Dossier: Élection et prédestination
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L’élection

LE VOCABULAIRE DE L’ÉLECTION

L’élection

Le mot « élection » vient du grec « ekloge » qui signifie « sélectionner, choisir, élire », avec une nuance de préférence pour l’objet choisi et de bénéfice retiré pour celui qui choisit.
La Bible évoque l’élection d’une nation (Rom 11.28) ou d’une personne pour une fonction particulière (Moïse et Aaron, Ps 105.26 ; David, 1 Sam 16.12 ; les apôtres, Luc 6.13-16 et Jean 6.70).
Pour la doctrine du salut, l’élection est le choix de certaines personnes pour la vie éternelle.

La prédestination

Le mot « prédestination » vient du grec « proorizo » qui signifie « marquer à l’avance, fixer les limites ». Dieu, par choix souverain, a marqué les croyants de toute éternité dans un but précis. La prédestination inclut des événements (Act 4.28), ainsi que l’état actuel ou futur de bénédiction de ceux que Dieu veut bénir
Dieu a prédestiné à :
– la gloire : « Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait prédestinée pour notre gloire » (1 Cor 2.7) ;
– la conformité à l’image de Jésus Christ : « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né de beaucoup de frères » (Rom 8.29-30) ;
– l’adoption : « Il nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus Christ, selon le bon plaisir de sa volonté » (Éph 1.5) ;
– la place d’héritier : « En lui nous sommes aussi devenus héritiers, ayant été prédestinés suivant le plan de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté » (Éph 1.11).

La préconnaissance

Le mot « préconnaissance » vient du grec « prognosis » qui signifie « connaître par avance ». Bien entendu, Dieu, dans son omniscience, connaît toute chose. Mais sa préconnaissance (ou prescience) est plus que cela : une connaissance (dans le plein sens relationnel biblique du terme) qui est préparée à l’avance (cf. Amos 3.2).
Dieu a préconnu :
– son Fils et sa mort : « Cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies » (Act 2.23) ; « … Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, préconnu dès avant la fondation du monde, mais manifesté à la fin des temps pour vous (1 Pi 1.19-20, Darby).
– Israël : « Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance » (Rom 11.2) ;
– les croyants : « … élus selon la prescience de Dieu le Père, par la sanctification de l’Esprit, afin qu’ils deviennent obéissants, et qu’ils participent à l’aspersion du sang de Jésus Christ » (1 Pi 1.2).

DIFFÉRENTES VUES DE L’ÉLECTION

Le pélagianisme

 Historique

Pélage était un moine britannique, théologien à Rome (vers 350-vers 420). Il s’opposa aux vues d’Augustin, considérant que l’accent de ce dernier sur la totale corruption de la nature humaine et son corollaire, l’incapacité de l’homme, était à la fois démoralisante pour l’homme qui s’efforce de vivre justement et insultante pour Dieu. Ses thèses furent condamnées par le concile d’Éphèse (431).

Doctrine 

Dieu a fait les hommes différents du reste de la création en ce qu’ils ne sont pas sujets aux lois de la nature. Ils sont libres de choisir. Ce don de Dieu doit être utilisé pour remplir le propos de Dieu. Chaque homme naît avec une volonté qui n’est pas orientée vers le mal. La chute d’Adam n’a pas d’effet direct sur la capacité de chaque homme de faire le bien et le mal, car il est une créature directe de Dieu. Le seul effet de la chute est celui d’un mauvais exemple. Dieu n’exerce non plus aucune influence directe sur l’âme. L’élection de Dieu ne se base que sur sa préconnaissance de la qualité de leur vie. Il est possible à un homme de vivre sans péché, car sinon, pourquoi Dieu aurait-il demandé d’être parfait (Mat 5.48).

Examen

Pourtant, la Bible montre que tout être humain a hérité d’une nature pécheresse (Rom 5.12 ; Éph 2.3) et que tous les hommes deviennent universellement coupables d’actes de péché dès qu’ils arrivent à l’âge de conscience. Aucun homme ne peut être sauvé par la qualité de sa vie (Gal 2.16 ; Rom 3.20).

L’augustianisme

Historique

En réponse à Pélage, Augustin d’Hippone (354-430) développa sa doctrine de l’élection. L’augustianisme eut une influence majeure sur Luther (ex-moine augustinien) et sur Calvin.

Doctrine

Adam est responsable de son acte de révolte. Mais son péché n’a pas été seulement le sien. Chaque homme est uni à Adam et participe ainsi à son péché. Puisque notre âme vient de nos parents, nous étions présents en Adam et nous avons péché en lui et avec lui. Sans la grâce de Dieu, nous sommes incapables de ne pas pécher et faire le bien requiert une grâce encore plus grande. Les hommes sont libres de choisir, mais simplement de choisir un péché ou un autre. La grâce de Dieu restaure notre liberté de ne plus faire le mal et de faire le bien. Quoique irrésistible, elle n’agit pas contre mais de concert avec notre volonté. Dieu, étant omniscient, sait précisément sous quelles conditions nous allons choisir librement ce qu’il veut et il agit de façon à produire ces conditions. Notre choix du salut est entièrement une conséquence de ce que Dieu a déjà voulu faire. Dieu choisit ainsi de donner la grâce à certains et pas à d’autres. Il a déjà fait ce choix de toute éternité et a choisi les élus pour remplacer en nombre exact les anges déchus. Dieu n’est pourtant pas injuste, car la justice de Dieu aurait dû condamner tout le monde ; en en sauvant certains, il fait acte de compassion : les damnés reçoivent ce qu’ils méritent ; les élus reçoivent plus qu’ils ne méritent.

Examen

La doctrine d’Augustin est davantage conforme à la pensée biblique1  et a été retenue comme orthodoxe par l’Église qui a rejeté celle de Pélage au concile de Carthage en 418.

Le calvinisme

Historique

Après Luther et sa controverse avec Érasme sur la liberté de l’homme, Calvin développa au XVIe siècle sa doctrine de l’élection, qui devint la doctrine officielle de la Réforme. Calvin fut fortement influencé par Augustin dans la formulation de ses convictions2 .

Doctrine

La doctrine de Calvin et de ses successeurs sur l’élection peut être résumée par l’acronyme anglais TULIP, qui résume les « cinq points du calvinisme » :
– Total depravity (dépravation totale) : Toute la race humaine est perdue, car pécheresse. Chaque individu est tellement pécheur qu’il est incapable de répondre à aucune offre de grâce. La condition humaine implique à la fois la corruption morale et la condamnation à une juste peine. Voir Éph 2.1-3 ; Jean 6.44 ; Rom 3.1-23 ; 2 Cor 4.3-4.
– Unconditional predestination (prédestination inconditionnelle) : Dieu est totalement souverain et les hommes ne peuvent rien lui reprocher de ses actions. Voir Mat 20.1-15 ; Rom 9.20-21. Dieu a choisi certaines personnes pour leur donner une faveur spéciale : celle d’être ses enfants spirituels et de recevoir la vie éternelle. Ce choix ne dépend absolument pas d’un quelconque mérite de l’homme. Ce choix ne dépend pas non plus de la préconnaissance divine que tel homme croira. Les successeurs de Calvin, Théodore de Bèze et d’autres après lui, ont maintenu la « double prédestination » : Dieu a nommément choisi certains pour être sauvés et d’autres pour être perdus ; il a opéré une décision active dans les deux cas.
– Limited atonement (expiation limitée) : Le salut opéré par Jésus Christ ne concerne que les élus seuls.
– Irresistible grace (grâce irrésistible) : La capacité de venir à Jésus ne dépend que de l’initiative du Père. Voir Éph 1.4-5 ; Jean 15.16 ; Jean 6.44,65 ; Act 13.48.
– Perseverance of the saints (persévérance des saints) : L’élection divine est efficace : tous ceux qui sont élus seront certainement sauvés et persévèreront dans la foi jusqu’à la fin.
Des nuances notables (en plus ou en moins par rapport à la position ci-dessus) se sont développées depuis Calvin parmi ceux qui se réclament de sa doctrine. Avant d’évaluer le calvinisme, il faut étudier l’autre doctrine de la Réforme.

L’arminianisme

Historique

Jacob Arminius (1560-1609) était un pasteur hollandais qui avait étudié sous Théodore de Bèze (successeur de Calvin et tenant d’un calvinisme plus extrême que son maître)3 . Professeur à l’université de Leyde, il fut accusé de semi-pélagianisme. Ses vues furent reprises et accentuées par John Wesley.

Doctrine

Comme pour le calvinisme, l’arminianisme possède différentes nuances.
– Dieu désire que tout homme soit sauvé. Ce désir s’exprime à la fois par des affirmations claires (voir Éz 33.11 ; 2 Pi 3.9 ; 1 Tim 2.3-4 ; Act 17.30) et par le caractère universel de nombreux commandements de Dieu et de nombreuses invitations divines (voir És 55.1 ; Mat 11.28). Si Dieu n’a pas vraiment l’intention de sauver toute personne, son offre n’est pas sincère.–
Tout homme est capable de croire. Si tel n’était pas le cas, les invitations universelles au salut n’auraient pas grand sens. Pour concilier ce point logique avec la totale dépravation de la nature humaine, il faut tenir compte de la grâce prévenante de Dieu qui restaure dans tout homme une capacité suffisante pour qu’il puisse faire le choix de se tourner vers lui. Comme Dieu a donné cette grâce à tous, chacun est capable d’accepter l’offre du salut.
– L’élection est le choix de Dieu pour le salut. Les élus sont ceux que Dieu, dans sa connaissance infinie, a préconnus : il a vu qu’ils accepteraient l’offre de salut faite en Jésus (voir Rom 8.29 ; 1 Pi 1.1-2) et il les a prédestinés à ce salut. Dieu n’a pas créé des robots soumis à une force externe irrésistible, Dieu, mais il a volontairement accepté de laisser le libre choix à l’homme.
– Cette vision de l’élection réhabilite l’importance éthique d’une conduite juste et l’urgente nécessité de la mission. Si les élus sont sauvés de toute façon, est-il nécessaire de les évangéliser ?

Résumé :
L’ordre des décrets divins

Les théologiens évangéliques utilisent parfois pour clarifier leurs nuances sur l’élection les mots savants de : supralapsarianisme, infralapsarianisme, sublapsarianisme. Ils désignent différentes façons de voir l’ordre logique (et non historique) des décrets de Dieu.
Voici l’ordre retenu par chaque vision :

SupralapsarismeInfralapsarismeSublapsarismeArminianisme
1. Dieu a choisi de sauver les élus et de condamner les perdus1. Dieu a créé les êtres humains1. Dieu a créé les êtres humains1. Dieu a créé les êtres humains
2. Dieu a créé à la fois les élus et les perdus2. Dieu a permis la chute des élus et des perdus2. Dieu a permis la chute des élus et des perdus2. Dieu a permis la chute des élus et des perdus
3. Dieu a permis la chute des élus et des perdus3. Dieu a choisi de sauver les élus et de condamner les perdus3. Dieu a pourvu en Christ à un salut suffisant pour tous3. Dieu a pourvu en Christ à un salut suffisant pour tous
4. Dieu a pourvu en Christ au salut seulement des élus4. Dieu a pourvu en Christ au salut des seuls élus4. Dieu a choisi les élus pour recevoir ce salut4. Dieu sait par avance qui va accepter ce salut
5. Dieu a envoyé l’Esprit pour appliquer le salut aux élus5. Dieu a envoyé l’Esprit pour appliquer le salut aux élus5. Dieu a envoyé l’Esprit pour appliquer le salut aux élus5. Dieu a élu ceux qui acceptent le salut

Ces quatre visions sont avant tout des constructions intellectuelles qui ne sont pas directement tirées d’un ou plusieurs textes bibliques, mais cherchent à faire une classification logiquement acceptable.

UNE VUE DE SYNTHÈSE ?

L’équilibre dans la doctrine de l’élection

Les arguments des calvinistes et des arminiens reposent à la fois sur des textes clairs des deux côtés et sur des arguments logiques tirés de la théologie proprement dite et de l’anthropologie bibliques. Il n’est donc pas possible de porter l’anathème sur les tenants de ces positions.
Une conciliation logique totalement satisfaisante semble illusoire. Dans le salut, la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme coexistent. Il semble que Dieu ait voulu laisser « en tension » ces deux côtés de la doctrine du salut. L’équilibre est très délicat, car le chemin de crête est très étroit et il est extrêmement facile de verser d’un côté ou de l’autre.

Les points à rejeter

Du calvinisme

La double prédestination : La Bible ne fait jamais un parallèle strict entre l’élection des croyants et la réprobation des perdus. De plus, il n’est jamais dit que les perdus seront condamnés à la mort éternelle à cause d’un choix divin, mais à cause de leur incrédulité (Jean 3.18) et de leurs œuvres (Apoc 20.12).
La limitation du sens de la foi : La foi n’est pas un simple don divin qui suivrait la régénération. Elle est le moyen de la régénération, donné par Dieu, mais dont l’appropriation dépend de l’homme et met en œuvre sa responsabilité.
Une vision un peu caricaturale de la souveraineté divine : La Bible maintient la distinction entre la volonté divine et la permission divine. L’occulter risquerait de faire de Dieu l’auteur direct du mal.

De l’arminianisme : 

La limitation de l’élection à la seule préconnaissance : La Bible indique un choix de Dieu souverain, antérieur et non subordonné à sa préscience (même si cette dernière est bien réelle).
La restauration liée à la grâce prévenante : La Bible ne semble pas indiquer une action distincte de l’Esprit pour neutraliser la dépravation humaine.
La possibilité de perdre le salut : Mettre trop l’accent sur la responsabilité humaine, peut conduire à ébranler la pleine certitude du salut en présentant la réelle possibilité d’apostasie. Or nul ne pourra persévérer jusqu’à la fin sinon par la grâce donnée par Dieu.

Quelques affirmations visant à l’équilibre

– Dieu a souverainement choisi par grâce pure de sauver certains hommes, alors que tous méritent sa colère et la perdition éternelle. Aucune contrainte extérieure ne l’y conduit, mais c’est un pur acte de miséricorde, indépendant du mérite de ceux qui en bénéficient.
– Tout homme est pleinement responsable devant Dieu de ses actes et, en particulier, de recevoir ou non l’offre du salut qui lui est faite. Son état de pécheur ne l’empêche pas de choisir de répondre positivement.
– Une fois qu’il a cru, le croyant réalise avec admiration qu’il avait été élu de toute éternité (sans qu’il le sache auparavant) et que la foi qui l’a amené au salut est en elle-même un don de Dieu. La seule façon qu’il ait de connaître son élection est de répondre à l’appel qui lui a été fait.
– Il est possible à la fois de prier Dieu pour le salut de quelqu’un (pour qu’il « le tire ») et de répondre à l’ordre qui nous est donné de présenter l’Évangile à cette même personne (car c’est peut-être le moyen même que Dieu va utiliser pour l’attirer à elle) (Jean 6.44). Une parole de Jésus me semble résumer ces deux aspects : « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean 6.37).

Les implications de l’élection

– Une nouvelle vision de la souveraineté de Dieu : Nous pouvons être émerveillés devant le plan grandiose que Dieu lui-même a élaboré pour notre salut et qu’il nous ait élus, préconnus, prédestinés personnellement de toute éternité !
– Une confiance dans la fermeté du salut que Dieu nous accorde : Si l’élection de Dieu est de toute éternité, elle nous conduira sûrement dans l’éternité « future ». Nous sommes donc assurés que le salut offert n’est pas conditionnel ou instable, mais solide et basé en Dieu.
– Un nouveau zèle pour évangéliser : L’action missionnaire est précisément le moyen que le Dieu souverain a choisi pour amener au salut les élus (sans que nous sachions qui ils sont). Dieu n’a pas seulement choisi le but mais aussi le moyen.

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  1. Même si certains détails ne sont pas convaincants : par exemple, nulle part la Bible n’égale le nombre des élus avec le nombre des anges déchus.
  2. Dans l’Institution chrétienne, Calvin cite plus de 3 000 fois Augustin.
  3. Cette vision a aussi été prônée par Mélanchton un peu plus tôt, grand théologien et ami de Luther, qui a abandonné l’augustinisme.
Dossier : Élection et prédestination
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.