Quelques repères pour réfléchir aux formes de la musique dans l’église
La musique a une place de choix parmi les sujets à controverses, voire même de tension, parmi les chrétiens et en particulier dans la vie des églises locales.
Beaucoup de diversité existe au niveau de la musique dans les églises :
- Certaines pratiquent uniquement le chant a cappella, alors que d’autres ont l’habitude d’accompagner leurs chants au piano, à la guitare, ou avec un groupe musical plus important — et plus sonore.
- Certaines pratiquent le chant à quatre voix, alors que d’autres chantent à une seule voix.
- Certaines utilisent un répertoire de chants datant de plusieurs siècles, alors que d’autres préfèrent les chants ayant été composés durant la dernière décennie.
- Certaines chantent en frappant des mains, en levant les mains, voire en ajoutant des danses ou d’autres formes d’expression artistique, alors que d’autres s’abstiennent de ce genre d’expression.
L’intention de cet article est de fournir quelques repères bibliques pour guider notre réflexion dans ce domaine.
Diversité musicale dans la Bible
Remarquons, pour commencer, que la diversité des formes musicales est présente dans la Bible.
Par exemple, diverses formes sont mentionnées dans certains passages bibliques parlant du chant dans l’église : « Entretenez-vous par des psaumes, par des hymnes, et par des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout votre cœur les louanges du Seigneur. »(Éph 5.19)
Pour ce qui est de l’accompagnement instrumental, nous trouvons également divers exemples bibliques :
– un grand groupe instrumental, au fort niveau sonore (Ps 150 ; 1 Chr 16.5-6) ;
– des chants accompagnés avec un seul instrument, plus discret (Ps 43.4).
Ainsi, si la Bible ne donne pas d’instruction stricte quant aux formes de nos chants, ne menons pas de « faux combats » en essayant d’imposer notre préférence là où la Parole de Dieu ne l’impose pas.
Aussi précieuses que puissent être nos habitudes à nos yeux (qu’elles soient celle du chant à quatre voix, de l’accompagnement avec un important groupe instrumental, ou d’autres encore), ne leur mettons pas l’étiquette « biblique » si la Parole de Dieu ne les commande pas.
Respect et soumission mutuels
Dans les domaines de « liberté chrétienne » comme celui qui nous occupe, la Bible nous exhorte au respect et à la soumission mutuels :« … vous soumettant les uns aux autres dans la crainte de Christ. » (Éph 5.21, dont le contexte immédiat mentionne le chant dans l’Église, voir v. 19.)
« Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ… »(Phil 2.3-5 ; voir aussi Rom 14)
C’est un point qu’il est bon de garder en tête lorsque nous réfléchissons aux nombreux aspects des formes de nos chants.
De plus, quand nous parlons de louange et d’adoration, sujets très souvent liés au chant, souvenons-nous que celles-ci ne sont pas uniquement exprimées par le chant, mais aussi par notre attitude — par exemple par notre soumission les uns aux autres !
Ce point est confirmé par les versets suivants :« … afin que vous soyez purs et irréprochables pour le jour de Christ, remplis du fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu. »(Phil 1.10-11)
Notre société actuelle tend à créer des fossés entre les générations, alors que ce passage biblique nous encourage plutôt à abandonner nos préférences personnelles par amour pour nos frères et sœurs dans l’Église et à être prêts à chanter dans le style que ceux-ci préfèrent.
D’ailleurs, Dieu cherche davantage une certaine sorte d’adorateurs qu’un certain style de louange :« Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. » (Jean 4.23)
Dieu ne cherche donc pas des adorateurs qui adoreront en chantant à quatre voix, ou avec un piano plutôt qu’une batterie, mais plutôt avec une attitude de cœur appropriée.
L’âge du répertoire de chants
Dans ce domaine se rejoue souvent l’ancienne « querelle des anciens et des modernes » que de nombreuses époques ont connue face à plusieurs formes d’art ou d’expression.
Dans ce domaine, il nous semble que l’équilibre est de mise.
En effet, d’une part :
- Seule la Bible est inspirée de Dieu. Et celle-ci nous commande à de nombreuses reprises de ne rien lui ajouter (Prov 30.5-6 ; Deut 4.2 ; Apoc 22.18-19).
- Éphésiens 5.19 (cité plus haut) et Colossiens 3.16 nous encouragent à utiliser différents types de chants.
- Plusieurs passages bibliques nous encouragent à « chanter un cantique nouveau »1 (Ps 96.1 ;És 42.10 ;Apoc 5.9).
Mentionnons également que le langage musical, tout comme le langage parlé, change avec le temps. Il suffit de lire un texte en vieux français, voire les paroles de certains chants anciens, pour nous rendre compte que certaines formes de langage ne sont plus utilisées aujourd’hui.
Ainsi, résistons à la tentation de « canoniser » un répertoire de chants (qu’il soit ancien, comme certains recueils de cantiques, ou plus récent, comme par exemple les recueils de Jeunesse en Mission). Acceptons de faire évoluer régulièrement la liste des chants que nous chantons en Église.
Sachons également encourager ceux qui, dans nos églises, ont des dons de parolier ou de musicien, afin de les amener à composer de nouveaux chants, aux paroles bibliques, donnant un enseignement solide (allant au-delà du simple « Je te loue, Seigneur ») et dont la musique corresponde à notre temps.
Cela dit, évitons de « sur-corriger » un déséquilibre par un autre déséquilibre. Plusieurs églises ont connu, après des générations de « blocage » sur un répertoire de cantiques anciens, une « révolution du répertoire », opérée parfois sans discernement. S’il est positif d’enrichir régulièrement notre répertoire par quelques nouveaux chants, il n’est pas sage de rejeter tout ce qui est ancien pour autant. Nous vivons une époque où le terme « nouveau » est commercialement désirable et où les choses anciennes sont rapidement considérées comme secondaires, voire obsolètes. Or, il y a des richesses dans les anciens cantiques, en particulier au niveau du contenu des paroles et de la richesse de leur enseignement. Ne tombons pas dans un esprit de consommation, où l’important serait plus la nouveauté d’un chant que son contenu. Sachons aussi respecter les personnes qui, dans notre église locale, chantent plus volontiers des chants plus anciens (sans toutefois nous limiter à de tels chants).
Si notre culture tend à créer des divisions entre les générations, la Bible présente des rencontres de croyants toutes générations mélangées (Jér 31.13 ; Joël 2.16 ; 1 Tim 5.1-2 ; 1 Pi 5.5).Dans l’Église, différents styles de chants devraient donccoexister, alliant styles plus anciens et plus modernes.
La place des instruments de musique
La Bible fait mention des instruments de musique à de nombreuses reprises.
Citons, par exemple :
- le livre des Psaumes et en particulier le Psaume 150,
- le texte d’Éphésiens 5.19, cité plus haut, où le terme grec psallo, traduit par « célébrer » signifie littéralement « pincer les cordes d’un instrument »,
- Apocalypse 5.8 et 14.2, où les chants dans le ciel sont accompagnés de harpes,
- Psaumes 9.17 qui semble même mentionner un passage de musique instrumentale.
Il est donc légitime d’utiliser des instruments pour accompagner nos chants.
Cela dit, nous ne pouvons pas pour autant en conclure que les instruments sont obligatoires. Des passages comme Matthieu 26.30 – où Jésus chante avec ses disciples – ou encore Psaumes 57.1 – où David compose un chant alors qu’il est caché dans une caverne, fuyant devant le roi Saül – évoquent des chants sans mentionner d’instruments, voire induisant une grande discrétion. Nous pensons également aux nombreux chrétiens qui, dans notre monde, doivent se cacher de leurs autorités pour rendre culte à Dieu, ce qui exclut le plus souvent des chants trop sonores.
Enfin, le Nouveau Testament lie fortement la musique dans l’Église à la parole :
- Dans Éphésiens 5.19 et Colossiens 3.16, on se parle mutuellement par les chants.
- Dans Apocalypse 5.9 et 15.3, les croyants chantent et disent des louanges rapportées dans le texte.
Cela nous mène à un principe : dans l’Église, la musique devrait servir les paroles. L’accompagnement instrumental ne devrait pas couvrir les paroles et le chant de la communauté réunie – un temps en église n’est pas un temps de concert.
Cela ne veut toutefois pas dire qu’il ne puisse pas y avoir d’interventions musicales plus sonores (souvenons-nous du Psaume 150), ni qu’il n’y ait aucune place pour la musique instrumentale2.
Pour conclure cette partie :
- La Bible donne la liberté d’utiliser des instruments de musique pour accompagner les chants dans l’Église.
- Mais l’accompagnement instrumental devrait rester au service des textes exprimés par le chant de la communauté.
Autres expressions artistiques
Que penser de la pratique de ceux qui frappent dans leurs mains en chantant, lèvent les mains, dansent ou utilisent des bannières ?
Nous trouvons certains exemples bibliques, par exemple :
– le fait de se prosterner (Ps 95.6 ; Phil 2.9-11),
– le fait de lever les mains (Ps 63.4 ; 1 Tim 2.8)3,
– le fait de frapper des mains (Ps 47.1).
Voici quelques éléments bibliques pour nous guider dans cette réflexion :
- « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. »(Mat 4.10)
Ce passage exclut tout vedettariat ou mise en avant de l’homme. Les rencontres de l’Église doivent mettre Dieu en avant, pas moi. Je devrais donc régulièrement examiner mes motivations. Est-ce que je fais tel ou tel geste dans un esprit de louange ? Ou pour ma satisfaction personnelle ? Pour attirer l’attention sur moi ? Pour montrer ma « spiritualité » ? - « Que tout se fasse avec bienséance et avec ordre. »(1 Cor 14.40)
Même si les termes « bienséance » et « ordre » sont sujets à interprétation4, cela nous donne un bon principe pour jauger nos formes musicales et artistiques. - Rappelons-nous l’objectif essentiel des rencontres de l’Église : regarder à Dieu et écouter sa Parole (Act 2.42,47). Ne passons pas l’entier de nos rencontres à nous focaliser sur des activités qui, finalement, ne devraient rester que de simples « outils » (musique, danse ou autres). Trop souvent, ces activités « annexes » finissent par prendre une place exagérée dans les rencontres.
- Enfin, le contenu des paroles de nos chants est plus important que la forme de ceux-ci. Ce contenu, qui doit être objectivement biblique, devrait davantage faire l’objet de notre attention et de nos réflexions, que les questions de formes qui, nous l’avons vu, peuvent être diverses, d’un point de vue biblique.
* * *
En conclusion, donnons la parole à Alex Sarran, qui a déclaré, dans une présentation sur La musique dans le culte :
« Je pense que vous serez d’accord sur l’importance qu’il y a dans nos églises au moins à réfléchir à la question de la musique dans le culte. Y réfléchir, quelles que soient les conclusions auxquelles on va parvenir, est déjà mieux que de se laisser porter indifféremment par le diktat de la tradition ou de la mode ou du « show-biz chrétien » sans éprouver nos pratiques à la lumière de la Parole de Dieu.
Je finis sur un avertissement : la musique dans le culte étant un sujet relativement controversé qui a fait couler beaucoup d’encre, qui a suscité bien des passions, faisons attention à ne pas laisser ce sujet prendre une place disproportionnée dans nos relations avec d’autres chrétiens et avec d’autres églises.
Surtout ne devenons pas des « pharisiens de la musique ». Considérer un idéal, y réfléchir ensemble, c’est bien. Mais puisse cet idéal nous faire remarquer plutôt la poutre qui est dans notre œil ou dans notre église que la paille qui est dans celle du voisin. Soyons vigilants pour nous-mêmes, pas pour les autres. »
- Même si le sens de cette expression vise sans doute d’abord « une nouvelle vision théologique », il est aussi possible de l’appliquer dans le sens d’un chant « récemment composé ».
- Alex Sarran, dans une présentation donnée en 2014 sur « La musique dans le culte », déclare très justement que, selon le lieu où notre église est située, un intermède de musique instrumental sera parfois meilleur pour la méditation et la concentration que le silence, surtout si celui-ci nous fait entendre les bruits extérieurs.
- Notons toutefois que, dans la Bible, cette pratique est plus souvent associée à la prière qu’au chant.
- Par exemple, est-ce que le fait de battre des mains est un signe de désordre ? Apparemment pas, selon Ps 47.1.