Dossier: L'autorité
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L’autorité dans l’église

« C’est qui le chef ici ? »

Aucune entité n’est viable dans le temps sans structure d’autorité.

L’Église  de Jésus Christ ne fait pas exception. Mais qui y détient l’autorité ?

L’Église1 étant à la fois une œuvre de Dieu et un ensemble d’êtres humains, l’autorité dans l’Église est à la fois divine et humaine.

L’autorité divine

Le N.T. présente l’autorité divine sur l’Église comme ressortant des trois personnes de la Trinité.

L’autorité de Dieu

Dieu est souverain sur toutes choses — et donc sur l’Église :
 L’Église lui appartient : Paul demande aux anciens d’Éphèse de « paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise son propre sang » (Act 20.28).
 C’est lui qui enseigne la façon de « se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant » (1 Tim 3.15).
 Dieu y habite par son Esprit (Éph 2.22) et il a, de ce fait, pleine autorité pour décider « chez lui ».

L’autorité de Jésus-Christ

L’autorité de Jésus sur son Église est attestée à de multiples reprises par le N.T. :
 C’est lui qui la bâtit (Mat 16.18).
 L’Église lui est soumise. Paul présente cette soumission comme un fait, qui est à la fois un exemple et un motif pour la soumission dans le couple : « De même que l’Église est soumise à Christ »… (Éph 5.24).
 La primauté de Christ dans la nouvelle création le place comme « tête (ou chef) du corps de l’Église » (Col 1.18).
 Jésus-Christ est le fondement de l’Église, sa pierre angulaire (Éph 2.20).
 Mais les textes, où l’autorité de Jésus sur son Église est la plus marquée sont les lettres aux sept églises locales de l’Apocalypse : C’est lui qui marche au milieu des sept chandeliers d’or, symboles de ces églises (Apoc 1.20) ; c’est lui qui se présente revêtu des multiples attributs de son autorité ; c’est lui qui scrute et estime l’état spirituel exact de chacune ; c’est lui qui prononce les avertissements nécessaires, pouvant aller jusqu’à la menace d’ôter le chandelier de sa place (Apoc 2.5).

L’autorité de l’Esprit saint

 Ces mêmes sept lettres d’Apocalypse 2 et 3 se terminent par ce refrain : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises. » La parole du Fils de l’homme est transmise aux églises par la voix de l’Esprit.
 L’Esprit habite collectivement dans l’Église et dans chaque église locale (1 Cor 3.16).
 Il donne des ordres à l’Église et inspire ses décisions. Lors du « concile » de Jérusalem, la lettre de conclusion comporte cette expression : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous » (Act 15.28). Les frères et sœurs rassemblés avaient la conviction que l’Esprit les avait dirigés pour la décision prise.

Peu de chrétiens contesteront les textes ci-dessus. Mais en pratique, qu’en est-il ? Avons-nous toujours conscience que nous sommes dans la maison de Dieu et pas chez nous pour faire ce qui nous semble bon ? que nos décisions doivent être guidées par l’Esprit et non lui être attribuées ex post ? que la seigneurie de Christ sur son Église passe aussi par la reconnaissance de son autorité sur chacun de ses membres ? etc. L’Église n’est pas avant tout une institution humaine mais une œuvre divine. Une crainte respectueuse, non dénuée d’une confiance heureuse, est donc appropriée quand nous parlons de l’Église, quand nous agissons dans l’église locale ou lorsque nous sommes amenés à y prendre des décisions.

L’autorité humaine

L’Église est avant tout une institution divine, mais composée d’humains et confiée à eux. À l’autorité divine, qui reste toujours ultime, s’ajoute aussi une autorité humaine, qui se décline sous trois aspects.

L’autorité des apôtres

Les apôtres forment une catégorie spécifique dans l’Église du N.T. Dans le groupe initial de douze, Judas a été remplacé par Matthias ; puis s’ajoute Paul, dont l’apostolat particulier est souvent mentionné en tête de ses lettres et longuement défendu dans 1 et 2 Corinthiens. D’autres apôtres, comme Barnabas (Act 14.14) ou Jacques le frère du Seigneur (Gal 1.19), sont également reconnus comme tels. Leur rôle principal semble avoir été de fonder de nombreuses églises, comme en témoignent les voyages missionnaires de Paul.  2 Si le seul fondement de l’Église est Jésus-Christ lui-même (1 Cor 3.11), le rôle des apôtres a été majeur. Paul, en changeant légèrement l’image, dit aux Éphésiens : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire » (Éph 2.20).
Les apôtres disposaient de la part de Dieu d’une autorité unique. Pierre avait reçu du Seigneur les clés du royaume, qu’il utilisa pour ouvrir l’Église aux Juifs (Act 2), aux Samaritains (Act 8) puis aux païens (Act 10-11). Leur rôle prééminent explique leur mention en tête de la lettre conclusive du concile de Jérusalem (Act 15.22,23).
L’autorité spécifique des apôtres résidait avant tout dans l’enseignement normatif qu’ils donnaient aux églises, soit par oral, soit par écrit. Paul « ordonne dans toutes les églises » (1 Cor 7.17). Il délègue son autorité à certains de ses collaborateurs : « Dis ces choses, exhorte, et reprends, avec une pleine autorité », enjoint-il à Tite en mission difficile en Crète (Tite 2.15). « Déclare ces choses et enseigne-les » dit-il à Timothée en mission non moins difficile à Éphèse (1 Tim 4.11).
Cependant cette autorité réelle allait de pair avec une démarche pleine de grâce : « Nous aurions pu nous imposer avec autorité comme apôtres de Christ, mais nous avons été pleins de douceur au milieu de vous » (1 Thes 2.6,7). L’autorité des apôtres se recommandait avant tout par leur conduite.
À l’occasion, cette autorité pouvait malgré tout comporter une capacité de discipline. À des Corinthiens indifférents au mal moral présent parmi eux, Paul dit : « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus » (1 Cor 5.3-5). Il réitère dans sa seconde lettre à cette même église à propos des faux apôtres qui cherchent à dominer l’église : « Lorsque j’étais présent pour la seconde fois, j’ai déjà dit, et aujourd’hui que je suis absent je dis encore d’avance à ceux qui ont péché précédemment et à tous les autres que, si je retourne chez vous, je n’userai d’aucun ménagement. […] J’écris ces choses étant absent, afin que, présent, je n’aie pas à user de rigueur, selon l’autorité que le Seigneur m’a donnée pour l’édification et non pour la destruction » (2 Cor 13.2,10).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Nulle part le N.T. ne suggère que les apôtres aient eu des successeurs ayant la même autorité. Paul, dans ses recommandations aux anciens d’Éphèse, les remet à « Dieu et à la parole de sa grâce » (Act 20.32). L’autorité apostolique est aujourd’hui celle de leurs écrits inspirés, conservés pour nous dans le N.T. C’est dans la fidélité à ce qu’ils nous enseignent que l’Église continuera à respecter l’autorité des apôtres.

L’autorité des anciens

Une église, pour pouvoir fonctionner correctement, doit avoir une structure d’autorité interne. L’illusion égalitariste, faussement étayée par des textes sortis de leur contexte, pourrait faire miroiter que tout membre, quelle que soit sa maturité, sa spiritualité, sa conduite, a la même autorité, mais tel n’est pas l’enseignement du N.T. Il indique dès le début que le fondement des premières églises s’est articulé autour d’anciens (Act 14.23).
Quatre termes sont employés dans le N.T. pour désigner des offices comparables 3 :
– « anciens » — qui met l’accent sur leur expérience chrétienne et leur maturité ;
– « surveillants » (traduit aussi par « évêques 4 ») — qui met l’accent sur leur l’intérêt aux personnes de l’église ;
– « conducteurs » — avec l’accent sur leur leadership et sur la direction ;
– « pasteurs » — qui met l’accent sur les soins à apporter aux membres.
Les anciens sont toujours mentionnés au pluriel ; ils forment un « corps » ou un « collège » (1 Tim 4.14 ; cf. Phil 1.1). Ils sont attachés à une église locale spécifique (Act 14.23 ; cf. Tite 1.5), sans autorité sur les autres églises, contrairement aux apôtres.
Ils ont certes une fonction de direction, à laquelle une autorité est attachée, mais l’accent particulier du N.T. tombe avant tout sur leurs qualités morales — d’où les listes d’aptitudes requises de 1 Timothée 3 et Tite 1 — et sur leur manière de se conduire. Ils doivent illustrer la parole du Seigneur : « Que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert » (Luc 22.26). L’autorité d’un dirigeant politique est liée à sa fonction et non à ses qualités morales personnelles 5 tandis que, dans l’église, tout dirigeant doit se recommander « à tous égards » par une conduite irréprochable, en particulier lorsque le contexte est difficile (cf. 2 Cor 6.4-10). Les anciens ne doivent pas dominer sur leurs fidèles, mais être pour eux des modèles (1 Pi 5.3), en particulier dans leur esprit de service. Leur autorité ne s’impose pas de façon coercitive mais tient avant tout à l’Écriture qu’ils doivent enseigner avec fidélité et persuasion (1 Tim 3.2 ; Tite 1.9) et à l’amour qu’ils montrent pour le troupeau.
Le N.T. ne donne pas de liste de domaines où s’exerce directement l’autorité des anciens ; il laisse, ici comme ailleurs, une large place pour adapter les principes à l’infinie variété des situations locales. Il indique cependant que les membres d’une église doivent obéir aux anciens (Héb 13.17), en particulier les plus jeunes (1 Pi 5.5).

L’ensemble de l’église locale

L’Église est présentée comme composée de personnes qui bénéficient du même salut, possèdent le même Esprit et jouissent d’un égal accès direct au Père par Jésus (cf. Éph 4.4-6). Rien n’est plus éloigné de la pensée du N.T. que de distinguer des castes ou des catégories d’importance ou de sainteté différentes entre les chrétiens (cf. Jac 2.1-13). Même Pierre peut dire qu’il n’est qu’un ancien parmi d’autres (1 Pi 5.1). C’est pourquoi l’autorité dans l’Église, du point de vue humain, est avant tout confiée à l’ensemble des croyants. Quelques exemples pour illustrer ce point :
 Lors du concile de Jérusalem, toute l’assemblée est impliquée : « Il parut bon aux apôtres et aux anciens, et à toute l’Église » (Act 15.22). L’église locale a donc autorité pour prendre des décisions engageantes pour l’ensemble.
 Lors de difficultés entre frères, après une démarche personnelle puis à quelques-uns, Jésus dit : « S’il refuse de les écouter, dis-le à l’église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain » (Mat 18.17). L’église est donc l’instance ultime pour exercer l’autorité.
 Dans le cas de l’homme incestueux de Corinthe, Paul leur demande de s’assembler pour juger cet homme (1 Cor 5.4) et c’est bien « le plus grand nombre » qui lui a infligé le châtiment d’après 2 Cor 2.6. La discipline ecclésiastique ultime, l’excommunication, est donc du ressort de l’ensemble de l’église locale. Attendre l’unanimité est sans doute illusoire, mais il importe que la pensée commune émane d’une très large majorité des membres, après un examen sérieux et honnête de toute objection.

Une décision de l’église locale ou des anciens n’est pas infaillible et il peut s’avérer qu’elle doive être remise en question, à la lumière de nouveaux éléments, d’une conviction différente formée par l’Esprit ou d’une meilleure compréhension de l’Écriture. Le reconnaître n’affaiblira pas l’autorité — bien au contraire : Cela démontrera la soumission de l’Église à son Chef.

Conclusion

Selon le N.T., dans l’Église d’aujourd’hui, l’autorité ressort donc avant tout 1° de Dieu en Jésus, par son Esprit, à la lumière de sa Parole, mais aussi 2° des anciens reconnus de l’église locale et 3° de l’ensemble de la communauté. L’équilibre entre ces trois « pôles » d’autorité est délicat et l’histoire de l’Église témoigne des déséquilibres qui sont vite apparus en faveur de tel pôle au détriment des autres. Que chaque église locale, dans la prière et l’étude approfondie de la Parole, éclairée par les plus expérimentés que Dieu a mis à sa tête, vive paisiblement la mise en œuvre de cette autorité pour le bien de chacun des membres.

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  1.  Nous utiliserons la majuscule pour l’Église universelle et la minuscule pour une église locale.
  2. À noter au passage que rien dans le N.T. n’indique que l’église locale de Rome, qui a pris une telle importance au cours des siècles, ait été fondée par un apôtre ; bien au contraire, les attestations vont plutôt dans le sens d’une église qui n’a accueilli Paul (de façon certaine) ou Pierre (peut-être) que bien après sa création..
  3. Comparez Act 20.28 ; 1 Pi 5.1-2 ; Héb 13.7 pour apprécier l’équivalence.
  4. Le terme (retenu par la NEG) a pris au cours de l’histoire de l’Église une connotation trop différente du sens initial pour qu’on ne lui préfère pas ceux de « dirigeants » (BFC, Semeur) ou « responsables » (S21, PDV).
  5. Par exemple, Paul et Pierre enjoignent d’obéir au « roi » qui était Néron à l’époque, pas précisément un exemple de vertu morale !
Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.