Dossier: Quelles spiritualités
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Diverses formes de la spiritualité chrétienne

Dieu a créé les êtres humains avec une infinie variété de personnalités. Si ce constat est évident pour la première création, il vaut aussi pour la nouvelle création. Chaque croyant a sa propre relation avec le Seigneur, sa propre façon de vivre la commune foi, sa propre spiritualité.
Il est possible, au risque d’une schématisation excessive, de distinguer quelques grands types de spiritualités au sein du christianisme et, plus particulièrement, au sein du mouvement évangélique. Ce dernier se caractérise par la force de sa référence à la Bible et par son insistance sur une expérience personnelle avec Dieu. Toutefois, l’accent mis sur la spiritualité des mouvements en vient parfois à « gommer » la diversité des approches au sein même des évangéliques. Nous allons tenter de les regrouper en quelques grandes catégories.1

Cinq types polaires de spiritualités

La spiritualité d’orthodoxie

Le croyant proche de cette spiritualité met l’accent sur la doctrine, sur la rigueur de la formulation théologique. Il est très attentif à « garder le bon dépôt de la foi ». Il cultive une relation avec le Dieu de vérité, au travers d’une étude suivie et réfléchie de l’Écriture.
Ses livres bibliques de prédilection se trouvent plutôt du côté des Épîtres de Paul, en particulier l’Épître aux Romains. Il s’intéresse à l’apologétique et à la théologie systématique. Il aime à conceptualiser sa foi. Sa vie de prière est nourrie de références à l’Écriture. Il aime chanter les credos ou les textes bibliques mis en musique.
Les points forts de cette approche tiennent à la fidélité à la révélation divine, au maintien de la foi apostolique dans un contexte où elle est remise en question.
Elle n’est cependant pas exempte de danger : facilement, le chrétien « intellectualisant » peut prendre ses propres chevaux de bataille pour le cœur de l’évangile et mettre sur le même plan des points secondaires, (parfois basés sur un seul verset), avec des points fondamentaux (attestés, eux, par de nombreux textes clairs). Il peut adopter une attitude de supériorité vis-à-vis de ceux qui sont moins « éclairés » que lui, ou cultiver le syndrome du dernier des fidèles ou du rempart de la vérité.

La spiritualité de sainteté

Le croyant met l’accent sur l’exigence d’une vie de disciple consacrée et sur la poursuite de la sainteté pratique. Il examine volontiers sa conduite et cherche à se conformer aux nombreuses injonctions pratiques qu’il trouve dans la Bible. Plus que sur la doctrine, il insiste sur la mise en pratique et cherche à vivre pour plaire à son Seigneur « à tous égards ».
Il est particulièrement sensible au sermon sur la montagne de l’Évangile selon Matthieu ou au livre des Proverbes. Sa vie de prière fait une belle place à la confession. Il apprécie les chants de consécration inspirés du piétisme.
Ses points forts tiennent au fait que la doctrine, si elle n’est pas traduite en pratique, est morte. Celui qui reconnaît Jésus comme son Sauveur personnel, qui se sait justifié éternellement devant Dieu, doit également accepter Jésus comme son Seigneur et « poursuivre la sainteté », dans un engagement constamment renouvelé du quotidien.
Le risque est alors d’adopter un code de règles par lequel il croit plaire à Dieu et à l’aune duquel il juge tout autre chrétien qui y déroge. Il peut aussi chercher désespérément à atteindre un niveau de perfection qu’il n’aura qu’au ciel et s’enfoncer dans un perfectionnisme frustrant et desséchant.

La spiritualité contemplative

Le chrétien cherche à établir une relation intime et directe avec Dieu. Sa foi le pousse à méditer sur Dieu, à chercher à ressentir sa présence, son onction. Il peut voir Dieu dans la création quand il s’arrête pour contempler un beau soleil couchant. Il passe volontiers du temps à méditer sur la croix ou sur le ciel.
Il relit volontiers les dernières paroles de Jésus à ses disciples dans l’Évangile selon Jean et cherche à « demeurer en lui ». Le Cantique des cantiques l’inspire dans sa relation presque « amoureuse » avec son Seigneur. Il apprécie les expressions poétiques des chants romantiques ou les invocations répétées sur la grandeur de Dieu. Ses prières peuvent facilement s’interrompre pour faire place au silence et à la contemplation.
Le chrétien contemplatif comprend que Dieu n’est pas réductible à un corpus doctrinal, si juste soit-il, ou à une conduite irréprochable ; la relation avec Dieu est une relation de personne à personne, qui doit être réellement vécue et qui doit nécessairement toucher les sentiments.
Néanmoins, il est possible de s’abîmer tellement dans la contemplation qu’on en oublie les contingences actuelles, la réalité de la vie dans ce monde à laquelle nous sommes appelés. Les élans mystiques sont parfois trompeurs et peuvent faire dévier d’une saine et sobre prise de conscience de la distance qui demeure entre le Dieu infini et sa créature limitée.

La spiritualité charismatique

En prenant le terme dans un sens plus large que le seul courant qui porte ce nom, la spiritualité de type charismatique englobe les chrétiens qui cherchent à voir Dieu à l’œuvre. Ils sont sensibles à son action à travers des réponses à des prières, des paroles fortes reçues comme des messages directs du Seigneur, des directions face aux décisions à prendre, etc.
Ces frères et sœurs apprécient de relire le livre des Actes ou le livre de l’Exode. Ils font monter à Dieu des prières hardies, en demandant son intervention directe et immédiate. Ils chantent des hymnes de victoire et de confiance.
Ils alertent les autres chrétiens sur le danger de limiter l’action de Dieu à la petitesse de notre foi. Ils connaissent un Dieu agissant, proche de ses enfants. Ils montrent le chemin d’une foi vivante, alimentée par les réponses reçues et basée sur la victoire qu’ouvre l’œuvre de Christ sur le mal et le diable.
Toutefois ils risquent de valoriser exagérément l’expérience et de la placer au-dessus de la révélation objective de Dieu. Ils peuvent être très déstabilisés par la survenance d’épreuves ou de contretemps qui ne rejoignent pas leur attente de l’action divine.

La spiritualité de l’action

Un croyant attiré par ce type de spiritualité est très sensible à l’action du chrétien dans le monde. Il s’implique dans des actions humanitaires, cherche à pousser les réformes de société qui vont dans le sens d’une plus grande justice et d’une meilleure égalité et peut s’engager concrètement dans la vie politique. Il est conscient des enjeux écologiques et milite volontiers pour la paix et l’égalité entre les sexes.
Il aime relire l’Évangile selon Luc où l’accent est mis sur les pauvres, les exclus, les femmes. Les reproches d’un Amos font écho en lui. Il intercède volontiers pour les autorités, même si sa vie de prière et de chant n’est pas toujours sa priorité.
Son point le plus positif tient à la cohérence entre son amour envers Dieu et son amour envers son prochain. Dire qu’on aime Dieu sans le traduire en actes concrets est un leurre.
Mais, du fait de toutes ses activités, il peut en arriver à oublier de prendre du temps de ressourcement avec le Seigneur, à brusquer les autres sous prétexte d’efficacité et à penser que son action va amener le royaume de paix sur terre, alors qu’il faudra attendre le retour du Seigneur pour qu’il soit effectif.

Une spiritualité ou des spiritualités ?

Sans doute vous êtes-vous un peu reconnu dans ces divers portraits, rapidement brossés. Ou bien avez-vous pensé que, bien équilibré, vous preniez finalement le meilleur de chaque spiritualité ? Ne nous leurrons pas : personne ne peut viser au parfait équilibre. L’important n’est d’ailleurs pas de rejeter la spiritualité qui nous attire le plus : Dieu nous a créés différents et il est normal qu’il en soit ainsi ; ce n’est qu’au travers de la diversité et de la complémentarité des personnalités et de leurs spiritualités dans l’Église de Jésus-Christ que « la sagesse infiniment variée de Dieu » est connue par les dominations et les autorités dans les lieux célestes (Éph 3.10).
Il importe cependant que nous soyons conscients de trois éléments importants :

  • Le crible de toute spiritualité est la norme établie par l’Écriture. Non pas que la spiritualité d’orthodoxie soit supérieure aux autres, mais parce que ce n’est que la Bible qui peut d’une part nous éclairer sur ce qui plaît à Dieu et sur la façon dont il souhaite entrer en relation avec nous, et d’autre part nous garder des excès. L’expérience doit toujours être contrôlée par la doctrine.
  • C’est pourquoi il est primordial d’être lucide sur les dangers que nous fait courir le type de spiritualité qui nous est le plus proche. Veillons aux dérives toujours possibles et écoutons ceux qui, peut-être parce qu’ils sont moins sensibles à cette approche, en discernent mieux les écueils.
  • Enfin, même si la maturité chrétienne ne signifie pas le changement total de notre personnalité, restons ouverts aux spiritualités qui nous sont les moins proches et cherchons à apprendre à rencontrer Dieu d’une manière un peu différente de celle qui nous est la plus familière.
    Ne négligeons pas, non plus, l’influence que peut avoir sur notre spiritualité personnelle celle qui se rencontre le plus fréquemment dans l’église locale que nous fréquentons. Une église de type pentecôtiste sera sans doute plus accueillante pour une personne sensible à la piété charismatique, tout comme une communauté de l’Armée du salut plus proche d’une spiritualité de l’action, pour ne prendre que deux exemples. Toutefois, il serait dommage que les églises locales ne soient pas (ou plus) capables d’accueillir et de laisser prospérer tous les types de spiritualités : quel enrichissement quand un frère plus « charismatique » encourage un frère plus « orthodoxe » à attendre l’action de Dieu et quand ce dernier, à son tour, montre au frère charismatique, qui s’étonne de ne pas recevoir de réponse à sa prière, que nous ne sommes « pas encore » dans le temps de la pleine manifestation de la puissance du Seigneur.

L’exemple de Jésus-Christ

Puisque nous sommes « chrétiens » (« petits christs ») et cherchons à suivre l’exemple du Maître, nous osons poser la question : quelle était la spiritualité de l’homme Jésus ? Nous partons du postulat, étayé par tant de textes irréfutables de l’Écriture, que Jésus fut le seul homme parfait, sans péché, absolument équilibré qui ait vécu sur terre. Aussi n’est-il pas étonnant que nous trouvions dans sa spiritualité des éléments des cinq types recensés plus haut. En témoignent des récits des Évangiles, dans la mesure où les Évangélistes ont pu percevoir la forme de piété de Jésus. En témoignent aussi des expressions des Psaumes, dont les citations fréquentes dans le N.T. montrent qu’ils peuvent valablement être compris, pour une large part, comme des paroles de Jésus :

  • Les fréquentes allusions que Jésus fait dans ses discours à l’A.T. montre qu’il se laissait enseigner : « Ta loi est au fond de mon cœur » (Ps 40.9) ; « Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent des disciples. » (És 50.4) Toute sa vie était en conformité avec la parole divine qu’il interprétait comme nul autre (cf. Jean 8.28)
  • Quant à la sainteté, Jésus pouvait dire à ses détracteurs : « Qui de vous me convaincra de péché ? » (Jean 8.46) Absolument « saint, innocent, sans tache », il n’a jamais bronché — en rien.
  • Comme homme dépendant, nous le voyons souvent en prière, prenant de longues heures pour cultiver la communion avec son Père, dans un lieu désert (cf. Luc 4.42).
  • Jésus s’attendait aussi à une action directe, immédiate de Dieu : par exemple, juste avant de ressusciter Lazare, il rend grâces car il se sait déjà exaucé (Jean 11.41). Sur la croix, il cite le Psaume 31 : « Je remets mon esprit entre tes mains » — et le Psaume continue : « Tu me délivreras, Éternel, Dieu de vérité ! » — ce qui fut le cas par la résurrection.
  • Enfin, il a toujours porté une attention touchante aux besoins de ceux qui l’entouraient. Jusque sur la croix, où il oublie ses propres souffrances pour donner l’assurance du salut au brigand repentant et réconforter sa mère.

La norme du Maître sera toujours inaccessible sur terre, mais encourageons-nous à progresser vers « l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ » (Éph 4.13), dans une spiritualité toujours plus riche et plus équilibrée.

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  1. Cet article s’inspire librement en grande partie de réflexions glanées dans des messages donnés par Louis Schweitzer et Philippe Fournier. Qu’ils en soient remerciés.
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Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.