Dossier: Quelles spiritualités
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Méditer la Bible

« Heureux l’homme… qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel et la médite jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau : il donne son fruit en sa saison… » (Ps 1.1-3).

Le livre des Psaumes, livre de la prière, s’ouvre par la déclaration que le bonheur humain trouve sa source et sa réalisation dans une relation quotidienne, jour et nuit, avec Dieu. Ce bonheur est lié à la méditation de la loi de l’Éternel, de la Bible. Dieu est un Dieu qui communique et qui parle à l’homme par la création, par les Écritures, par Jésus-Christ la révélation de Dieu, la Parole faite chair. Dieu parle, nous sommes invités à écouter avec attention et disponibilité. La méditation de la Bible nous amène à l’écoute de Dieu et ouvre à la prière comme une réponse d’amour à celui qui aime et parle le premier. Le bonheur est dans ce dialogue, face à face de l’homme avec Dieu dans l’intimité et le silence.

1. La méditation de la Bible, un défi pour le chrétien aujourd’hui

La méditation de la Bible constitue un véritable défi pour le chrétien aujourd’hui. Ces deux mots sont en complet décalage avec l’évolution de la société :

  • La Bible, Parole de Dieu, « vivante et permanente », livre immuable au fondement d’une civilisation multimillénaire, livre inscrit au patrimoine mondial de l’humanité rencontre une société devenue « société de l’information » dominée par des médias omniprésents et de plus en plus agressifs, qui saturent notre espace personnel et collectif de messages de toute nature, dont ils organisent à la fois l’impression de nécessité absolue et l’obsolescence rapide (cf. Promesses n° 191).
  • La méditation est une invitation à prendre du recul pour écouter la voix de Dieu dans le silence et la solitude. Elle paraît en opposition avec la suractivité, le stress professionnel, la multiplication des sollicitations de tous ordres, souvent obligatoires ou incontournables, qui viennent accaparer la vie des femmes et des hommes de ce siècle.

La « révolution numérique » transforme insensiblement notre vie, notre mode de pensée, notre manière de lire et de traiter l’information et jusqu’à notre approche de la Bible :

  • La prédominance et le défilement toujours plus rapide de l’image prennent le pas sur le texte écrit et entament notre capacité à lire et réfléchir.
  • Nous disposons ou sommes sollicités à portée de clic par des ressources numérisées quasi sans limites, du meilleur au pire dans tous les domaines, y compris pour la lecture et l’étude biblique. Cela nous expose aux lectures en diagonales qui donnent priorité aux dernières nouveautés, aux contenus « clés en mains », faciles ou à l’utilité immédiate.
  • « Combien de connaissance nous perdons dans l’information et combien de sagesse nous perdons dans la connaissance » : le mot d’Edgar Morin, penseur contemporain non chrétien, prend tout son sens pour nous à la lumière des premiers chapitres du livre des Proverbes (1.1-6 ; 2.1-11 ; 3.13-23). Il trace en quelque sorte l’enjeu de la méditation de la Bible : écoute, réflexion, sagesse, comme chemin vers la connaissance de l’Éternel, source de vie et du bonheur…

2. La méditation de la Bible, un enjeu au cœur de la vie du chrétien

Certaines approches de l’Écriture laissent perplexe :

  • Celle qui consiste à s’appuyer beaucoup sur les très nombreux matériaux à disposition (publications spécialisées, logiciels d’étude biblique, prédications et cultes en ligne, etc.) au détriment d’une préparation et d’une appropriation personnelle, intériorisée du texte.
  • Celle qui cherche à actualiser au maximum l’usage de la Bible par le choix systématique de thèmes d’actualité accrocheurs ; la lecture des textes risque alors de s’orienter vers une écoute intéressée et utilitaire.
  • Celle qui s’inscrit dans la mouvance des spiritualités extrême-orientales, où la méditation est considérée comme une activité de l’esprit, un exercice mental qui consiste à rechercher la pure intériorité, le vide de soi et de ses pensées. Il s’agit d’une démarche centrée sur soi, sur l’homme, égocentrique en quelque sorte, alors que la méditation chrétienne a toujours un contenu, centré sur Dieu et sur Jésus-Christ, avec la Bible comme référence.

Les auteurs des Psaumes n’orientent pas leur méditation vers eux-mêmes mais sur Dieu (63.6) ; sur les œuvres et les actes de Dieu (77.6-12 ; 143.5,6) ; sur la loi, les décrets, la parole de l’Éternel (119.15,27,97,148).
La méditation de la Bible est un enjeu au cœur de la vie du chrétien. Elle n’est pas essentiellement une approche intellectuelle d’analyse soigneuse du texte biblique comme l’exégèse. Elle est l’écoute d’une parole de Dieu, plutôt que la recherche d’une parole sur Dieu.
L’Écriture, ici, est reçue comme un message de Dieu à l’homme, pour rencontrer Dieu personnellement, rencontrer Jésus-Christ et vivre de lui. Ainsi, la Parole de Dieu est un livre, mais, plus que cela, elle s’est révélée dans une Personne, le Verbe, Jésus-Christ (Jean 1). La méditation par la foi, sous l’action de l’Esprit Saint, dans la durée, sans précipitation, laisse la Parole de Dieu nous pénétrer comme une parole de vie.
Trois images liées à la Parole de Dieu aident à comprendre la nature de la méditation biblique et son importance pour la vie du chrétien :

  • Elle est une semence plantée en nous (Jac 1.21), origine et développement de la vie divine, qui prospère et porte du fruit (Deut 32.47 ; Mat 13.23) ; Jésus dit : «Les paroles que je vous dis sont Esprit et sont vie» (Jean 6.63). La semence est de Dieu, la méditation favorise la germination et le fruit (Ps 1.2,3). La parole fait vivre (Ps 119).
  • Elle est une nourriture qu’il faut ingérer, digérer, assimiler, apprécier la saveur et qui produit la croissance (Ps 40.8 ; Jér 16.15). Ce processus renouvelé, lent, secret, que les pères de l’Église appelaient rumination fait vivre et revivre en nous la Parole par la réflexion, la mémorisation et l’action de grâce.
  • La méditation sollicite et transforme l’être entier, l’intelligence, le cœur, les cinq sens : voir, écouter, toucher, sentir, goûter (Ps 77.6 ; 119.103), sont alertés pour aller de la lecture à la connaissance et de la connaissance à la proximité et à cette intimité avec Dieu où « ta loi fait mes délices. Combien j’aime ta loi, tout le jour je la médite. » (Ps 119.47,77,97).

3. Quelques jalons pour la méditation de la Bible

1. S’attendre à l’Esprit saint, se disposer à accueillir son action

C’est l’Esprit qui rend la Parole féconde, vivante en celui qui l’écoute, alors l’homme doit rechercher une attitude de docilité et d’écoute dépendante pour se détacher de lui-même. Il ne faut pas chercher à satisfaire des besoins précis, mais chercher Dieu, élever notre âme vers lui, être attentif, à l’écoute du Seigneur qui nous parle, comme suspendus à son amour.

2. Prendre la Bible et lire

À un moment fixé, à des heures et une durée régulière, dans le silence qui permet l’écoute, car toute écoute implique le silence, la solitude avec Dieu. La Parole de Dieu n’atteint pas les bruyants, mais les silencieux, disait Dietrich Bonhoeffer.

  • Lisons des passages déterminés, sans préférence, pas au hasard, sans écarter les textes obscurs.
  • Lisons avec assiduité et continuité, non en glaneurs distraits, mais en s’immergeant dans la Parole.
  • Lisons lentement, plusieurs fois, en cherchant à écouter avec le cœur et l’intelligence.

3. Chercher à travers la méditation

  • Réfléchir avec son intelligence, interpréter l’Écriture avec l’Écriture.
  • Relire pour faire résonner le message en soi, murmurer la parole pour qu’elle m’habite.
  • Ruminer les paroles, les mémoriser : « Goûtez et voyez que le Seigneur est bon » (Ps 34.9).
  • Se laisser imprégner, guérir intérieurement, émerveiller, attirer, regarder le Christ.
    Alors l’homme qui écoute la Parole devient peu à peu l’homme qui répond…

4. Prier le Seigneur qui m’a parlé

La lecture et la méditation conduisent au ravissement en Dieu. Remplis de la Parole, nous pouvons entrer en conversation avec Dieu. La Parole qui est venue en nous retourne à Dieu dans la prière. C’est comme une réponse dans l’humilité, la confiance et la franchise, réponse rendue possible parce que nous parlons à Dieu avec ses propres paroles. La Parole qui était auprès de Dieu est désormais en nous. Elle est lumière et vie au plus profond de nous. Plus besoin de crier, nous laissons cette parole monter au ciel paisiblement, sans bruit. C’est un entretien tranquille avec Dieu sans autre désir que de demeurer près de lui.

5. Entrer dans la contemplation

Contempler, c’est voir toutes choses et tous les êtres avec le regard de Dieu. Les pages de l’Écriture dévoilent le Christ à contempler. Ni extase, ni expérience extraordinaire, c’est contempler celui qui est plus beau que les fils des hommes (Ps 45.3) ; celui qui est bon (Ps 119.68) ; celui qui pardonne et guérit (Ps 103.3). Il s’agit d’une expérience de foi, non d’une vision mystique (2 Cor 5.7). Nous contemplons la gloire du Seigneur et sommes transformés à son image (2 Cor 3.18).

6. Conserver la parole dans son cœur

Conservons, gardons, rappelons-nous heure après heure la parole reçue, le passage ou le verset médité. Ce souvenir de Dieu peut donner unité à la journée, au travail, à la vie sociale. Réveillons-nous, ne laissons pas s’endormir cette semence de la Parole déposée en nous.

7. N’oublions  pas : écouter, c’est obéir

Je m’engage à réaliser la Parole de Dieu. L’œuvre qui m’attend, c’est de croire et, par la foi, de montrer en moi le fruit de l’Esprit (Gal 5.22).

Conclusion

« Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse. » (Col 3.16)La pratique régulière de la méditation de la Bible, lecture priée à l’écoute de la Parole de Dieu par le Saint Esprit (Jean 14.26), est certainement d’une importance capitale. Elle est de nature à transformer notre vie, notre relation avec Dieu et notre service :

  • par une attitude face à l’information qui donne plus de place à la réflexion et à la sagesse,
  • par une approche de la Bible moins utilisée comme livre de recettes ou boîte à outils, mais reçue comme semence vivante, nourriture assimilée et puissance de transformation intérieure, par une approche de la prière moins liée à des demandes précises qu’à un entretien intime,
  • par une connaissance de Dieu, moins une connaissance purement intellectuelle sur Dieu qu’une relation de communion personnelle et d’adoration nourrie par la Parole,
  • par une conception du service, beaucoup plus envisagé comme le fruit de l’Esprit que des œuvres à accomplir,
  • par une vision de la vie qui rééquilibre la place de la pensée et celle de l’activité.

« Que les paroles de ma bouche et la méditation de mon cœur soient agréables devant toi, ô Éternel, mon Rocher et mon Rédempteur » (Ps 19.14, Darby ; 19.15 dans les autres versions)

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Sautel Bernard
Bernard Sautel est retraité de l’administration. Après plusieurs années comme aumônier de prison il est désormais aumônier d’hôpital et engagé dans son assemblée locale.