Dossier: Pauvreté et richesse
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Un trésor dans le ciel ou sur la terre ? (Matthieu 6.19-24)

Il y a quelque temps, j’ai assisté à l’enterrement d’un missionnaire de 42 ans, décédé subitement. Le moment le plus touchant de cette émouvante cérémonie fut le témoignage des hommes et des femmes que Dieu avait touchés par le biais de son ministère et qui seront au ciel avec lui un jour. Matériellement, il ne laisse pas grand chose mais spirituellement il a accumulé l’une des fortunes les plus précieuses qui attendent les hommes et les femmes ayant eu le sens de leur responsabilité.
L’intensité de notre consécration se démontre par ce que nous aimons, désirons ou servons. Quel est notre trésor ? Jésus nous pose la question dans ces versets du Sermon sur la montagne.

Quel est ton trésor ?

19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent.
« Amasser » a donné en français « thésauriser ». C’est comme si Jésus disait : « Ce que vous êtes en train de faire révèle un sens erroné des priorités. »
Le problème que Christ relève est de retenir des richesses à des fins égoïstes, ou de voir dans l’accumulation de richesses un but en soi, un moyen d’afficher sa valeur personnelle.
A cette époque, les trésors étaient difficiles à préserver. Beaucoup de riches investissaient leur argent dans des vêtements de qualité. Malheureusement, les mites les dévoraient et pouvaient facilement ruiner une toilette coûteuse. Les maisons étaient construites avec une sorte de pisé qu’il était facile de percer. Un voleur pouvait facilement creuser le mur et retirer un coffret contenant de l’argent ou des bijoux.
Ce passage ne condamne pas la constitution d’une épargne légitime. Les fourmis ont raison d’amasser l’été ce dont elles auront besoin l’hiver (Prov 6.6-8). Il est sage de se préparer, quand c’est possible, un coussin financier pour les « saisons de la vie ».
Mais, comme le dit le proverbe populaire, « l’argent est un bon serviteur et un mauvais maître ». Les richesses sont, comme notre temps et nos compétences, une ressource formidable. Le problème des trésors c’est que parfois, on y prend goût et qu’on se laisse dominer par eux. Le problème c’est d’aimer les richesses de ce siècle et de vivre pour elles, par elles (cf. 1 Tim. 6.9-10).
L’amour des richesses conduit certains à ne pas prendre soin des leurs, ce qui est pire que le comportement des infidèles (1 Tim. 5.8). Il conduit même des soi-disant leaders d’église à exploiter financièrement les personnes crédules qui suivront leurs enseignements corrompus (2 Pi 2.3). Méfiez-vous de ceux qui appellent vos dons sans votre réflexion et votre consentement. L’amour de l’argent touche aussi les pasteurs et autres responsables religieux…
Le jeune homme riche était remarquable dans ses relations à autrui. Il respectait à merveille la seconde partie des 10 commandements. Mais Jésus le conduit avec tact à réaliser combien il avait piétiné les premiers : son amour de l’argent était une idolâtrie qui le condamnait tout autant à l’enfer (Mat 19.16- 26). Quelle folie !
L’interpellation de Jésus doit nous conduire à examiner nos « trésors » : sensualité, richesse, désir d’influence – les options sont hélas fort nombreuses.
 » 20 Mais amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. « 
Les richesses terrestres sont très volatiles (cf. Prov 23.4-5). Christ nous propose de ne pas miser sur cette terre comme si nous allions y rester, mais d’investir différemment, sur le long terme. Le rendement est généreux il n’apparaît qu’au seuil de l’éternité. Au tribunal du Christ, nous ne ferons que récupérer ce que nous avons placé. 2 Cor 5.10 affirme qu’il nous sera « rendu », une notion bancaire, selon ce que nous avons déposé par notre consécration.
Tous les réveils authentiques que l’Écriture nous relate, ont eu un effet spectaculaire sur les offrandes (Ex 35.21 ; 1 Chr 29.2-9 ; Néh 8.5-8). Comme si une vision spirituelle claire montrait la futilité de nos poursuites terrestres. Lorsque je donne à un frère en difficulté, lorsque je participe à l’offrande de l’Église et pour la mission, j’épargne en fait dans les caisses célestes.
Dieu veut que nous nous servions des richesses, pas que nous les aimions pour elles-mêmes. Que nous les utilisions pour jouir de la vie (1 Tim. 6.17), pour contribuer à l’œuvre de Dieu (Éph 4.18), pour être généreux (Luc 6.38).
Il y a eu des moments dans l’histoire où certains sont allés jusqu’à tout sacrifier pour Dieu (cf. Marc 14.5 ou le début des Actes). Il ne me semble pas toutefois que cela soit forcément à imiter. À situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Il se peut qu’en cas de réveil spirituel, en cas de guerre et d’énormes besoins de solidarité, certains se sentent conduits à voler au secours d’autrui par de tels sacrifices. Mais cela n’est pas sans conséquences terrestres. Quelques années plus tard, la famine a frappé la région de Jérusalem. Paul demande aux autres régions, qui avaient tant bénéficié de l’aide des chrétiens de Jérusalem, d’aider ceux qui vraisemblablement, n’avaient alors plus de champs…
21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
Finalement, la véritable question est le contrôle qu’exerce un trésor. Qu’est-ce qui vous passionne, vous fait vibrer, vous fait choisir comment vous passez votre temps, votre énergie ? Nos passions révèlent ce que nous sommes — la couleur de notre cœur. Elles orientent nos vies.
Quand on fait du deltaplane, le seul moyen de contrôler la direction, c’est de faire basculer son corps dans un sens ou dans un autre. Le centre de gravité se déplace et l’aile volante s’oriente dans la direction voulue. Il en va de même de nos trésors. Par une décision consciente, nous devons déplacer nos centres d’intérêts, pour que nos trésors ne mobilisent pas toute notre énergie.
Un objet (aussi petit qu’un ordinateur ou aussi grand qu’une maison), ou un plaisir (aussi légitime qu’un plat de lasagnes ou aussi indigeste qu’un excès de table) peuvent ôter à Dieu la place du maître.
Ces mêmes idées sont ensuite rappelées par deux fois d’une manière différente.

Quel est ton désir ?

22 L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé ; 23 mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres !
Le corps ne perçoit les obstacles devant lui que grâce à l’œil. Si l’œil ne fonctionne pas bien, il est difficile de retrouver un chemin ou de bouger son corps comme il le faudrait. L’œil c’est aussi l’appréhension des désirs et des éléments qui nous entourent. Beaucoup des informations qui orientent ma vie passent par les yeux.
Dans le jardin d’Éden, Ève « vit » que « l’arbre était bon à manger et agréable à la vue » (Gen 3.6) et elle en prit. Acan « vit » un manteau d’une rare beauté et un gros lingot d’or parmi les objets interdits du butin (Jos 7.1,21). David « vit » Bath-Schéba avant de réaliser son plan (2 Sam 11.2).
L’apôtre Jean avertit : « Tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde. » (1 Jean 2.16) C’est comme si la chair était dans un état de manque continuel et cherchait l’appui des yeux pour la nourrir, et pour susciter « l’orgueil de la vie ».
Jésus parle d’un œil en « bon état ». Le terme grec évoque la simplicité, la franchise, le caractère sans détour, la sincérité, l’honnêteté. Il peut se traduire par « non artificiel », « non mélangé », mais « direct ».
Notre œil va entraîner notre corps, et si notre œil n’est pas honnête, il va générer des désirs, orienter le corps, conduire notre vie, contrôler notre être.
Un œil intègre, franc, centré sur Dieu fera des merveilles dans une vie. Et pour ceci nous avons besoin que Dieu éclaire nos yeux (Ps 13.4 ; Éph 1.18).
L’œil peut aussi être en « mauvais état ». Ce qui désigne ici un état moralement mauvais, des yeux avides de trouver de quoi nourrir sa passion, son cœur.
Chacun d’entre nous, je suppose, avons parfois des aspirations moralement mauvaises. Nos yeux se portent fort naturellement sur ce qui alimente ces aspirations. Celui qui laisse ses yeux désirer et chercher la satisfaction, la satiété, ne trouvera qu’un puits sans fond. Il se retrouvera de plus en plus lié.

Qui est ton maître ?

24 Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.
En personnifiant la richesse par Mammon, Jésus pense à ce qui nous contrôle, qui nous motive, qui nous satisfait, qui nous rassure, qui nous donne le sens des valeurs. Bref, le dieu que nous servons !
Les directives de deux maîtres feront en sorte qu’un jour où l’autre, ils s’opposeront. L’écartèlement n’est jamais très agréable. Le choix devient alors obligatoire. Qui est votre maître ?
Lorsqu’on cherche à placer ses yeux sur deux objets à la fois, on louche bizarrement et on ne voit plus rien clairement. Tout devient confus et on n’arrive plus à prendre de bonnes décisions.
Jésus appelle à une consécration absolue — volontaire, aimante, confiante — à sa personne. Dès lors, vous ne pourrez plus placer vos trésors uniquement sur cette terre, car vous n’emporterez rien. Dès lors, vous ne pourrez plus désirer n’importe quoi, car en chemin vers Dieu vous visez la sanctification, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie, au moment de son retour. Dès lors, vous resterez détaché de tout ce qui pourrait vous dominer, pour mieux être disponible pour le Dieu qui vous a racheté !

Conclusion

Le respect de la seigneurie du Christ est un mouvement perpétuel de mort à soi-même — et de résurrection en lui. En fait, comme le dit l’apôtre Pierre, « chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui » (2 Pi 2.19).
Qui est notre maître ? Qui nous domine ? Comme le souligne Timothy Keller, « Nous savons tous qu’il est possible de faire de l’argent un dieu. Nous savons aussi qu’il est possible de faire des relations sexuelles un dieu. En fait, tout peut devenir une idole, une alternative au vrai Dieu, une contrefaçon […] Un faux dieu est tout ce qui devient tellement central et essentiel à votre cœur que sa perte vous ferait perdre le goût de la vie. Une idole contrôle votre cœur d’une façon telle que vous pouvez lui consacrer la plus grande part de votre passion et votre énergie, de vos ressources financières et émotionnelles, sans y réfléchir à deux fois. »1 Comment ôter ces idoles de nos cœurs ? En faisant de Jésus-Christ l’objet de notre admiration, de notre satisfaction, de notre dévouement. On ne peut brûler ses idoles sans les substituer à un amour plus grand. L’apôtre Jean termine sa première lettre sur ces mots :
« Nous savons que nous sommes de Dieu, et que le monde entier est sous la puissance du malin. Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle. Petits enfants, gardez-vous des idoles. » (1 Jean 5.19-21)
Amassons un capital dans le ciel. Faisons-le par toutes les œuvres bonnes, par tous les investissements financiers pour le royaume de Dieu, par tous les actes discrets de piété, par le pardon que nous offrons, par l’amour que nous vivons — en un mot, par le règne de Christ en nous.

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  1. Timothy Keller, Les idoles du cœur, Éditions CLE, 2008.
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Varak Florent
Florent Varak est pasteur, auteur de nombreux livres. Il est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes ainsi que quatre petits-enfants.