Dossier: Élection et prédestination
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La souveraineté de Dieu, fondement de la liberté de l’homme

Le malentendu de la tension entre souveraineté de Dieu et liberté de l’homme

D’un côté, l’Écriture affirme sans réserve la souveraineté de Dieu et d’un autre, elle exige avec insistance la mise en œuvre d’une décision de l’homme. Dans la Bible, aucune tension ne s’exprime entre les deux notions ; il ne nous est même pas demandé de les garder toutes deux malgré une discordance douloureuse. Pour prendre Philippiens 2.13-14, il ne nous est pas demandé de travailler avec crainte et tremblement à notre salut « bien que » Dieu opère en nous le vouloir et le faire, mais « parce que » il les opère.
La première raison du malentendu non biblique tient à l’influence de l’idéologie humaniste de la liberté, qui a rendu l’homme aveugle au sens biblique de la liberté. La liberté selon la Bible n’est pas première, mais, dans son essence, elle est donnée ; elle n’est pas indépendance, mais elle est dépendance filiale qualitativement privilégiée.
La seconde raison vient d’une imagination déformante. La détermination par Dieu est pensée à l’image des forces de la nature. En effet, la liberté s’asphyxie et la raison devient vaine, si les événements de l’histoire et mes décisions sont régis par une impersonnelle nécessité. Il y a viol de la personne dans un déterminisme universel impersonnel. Si la loi de ce déterminisme est le mécanisme universel, ou une évolution tout englobante, ou la dialectique de la matière ou celle de la raison, il est bien vrai que ma liberté s’évanouit et que ma propre action n’est qu’illusion. Mais telle n’est pas la détermination par Dieu : Nous ne rencontrons pas un destin fataliste, nous rencontrons la volonté d’un Dieu personnel. Il est capable avec un tact infini de susciter en nous « le vouloir et le faire » sans léser notre liberté. Il faut creuser plus profond pour trouver les différences fondamentales entre les déterminations aliénantes des forces de la nature et la détermination personnelle, infaillible et libératrice de Dieu. Si les images tirées des actions que les créatures exercent les unes sur les autres nous égarent, c’est que notre rapport à notre Créateur est unique, tout autre. Car c’est en lui que nous sommes. Alors que toutes les créatures sont métaphysiquement extérieures les unes aux autres, et qu’ainsi l’action d’une créature sur une autre risque toujours de violer son intimité, « Dieu nous est plus intérieur que le plus intime de nous-même » (Augustin). La distinction de Dieu d’avec le monde et sa présence radicalement fondatrice de Créateur permettent au Dieu biblique de produire en nous un vouloir qui soit un vrai vouloir. Nul autre que lui ne le pourrait et lui le peut justement parce qu’il est notre Créateur.
Dieu a créé l’homme à son image, partenaire de son alliance. Il ne l’a pas créé comme un petit dieu, c’est-à-dire un agent indépendant ; il ne l’a pas créé non plus comme un tronc ou une pierre, purement passif sous sa souveraineté ; il l’a créé « image de Dieu », c’est-à-dire liberté seconde mais réelle. La réalité de la liberté dans la dépendance, c’est le mystère même du statut de la créature humaine. Je parle de « mystère » car nous ne dominons pas intellectuellement ce rapport, nous ne perçons pas le « comment » de cette liberté dans cette dépendance — et comment le percerions-nous ? C’est ce qui nous constitue nous-même. Mais c’est un mystère harmonieux, sans contradiction, sans antinomie, sans douleur pour l’intelligence, si elle se laisse réformer par l’Écriture. Ainsi, loin d’exclure la décision de l’homme, la souveraineté du Dieu trinitaire l’implique.

La réalité de la liberté humaine grâce à la souveraineté de Dieu

Cette décision humaine est non seulement possible, importante pour Dieu, mais elle n’est possible que par la souveraineté de Dieu. Sur quoi reposerait la décision indépendante de l’homme, sinon sur le vide ? Quelle consistance, quel poids pourrait-elle avoir hors du Dieu en qui nous sommes ? Comment serait brisée la servitude de la volonté qui se livre au péché (Jean 8.34) ? Cette servitude n’est pas une contrainte externe, c’est le cœur lui-même qui est endurci, ce cœur de pierre (Éz 36.26). C’est dans la volonté rebelle que gît l’incapacité de plaire à Dieu. L’homme naturel est incapable de connaître les choses de Dieu (1 Cor 2), il ne le veut pas. Seul le Dieu qui peut œuvrer à la racine de notre être peut libérer le serf-arbitre. Comment aussi seraient contrecarrées l’influence aveuglante des puissances des ténèbres et la propagande d’un monde corrompu, si Dieu n’était pas à l’œuvre ? Comment, quand les sciences humaines mettent en évidence les conditionnements de nos choix, serions-nous assurés qu’ils sont libres et responsables ? Quand la sociologie, la psychologie nous montrent tout ce qui détermine les choix humains, il est facile de sombrer dans une espèce de scepticisme à l’égard de la réalité même de la liberté humaine et des penseurs en vue en doutent désormais ou carrément la nient. Notre certitude est que c’est le Seigneur qui me fait libre devant lui ; c’est lui qui protège et garantit la réalité de ma décision en la suscitant lui-même et en dosant parfaitement les pressions du dehors sur le vouloir pour qu’elles ne l’écrasent ni ne l’étouffent. C’est la certitude que Dieu produit en moi « le vouloir et le faire » qui me rend certain qu’il y a en moi un vrai vouloir et non pas un épiphénomène de mécanismes inconscients. En notre temps de folie libertaire ou de dissolution de l’homme dans le physico-chimique, il faut le proclamer : Le rempart, le rocher de la décision humaine, c’est la souveraineté du Dieu de la Bible.

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Dossier : Élection et prédestination
 

Blocher Henri
Henri Blocher est ancien professeur de théologie systématique au Wheaton College aux États-Unis et à la faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine en France. Il est l’auteur de très nombreux articles et plusieurs ouvrages.