Dossier: 500 ans de la Réforme et 50 ans de Promesses
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Réformés et se réformant toujours (Reformata semper reformanda)

On date le début du mouvement dit de la réforme protestante de ce jour de 1517, il y a 500 ans, où Martin Luther placarda ses 95 thèses sur l’église de Wittenberg. Rapidement, le mouvement de la Réforme s’est développé, marqué par sa diversité. Dès le XVIe siècle, luthériens (plutôt en Allemagne) et calvinistes (plutôt en pays francophones) ont marqué leur unité sur l’essentiel et leur diversité sur le secondaire.

Dans les siècles qui ont suivi, le mouvement de la Réforme s’est assoupi et le besoin d’un renouveau — d’une nouvelle réforme — s’est fait sentir ici ou là. C’est pourquoi les siècles suivants ont été marqués par des phases successives de réveils. Chacun de ces réveils a généralement donné lieu à l’établissement d’un nouveau mouvement d’églises, qui porte la plupart du temps un nom qui rappelle le point clef sur lequel ce mouvement met l’accent[1].

Ces différentes dénominations s’inscrivent dans la filiation de la réforme protestante et souscrivent généralement aux cinq points fondamentaux sur lesquels la Réforme du XVIe siècle s’était basée, qu’on appelle les 5 « solas »[2].

Mais, dans l’esprit des pionniers de la Réforme et de tous ceux qui, après eux, ont œuvré dans le même esprit, la Réforme est avant tout un processus dynamique, à revivre constamment. C’est pourquoi, parmi les Protestants, l’Église est dite « reformata semper reformanda », c’est-à-dire : « l’Église réformée qui se réforme toujours »[3].

Que ce soit dans notre vie personnelle de chrétien qui fait partie de l’Église, ou dans la vie collective de nos églises locales, nous avons encore et toujours besoin d’être « re-formés » selon la pensée et l’action du Dieu vivant. Déclinons le sens de cette formule en relation avec chacun de ces 5 solas pour essayer de voir comment vivre cette réforme continue à laquelle nous sommes appelés[4].

1. Sola scriptura

Notre seule référence, en matière de doctrine et de pratique, est la Bible, la Parole de Dieu. C’est là que nous trouvons les principes qui doivent présider à notre vie de foi personnelle et aussi à notre fonctionnement collectif. Même si sa rédaction remonte entre 3500 et 2000 ans de distance, la Bible garde sa pleine pertinence, en 2017 comme en 1517. Nous croyons que Dieu a donné une révélation écrite intangible et finie, contenue dans les 66 livres canoniques.

Mais le danger demeure de rajouter à la Bible ou d’en supprimer ce qui nous y gêne. Jésus reprochait aux pharisiens de son temps d’avoir entouré la Parole du Dieu vivant d’une gangue de traditions qui faisait négliger « ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité » au profit de règles strictes sur des points de détail (Mat 23.23).

À titre personnel, combien vite nous surprenons-nous, quand un texte biblique nous dérange, ne rentre pas dans nos schémas intellectuels ou théologiques, semble contrevenir à nos habitudes, à le mettre de côté. Le si courant « à mon avis » remplace ainsi le « que dit l’Écriture ? ».

Collectivement aussi, il est indispensable de revisiter régulièrement nos façons de faire à la lumière des principes de l’immuable Parole de Dieu, de façon à distinguer entre la substance non négociable de nos convictions d’une part et les traditions plus ou moins nécessaires que nous y ajoutons forcément. Faire ce tri régulier permet d’avoir la liberté d’abandonner des habitudes pour revenir à l’Écriture et à son actualité dans un contexte qui change de plus en plus vite. C’est ainsi qu’on est appelé à se réformer.

2. Solus Christ

Nous nous basons sur la Bible, mais avant tout parce qu’elle nous révèle Dieu et Jésus Christ. Le terme « christianisme »est souvent associé dans le langage courant à une religion ; or c’est avant tout une relation, une relation avec une personne vivante, le Christ ressuscité. Même si nous ne le voyons pas physiquement, nous le savons par la foi à nos côtés tous les jours (Mat 28.20) et au centre de notre rassemblement quand nous venons en église. C’est lui, le Seigneur, qui a l’autorité sur chacun de nous et sur son Église.

Nous souhaitons que Christ grandisse et soit toujours davantage vu dans nos vies individuelles et dans notre vie collective. Si nous nous disons « chrétiens », c’est-à-dire « petits christs », cela doit se voir, dans une imitation toujours plus fidèle du Maître.

Que voient ceux qui nous entourent ? Des moralistes, prêts à enfourcher des combats pour telle ou telle valeur ? Des gens tout à fait comme les autres, hormis une pratique devenue rare de se lever le dimanche matin alors que les autres dorment ? Ou bien des hommes et des femmes qui montrent une passion pour leur Seigneur et en reflètent quelques traits.

3. Sola gratia

Nous croyons que, si nous sommes sauvés, cela n’a rien à voir avec nos mérites personnels, avec nos prétendues bonnes œuvres, mais c’est uniquement en raison de la pure grâce de Dieu, qui nous a donné de façon surabondante ce que nous ne méritions aucunement.

Cette grâce, nous sommes invités à en être, pour reprendre les termes de l’apôtre Pierre, de « bons dispensateurs » (1 Pi 4.10).

Mais combien vite peuvent monter dans notre cœur des prétentions qui nous éloignent de la grâce : parce que nous nous pensons plus fidèles que d’autres, parce que nous sommes plus dynamiques que d’autres, parce que nous croyons avoir mieux compris telle vérité, etc. Constamment, nous avons besoin d’un sentiment, plus que cela, d’une conviction, renouvelée — réformée ! — de la vraie grâce de Dieu dans laquelle nous sommes.

4. Sola fide

Dieu nous a offert son salut par pure grâce et la seule réponse qu’il demande de l’homme, c’est la foi qui saisit la grâce proposée. Cette foi est formée d’une compréhension du salut, de sentiments appropriés devant le prix payé par le Sauveur et d’un élan volontaire vers lui. Cette foi qui ouvre les portes du royaume de Dieu se continue tout au cours de la vie chrétienne, au travers des joies et des peines dont elle est empreinte. Elle est mise en œuvre dans la vie de chaque croyant mais aussi dans la vie collective de chaque église.

Et là aussi chaque église locale a besoin de se réformer continuellement : la vie d’un groupe n’est pas un long fleuve tranquille et toute église a connu, connaît et connaîtra des secousses qui conduisent à devoir mettre en œuvre cette foi. Que cette foi en l’action puissante de Dieu dans nos vies continue, pour soutenir ceux qui parmi nous traversent des épreuves, pour nous inciter à aller plus loin dans notre témoignage, pour nous stimuler à creuser davantage les trésors de la foi ouverts dans la Bible.

5. Soli Deo gloria !

Rendre gloire à Dieu est au cœur de l’adoration chrétienne. Nous sommes invités à la pratiquer individuellement tous les jours (« sans cesse », Héb 13.15) et de façon particulière ensemble lors de nos moments de partage fraternel. Par nos chants, nos prières, nos lectures et notre participation à la cène du Seigneur, nous rendons à notre Dieu la gloire qui lui revient pour son si grand salut, pour sa personne infinie.

Rendre gloire à Dieu, c’est aussi lui consacrer nos vies comme un sacrifice vivant, un « culte raisonnable » (Rom 12.1).

Mais combien vite nous pouvons être centrés sur nous-mêmes et non plus sur Dieu. Que la réforme nous atteigne également dans cette dimension :

– pour renouveler notre louange, sincère et vraie,

– pour ne pas nous attribuer des mérites indus alors que « c’est Dieu qui produit en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir » (Phil 2.13),

– pour faire grandir toujours plus notre amour fraternel dans le souci du bien de notre frère et de notre sœur,

– pour chercher avant tout le royaume de Dieu et non pas notre propre intérêt (Mat 6.33).

* * *

Plusieurs parmi nous gardent le souvenir de ce jour de « réveil » personnel où ils se sont tournés vers le Dieu vivant et vrai. Si nous avons grandi dans un mouvement d’églises, peut-être nous a-t-on transmis la mémoire des temps où l’Esprit de Dieu a agi avec puissance pour susciter un réveil collectif qui a donné lieu à la création de cette dénomination. Et la nostalgie de ces moments peut nous envahir. Nous aspirons, nous demandons — presque, nous exigeons de Dieu — un réveil puissant. Il peut l’accorder ; son Esprit demeure aussi puissant aujourd’hui qu’aux débuts de l’Église.

Mais Dieu œuvre, aussi et surtout, « en continu ». « La recherche constante du réveil pourrait éloigner de ce qui est le plus important : la fidélité ici et maintenant, dans un contexte qui bien souvent n’a rien d’extraordinaire ni de spectaculaire, mais qui est notre contexte. […] Soyons donc de ceux qui savent discerner, de ceux qui cherchent à être fidèles, à vivre l’Évangile ici et maintenant dans notre contexte, dans la durée, en étant attentifs à ceux qui nous ont précédés. Ainsi, l’Église pourrait être l’ecclesia semper reformanda. »[5]

[1]Par exemple, les baptistes réservent le baptême aux seules personnes qui font profession d’une foi personnelle ; les pentecôtistes mettront l’accent sur les dons de l’Esprit qui est descendu sur l’Église primitive le jour de la Pentecôte, etc.

[2]Bien qu’ils aient été formalisés au XVIe siècle, ces cinq mêmes points figuraient déjà au XIIe siècle dans le Traité de l’Antichrist, écrit polémique rédigé par les Vaudois (cf. https://www.info-bible.org/livres/annexes.vaudois/3.traite-antichrist.htm). Le réveil puise toujours à la même source !

[3]Cette citation est malheureusement utilisée parfois pour justifier des réinterprétations qui vont à l’encontre du Texte révélé pour s’adapter à la mentalité contemporaine. Or le processus de changement, en lui-même, ne garantit ni le salut ni la fidélité pratique à l’Évangile.

[4]Pour des développements plus complets sur les cinq solas, nous renvoyons à la série d’articles rédigés par Frank Horton dans Promesses n° 137 à 141 (voir sur le site www.promesses.org).

[5]Neil Blough, « Réveil ou ecclesia semper reformanda ? », Théologie évangélique, 7-1, 2008.

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Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.