Quelques-uns doutèrent…
La Bible présente maints exemples d’hommes et de femmes de foi. Mais elle est aussi un livre réaliste et elle n’occulte pas les moments de doute de ses héros.
La Bible présente maints exemples d’hommes et de femmes de foi. Mais elle est aussi un livre réaliste et elle n’occulte pas les moments de doute de ses héros.Face aux multiples questions que soulève cette épineuse question du doute — Est-ce un péché de douter ? Faut-il nier le doute ? Le doute peut-il être utile ? — quelques exemples bibliques nous donneront des éléments de réponse. Pour chaque exemple, nous essayerons d’identifier d’où vient le doute, la façon dont il se montre, le moyen par lequel le croyant en est sorti et les « bénéfices » qu’il a pu en retirer.
Élie — ou le doute du découragé (1 Rois 19)
D’où vient son doute et comment se montre-t-il ?
La journée avait été sur-occupée : le prophète Élie avait rassemblé le peuple sur le Carmel, bâti un autel de grosses pierres, fait descendre le feu du ciel, égorgé 400 prophètes, prié avec instance, couru devant le char d’Achab pendant des dizaines de kilomètres. Et le voilà, quelques jours plus tard, découragé, sous un genêt, demandant à Dieu de mourir, doutant de sa mission, de lui-même, du peuple… (cf. 1 Rois 18-19)Le découragement d’Élie, qui est parfois aussi le nôtre, a sans doute plusieurs causes :
– On peut être pris par sa mission: on se donne à fond pour un travail pour Dieu et, quand il est fini, on se retrouve désemparé. Peut-être parce que le service pour le Maître a surpassé dans notre cœur le Maître du service.
– On peut être déçu du résultat de son travail : Élie espérait ramener le peuple à Dieu, mais il doit constater qu’en dépit de ses exploits du Carmel, Achab reste inféodé à Jézabel. Il n’a pas été plus efficace que ceux qui l’ont précédé.
– On peut cultiver le sentiment que tout repose sur soi : dans son réquisitoire contre son peuple, Élie multiplie les « je » en contraste avec les « ils ». Se croire indispensable et se voir incapable de tout faire, amène à une tension intérieure difficile à vivre.
– On peut manquer de mise en perspective : Élie avait courageusement fait face à 400 hommes et s’enfuit maintenant devant une seule femme.
Les conséquences sont la fuite devant ses responsabilités (qui avait dit à Élie que son service était fini ?), une vision biaisée et injuste de la réalité (Élie avait-il oublié qu’il n’était pas tout seul ?1 ), jusqu’à vouloir même mourir.
Comment sortir du doute ?
Dieu vient aider lui-même son prophète en lui envoyant un ange. Un frère ou une sœur découragé a souvent besoin d’un messager (autre sens du mot ange) de la part du Seigneur pour l’aider à repartir. L’ange apporte des éléments tangibles (un gâteau, une cruche). Le découragé est fortifié par un retour à la réalité concrète.
Mais ce qui a fait sortir Élie du doute est ce que Dieu lui a dit à l’entrée de la caverne du Sinaï. Le découragé, le moment venu, a besoin d’entendre la vérité sur Dieu et sur lui-même. S’il est dans cet état, c’est qu’il avait sans doute une vision faussée du Dieu qu’il servait ;or l’Éternel n’était pas seulement le Dieu de justice mais aussi le Dieu de grâce. Et lui-même, Élie, n’était pas le seul fidèle. Acceptons de revoir notre conception de Dieu et faisons un peu moins tout tourner autour de notre petite personne.
Quel bénéfice en retirer ?
« Va, reprends ton chemin », dit l’Éternel à Élie. Pour sortir du découragement, il est bon de retourner à l’activité. Mais pas à la suractivité. C’est pourquoi Élie doit partager son service avec Élisée qui lui succédera. Ainsi Élie comprend que tout ne repose pas sur lui. Servons Dieu dans notre mesure, dans notre temps, en étant conscients que c’est lui qui demeure et qui agit. Élie a bien compris la leçon, puisqu’il commence par oindre son successeur.
Job — ou le doute de l’éprouvé (livre de Job)
D’où vient son doute et comment se montre-t-il ?
Job a vécu une succession de drames : matériels avec la perte de ses biens, familiaux avec la mort de ses enfants, personnels avec sa maladie. Il est envahi par l’amertume, devant une souffrance qu’il juge imméritée.
Ses « amis » (Dieu nous garde de tels amis !) le suspectent de s’être très mal conduit pour mériter pareil sort. Alors Job se met à douter : il sait qu’il n’a pas commis de grave péché ; c’est donc que Dieu est injuste. Il s’isole et interpelle Dieu en le sommant de s’expliquer.
Une épreuve particulièrement douloureuse peut ébranler la foi, la confiance en Dieu. L’homme de la rue dira : « Mais qu’ai-je fait au bon Dieu pour mériter tout cela ? » Le chrétien ne le formulera pas ainsi, mais le pensera… L’épreuve devient tentation2 . Ai-je eu raison de croire dans un Dieu qui permet de telles circonstances ?
Comment sortir du doute ?
Après les longs plaidoyers de Job, Dieu intervient lui-même et lui parle de sa grandeur, de sa création. L’antidote à ce type de doute n’est pas l’explication de la souffrance — que Dieu ne donne pas — mais la vision de la souveraineté de Dieu. Laissons nos « pourquoi » et même nos « pour quoi » pour nous abandonner entre les mains d’un Dieu tellement plus grand, plus puissant, plus sage que nous, et qui nous aime, en dépit de tout.
Quel bénéfice en retirer ?
La fin du livre de Job est étonnante avec une happy end presque trop belle pour être vraie. Elle est là pour nous faire comprendre que le bonheur peut encore être présent. L’épreuve peut nous envahir au point de ne plus discerner les aspects positifs de la vie, alors que la joie cohabite souvent avec la souffrance (relisons l’Épître aux Philippiens pour en avoir la démonstration).
Dieu a demandé à Job de prier pour ses amis indélicats. Si notre épreuve a été renforcée par des consolateurs fâcheux, ne laissons pas l’amertume à leur encontre s’ajouter à notre douleur, mais intercédons pour ceux qui ont créé ou accentué le doute.
Asaph — ou le doute de l’aigri (Ps 73)
D’où vient son doute et comment se montre-t-il ?
Asaph enrage. Les méchants autour de lui prospèrent et lui souffre. Le sentiment de l’injustice du monde l’envahit. Il ne comprend pas le silence apparent de Dieu, son inaction. Il en vient jusqu’à dire : « C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et que j’ai lavé mes mains dans l’innocence. » (Ps 73.13).
Ce doute peut naître facilement dans notre cœur car, avec l’évangile, nous attendons volontiers la prospérité… Telle chrétienne voit ses collègues en couple et reste célibataire par fidélité au Seigneur. Ou tel entrepreneur chrétien perd des marchés parce qu’il refuse de verser un pot-de-vin. Etc. Effectivement, la foi implique des « sacrifices » et les refuser conduit à l’amertume qui avait envahi Asaph. De multiples questions se pressent alors à notre esprit : ai-je bien fait de confier ma vie au Seigneur ? Pourquoi ne récompense-t-il pas mes renoncements ? Quand va-t-il permettre que je sorte de cette situation ?
Comment sortir du doute ?
La première étape consiste à ouvrir son cœur à Dieu, comme le fait Asaph dans son Psaume. Disons tout ce que nous ressentons à Dieu, même les pensées dont nous ne sommes pas très fiers — il les connaît déjà parfaitement ! À la suite des psalmistes, nous constaterons la vertu apaisante de cette transparence.
La seconde étape nous amène à « pénétrer dans les sanctuaires de Dieu » (Ps 73.17). Il s’agit d’une façon poétique de désigner des moments de communion avec le Seigneur. Asaph saisit l’ampleur des plans de Dieu qui vont jusque dans la gloire. Mettre les circonstances en perspective de l’éternité permet de les relativiser. Connaître Dieu, vivre en relation avec lui devient un « bien » supérieur à la prospérité temporaire des méchants.
Quel bénéfice en retirer ?
Asaph voit sa relation avec Dieu transformée. Au lieu d’attendre les dons, il fait ses délices du Donateur. Et il peut « raconter toutes les œuvres » de son Dieu. Sa perspective s’est élargie, sa connaissance de Dieu approfondie. Transformons ainsi nos aigreurs en louanges !
Jean-Baptiste — ou le doute du déçu (Mat 11)
D’où vient son doute et comment se montre-t-il ?
Jean est dans une situation personnelle difficile : emprisonné par Hérode, il croupit dans un cachot alors qu’il avait drainé des foules considérables au Jourdain lorsqu’il prêchait le baptême de repentance. Il sent que son service est bientôt fini. Et Jésus qui ne fait rien pour lui. Se serait-il trompé sur son compte, lui qui le prenait pour le Messie tant attendu qui allait délivrer le peuple (Mat 11.2-3) ?
Nous pouvons connaître de tels moments de doute. Notre service peut s’arrêter brutalement ou ne pas porter les fruits escomptés. Nous nous trouvons dans une « prison » morale. Le Seigneur n’agit pas comme nous l’attendions et nous sommes déçus, déstabilisés, découragés… Pis, nous nous mettons à concevoir des doutes sur la réalité divine : « Es-tu vraiment celui que j’attendais ? » Ces doutes peuvent aller de l’existence même de Dieu à la remise en cause d’un de ses attributs, comme sa bonté, sa sagesse ou sa puissance.
Comment sortir du doute ?
Jean a la bonne réaction : il envoie ses disciples à Jésus. Si nous sommes en « prison »nous-mêmes, cherchons de l’aide auprès d’amis et demandons-leur de parler à Jésus pour nous, de nous aider à renouveler notre vision du Seigneur. D’une manière plus générale, ne gardons jamais nos doutes pour nous-mêmes mais ouvrons-nous à d’autres qui sauront nous aider à voir les choses sous un autre angle. Et même si nous ne pouvons pas réaliser tous nos plans, Dieu le sait ; abandonnons-lui nos projets interrompus ou les fruits de notre service.
Quel bénéfice en retirer ?
Immédiatement après, Jésus rend un témoignage extraordinaire à propos de Jean (Mat 11.7-11) : « plus qu’un prophète », « pas de plus grand que Jean-Baptiste » ! Loin de critiquer Jean pour ses doutes, il le met en valeur. Tirons-en un principe important : celui qui doute n’est pas disqualifié !
La réponse de Jésus a permis à Jean de mieux comprendre la réalité de l’action de Dieu. Il n’agit pas forcément selon nos schémas, mais il fait tout concourir à son but d’amour.
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D’autres exemples bibliques pourraient allonger cette liste — et ce numéro de Promesses en présentera quelques-uns. Mais relevons l’importance de la vision de Dieu : si le doute naît, c’est en général qu’elle est faussée ; si le doute s’efface, c’est qu’elle est corrigée.
Élie voyait un Dieu justicier ; Job pensait que Dieu était contre lui et Asaph qu’il était injuste ; Jean-Baptiste était déçu de Dieu dans ses attentes. Dieu est venu les rencontrer au fond de leur doute et il a changé leur vision : Élie a rencontré le Dieu de grâce ; Job a été amené à voir la souveraineté du Créateur ; Asaph est entré dans les sanctuaires pour y contempler l’action finale du Très-Haut et Jean-Baptiste a été encouragé par les miracles du Seigneur qu’on lui a racontés.
Nos propres doutes ne cadrent peut-être pas exactement avec ceux de ces fidèles d’autrefois, mais, au sein de notre perplexité, recherchons la face du Seigneur, demandons-lui de renouveler notre vision de sa personne et de son action — et comme autrefois, il répondra !