communication entre chrétiens via les réseaux sociaux, etc., pourrait d’autant plus facilement aujourd’hui conduire à vivre une foi connectée mais individuelle. Il est plus facile d’allumer son ordinateur quand on le souhaite que d’avoir la discipline d’arriver à l’heure aux réunions d’une église locale. Ou d’arrêter un tchat que de se « coltiner » chaque dimanche telle sœur (ou tel frère) un peu pénible…

Mais notre vocation est nécessairement collective. C’est avant tout dans le cadre de l’église locale que s’exercent les dons de grâce qui produisent la croissance de l’Église dans son ensemble (4.7-16). Alors il vaut la peine de vivre semaine après semaine avec des frères et sœurs certes imparfaits, qui exercent notre patience et notre support. Notre vie collective forme ainsi notre caractère moral et nous amène à imiter Jésus dans son amour, sa douceur, son humilité.

2.Marcher dans la sainteté (4.17-32)

« Voici donc ce que je dis et ce que je déclare dans le Seigneur : Vous ne devez plus marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées. Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur. Ayant perdu tout sentiment, ils se sont livrés au dérèglement, pour commettre toute espèce d’impureté jointe à la cupidité. Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris Christ, si du moins vous l’avez entendu, et si, conformément à la vérité qui est en Jésus, c’est en lui que vous avez été instruits à vous dépouiller, par rapport à votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être renouvelés dans l’esprit de votre intelligence, et à revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité. » (4.17-24)

La deuxième mention de la marche est mise en contraste avec celle du monde. Paul décrit de façon critique la vie des païens de son temps — et il pourrait sans aucun doute en faire de même aujourd’hui. L’articulation entre les pensées obscurcies et les actions impures est particulièrement importante : l’inconduite des hommes a son origine dans leurs présupposés. Qu’il en soit conscient ou non, chaque homme est influencé par des schémas de pensée, des idéologies sous-jacentes, véhiculées par l’éducation reçue, les politiques menées, les médias…

Nous devons donc « désapprendre » pour « apprendre Christ » (4.20), lui qui seul est « la » vérité (4.21a). Paul utilise une image : c’est comme si notre esprit devait quitter un vieil habit qui devient tout pourri pour se vêtir d’un nouvel habit lumineux (4.21b-24). Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons vivre non pas (ou non plus) dans l’impureté, la cupidité, les convoitises trompeuses, mais dans la sainteté, la justice et la vérité.

Pour rendre plus concrètes ces vérités que d’aucuns peuvent juger un peu abstraites, Paul prend cinq exemples dont l’aspect terre à terre peut nous étonner (4.25-32). Il est inutile de se gargariser de notions hautement spirituelles si nous manquons à les appliquer dans notre quotidien le plus concret ! Pour chaque exemple, il exhorte à renoncer à une conduite négative, à adopter une conduite positive et il donne une justification :

– la vérité : ne plus mentir, mais dire la vérité, car nous sommes membres du même corps ;

– la colère : ne pas laisser une colère perdurer ou se transformer en péché, car sinon le diable pourrait en profiter ;

– le vol : ne plus voler, mais bien travailler afin de pouvoir donner ;

– la parole : substituer de bonnes paroles aux mauvaises, afin de contribuer à l’édification mutuelle et de ne pas attrister l’Esprit ;

– les sentiments : faire disparaître les sentiments négatifs qui se traduisent en actions violentes ou méchantes, mais cultiver les sentiments positifs, à l’image de la façon dont Dieu a agi envers nous.

C’est ainsi que nous marcherons dans la vraie sainteté pratique.

3.Marcher dans l’amour (5.1-6)

Devenez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés ; et marchez dans l’amour, à l’exemple de Christ, qui nous a aimés, et qui s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur. Que la débauche, ni aucune impureté, ni la cupidité, ne soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu’il convient à des saints. (5.1-3)

La troisième mention commence par une exhortation a priori inatteignable : imiter Dieu ! Mais Dieu nous a adoptés comme ses « enfants bien-aimés » — mieux, il nous a rendus participants de sa propre nature (2 Pi 1.4) et, dans la mesure où nous vivrons près de lui, petit à petit nous nous mettrons à lui ressembler. Or Dieu est amour et c’est donc en aimant (un peu…) comme lui que nous l’imiterons. Cet amour se traduira en pardon réciproque (4.32), et en dévouement sacrificiel pour les autres (5.2). L’exemple de Christ, dans sa vie et dans sa mort, dans ses actes et ses paroles, est une source inépuisable d’inspiration pour le chrétien qui veut imiter le Dieu qui s’est pleinement révélé en Jésus.

Paul attire cependant l’attention sur les contrefaçons de l’amour — ô combien d’actualité ! L’inconduite sexuelle, la passion non contrôlée2, l’amour de l’argent (5.3) sont des formes dévoyées d’amour, à l’opposé du vrai agape biblique : on veut avoir, prendre, posséder au lieu de donner librement sans attendre en retour. Encore une fois, les idéologies sous-jacentes peuvent nous séduire (5.6) pour justifier des pratiques à l’opposé de la nature du vrai Dieu.

4.Marcher dans la lumière (5.7-14)

Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ! Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. (5.8-9)

Le chrétien a été « illuminé » par la connaissance du vrai Dieu et il est désormais en opposition avec le monde qui l’entoure. L’apôtre marque ce contraste par trois oppositions successives :

sur sa position (5.7-8) : au lieu d’être dans les « ténèbres » (terme imagé de l’étendue et du pouvoir du péché), il est « lumière dans le Seigneur », à la fois en théorie, mais aussi en pratique dans la mesure où Jésus est vraiment « Seigneur » sur sa vie ;

sur sa conduite (5.9-11) : il cherche à plaire au Seigneur, ce qui l’oblige à rompre radicalement avec la façon de vivre de ses contemporains, en « démasquant » les actions qui ne concourent pas à produire le bon fruit de la lumière, à savoir la bonté, la justice et la vérité ;

– sur sa transparence (5.12-14) : le chrétien ne fait rien en cachette et aime à se tenir dans la lumière de Dieu pour voir dans quel domaine il s’est peut-être assoupi et doit être réveillé.

5.Marcher dans la sagesse (5.15-21)

Prenez donc garde afin de vous conduire avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages ; rachetez le temps, car les jours sont mauvais. C’est pourquoi ne soyez pas inconsidérés, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin : c’est de la débauche. Soyez, au contraire, remplis de l’Esprit. (5.15-18)

La dernière exhortation relative à la marche chrétienne concerne la sagesse. Loin d’être une réflexion spéculative, la sagesse biblique est « l’art de se conduire selon Dieu » dans le détail de nos vies, comme l’illustre si bien le livre des Proverbes. Heureusement nous avons l’Esprit en nous, cet Esprit que la Bible relie si souvent à la sagesse3, qui nous permet de « comprendre la volonté du Seigneur ». Bien souvent nous recherchons davantage la volonté spécifique de Dieu (est-ce ce garçon avec qui je dois me marier ou celui-là ? dois-je aller ici ou là ?), alors que la volonté du Seigneur est avant tout une sphère morale dans laquelle nous pouvons choisir librement dans le cadre fixé par Dieu, confiants dans l’action de son Esprit sur notre esprit pour nous diriger.

Nous ne sommes donc pas appelés à une vie indisciplinée, mais marquée par la plénitude de l’Esprit. Contrairement à ce que disent certains, cette plénitude ne se montre pas par des miracles impressionnants ou des discours aussi enflammés qu’incompréhensibles. Connaissez-vous quelqu’un qui aime chanter des cantiques, qui encourage les autres, qui cultive la reconnaissance et qui se soumet volontiers aux autres ? Eh bien, c’est un chrétien rempli de l’Esprit !

* * *

L’Épître ne s’arrête pas là : dans la section qui suit (5.22-6.9), l’apôtre propose des applications immédiates de cette quintuple marche dans les domaines les plus immédiats de nos vies — ceux où nous passons le plus clair de notre temps : la vie de couple (5.22-33), la vie de famille (6.1-4) et la vie au travail (6.5-9). C’est dans ces sphères où nous avons avant tout à montrer notre amour, notre lumière, notre sainteté, notre sagesse, notre souci de l’unité — et c’est souvent là où cela nous est le plus difficile…

Deux remarques complémentaires :

  • Notre position en Christ nous met en relation avec Dieu lui-même. Les cinq exhortations à « marcher » peuvent être reliées avec la nature même de Dieu. Jean enseigne que Dieu est
    – amour (1 Jean 4.8 — 3e exhortation),
    – lumière (1 Jean 1.5 — 4e exhortation),
    – esprit (Jean 4.24 — 5e exhortation qui nous enjoint d’être remplis de l’Esprit).
    Il est aussi le Dieu « saint » (2e exhortation) qui se révèle comme un seul Dieu en trois personnes (1re exhortation à l’unité dans la diversité).
  • Chacun des cinq paragraphes étudiés commence par la coordination « donc » (4.1,17 ; 5.1,7,15), reliant chaque exhortation à « marcher » au texte qui précède. Autrement dit, notre vie chrétienne forme un tout et un chrétien ne peut pas se « spécialiser » dans un de ces cinq aspects en délaissant les autres. Mais nous trouvons un encouragement particulier dans le premier de ces « donc » ; il suit la doxologie de la fin du chapitre 3 : c’est Dieu qui agit en nous avec puissance pour produire cette marche à sa gloire. Comme toujours, l’exhortation (bien réelle !) va de pair avec l’affirmation de l’action de Dieu en nous : « Dieu donne ce qu’il ordonne. » Ce rappel nous évitera un souci mal placé de ne pas « être à la hauteur » : c’est parce que nous sommes déjà pleinement favorisés par la grâce de Dieu dans son Fils bien-aimé (1.6) que nous avons la motivation à lui plaire.

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  1. Le verbe traduit par « pratiquions » dans la NEG est le même que « marcher ». Suivant les versions et les versets, ce même verbe est aussi rendu par « se comporter », « se conduire », « vivre en accord », « avoir la vie dirigée par », etc. « Au sens figuré, il désigne l’ensemble des activités de la vie individuelle » (Vine), la conduite pratique, le style de vie.
  2. Le terme « impureté » n’est pas seulement relatif au domaine sexuel. Il désigne aussi les relations impures avec une idole — pour nous, toute passion immodérée pour une activité, une personne, une idéologie qui prend la place de Christ dans notre cœur.
  3. Parmi de nombreuses références, retenons Ex 28.3 ; Deut 34.9 ; És 11.2 ; Act 6.3,10 ; Éph 1.8 ; 2 Tim 1.7 (où il prend la nuance de « bon sens » et de modération).
Dossier : Vivre en Christ
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.