Dossier: Jérémie, prophète en temps de crise
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Ebed-Melec : Un Africain modèle en temps de crise (Jérémie 38-39)

 

L’histoire s’est passée à Jérusalem il y a environ 2600 ans. L’armée des Chaldéens campait au pied des murs de la ville. Le prophète Jérémie parcourait la ville en en prédisant la chute imminente et en encourageant le roi Sédécias, les princes et le peuple à se rendre. La peur régnait, ainsi que les maladies et la famine. Il était clair que la fin était proche, mais la classe dirigeante n’avait pas encore saisi cette réalité nouvelle. Elle était plus préoccupée de se sentir aux commandes que de se soumettre à la voix de Dieu révélée par l’intermédiaire de Jérémie. « Et les princes dirent au roi : Qu’on fasse donc mourir cet homme ! car pourquoi rend-il lâches les mains des hommes de guerre qui sont de reste dans cette ville, et les mains de tout le peuple, en leur parlant selon ces paroles ? car cet homme ne cherche point la prospérité de ce peuple, mais le mal. » Dans ces jours de tension qui menaient à la chute de Jérusalem, un esclave éthiopien nommé Ebed-Mélec servait dans le palais royal (38.4-7). Peu de temps avant l’invasion des Chaldéens, le Seigneur Tout Puissant a envoyé un message à ce païen de la classe ouvrière « car certainement je te sauverai, et tu ne tomberas pas par l’épée ; et tu auras ta vie pour butin » (39.18). Qu’est-ce qui rendait Ebed-Mélec différent des autres habitants de Jérusalem ?

  1. Ebed-Mélec — un homme compatissant

Le mot hébreu pour Ebed signifie « serviteur », et Melec « roi ». Le nom de cet eunuque éthiopien est mentionné six fois dans l’Écriture, et tout ce que nous savons à son sujet se trouve dans les chapitres 38 et 39 de Jérémie. La première fois, il nous est dit qu’il venait d’entendre que les princes du roi « avaient mis Jérémie dans la fosse » (38.7). Étant donnée l’impopularité du message de Jérémie et la crise à Jérusalem, il est tout à fait plausible que les dirigeants aient voulu le réduire au silence. Pourquoi Ebed-Mélec aurait-il tenu à s’impliquer ? Il est certain que ce qui était arrivé à Jérémie n’était pas de sa responsabilité.

Lorsque nous rechignons à agir, beaucoup de bonnes raisons font surface dans notre esprit pour justifier notre passivité. N’est-ce pas le travail du Seigneur que de défendre ses serviteurs ? Peut-être que le Seigneur est en train de polir le caractère de Jérémie par la souffrance ? Jérémie doit mourir un jour, pourquoi pas cette semaine ? Après tout, personne n’est indispensable dans le travail pour le Seigneur ! Mais Ebed-Mélec avait cultivé la compassion dans son cœur. Ce cœur sensible ne lui permettait pas de rester indifférent. Combien il est aisé d’être absorbé dans l’affairement sans fin de notre petit monde : mes études, ma famille, ma maison, mon travail, mon église locale, mon confort, mon avenir. S’il nous faut être utile au Seigneur dans une sphère plus étendue, nous avons besoin de cultiver la compassion dans notre cœur, un cœur qui nous poussera à écouter, à voir et à sentir au delà de nos responsabilités habituelles.

  1. Ebed-Mélec — un homme vertueux en harmonie avec Dieu

La fosse était profonde. Jérémie avait du mal à y bouger et à y trouver du repos, englué dans une boue épaisse. Il était transi, fatigué et affamé. Que font les prophètes dans de telles circonstances ? Vous êtes-vous déjà retrouvé désespérément réduit à l’impuissance ? Dans le livre des Lamentations, Jérémie décrit cela, ou une situation critique très similaire, dans un langage poétique : « J’ai invoqué ton nom, ô Éternel, du fond de la fosse. […] Au jour où je t’ai invoqué, tu t’es approché, tu as dit : Ne crains pas ! » (Lam 3.55,57) Après une telle douce proximité, le Seigneur lui-même vient délivrer son serviteur. S’il a permis à Pierre de marcher sur les eaux, il aurait pu permettre à Jérémie de marcher sur de la boue ! Si Élie a été enlevé dans les airs, alors le Seigneur aurait pu facilement tirer Jérémie hors de la fosse. Mais, comme il le fait habituellement, le Seigneur préfère agir par l’intermédiaire d’agents humains de bonne volonté. Qui à Jérusalem était toujours sensible à sa voix ? Qui le Seigneur pouvait-il utiliser ?

Sédécias, le roi de Juda, aurait pu être l’instrument idéal de Dieu. Il avait 32 ans, et régnait depuis 12 ans. Il était dans la meilleure situation pour intervenir. Mais moralement, c’était un homme faible. Son sens du bien et du mal avait été émoussé par des années de compromis politique. C’était en vue de son propre avantage qu’il satisfaisait ses princes (38.4-5). Ce danger nous guette également. Il arrive parfois que les responsables d’églises soient davantage enclins à se conformer à l’humeur de leurs amis ou de leur congrégation qu’à discerner la pensée de Christ. Dans l’affaire de Jérémie, n’y avait-il donc aucun auditeur en harmonie avec Dieu ? Ebed-Mélec possédait des convictions morales claires : il avait écouté Jérémie et il considérait que ce qui avait été fait à Jérémie était « mal » ou « méchant ». Par conséquent, il préparait son cœur à y porter remède. Que faisons-nous quand nous sentons que quelque chose est mauvais ? Nous détournons nos yeux si facilement. « Il faudrait vraiment faire quelque chose… », avons-nous tendance à dire. « Peut-être n’est-ce pas si mal que ça ? », commençons-nous à penser. La maturité morale est le fruit d’un exercice régulier : « … la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux qui, par l’usage, ont le sens exercé au discernement du bien et du mal. » (Héb 5.14). Même aujourd’hui, le Seigneur recherche des hommes et des femmes pieux pour porter remède au mal. Le Seigneur peut-il nous utiliser ?

  1. Ebed-Mélec — un homme audacieux qui a rompu le silence

Ebed-Mélec a quitté le palais, est allé trouver le roi et a dit : « Ô roi, mon seigneur, ces hommes ont mal agi en traitant de la sorte Jérémie, le prophète. » (38.8-9) Ce sont des paroles hardies de la part d’un serviteur devant son maître. Les rois, habituellement, n’aiment pas être repris, en particulier sur les sujets moraux. Et pourtant, en son for intérieur, le roi Sédécias savait qu’Ebed-Mélec avait raison. Il a tout de suite fourni à Ebed-Mélec 30 hommes pour faire « monter Jérémie le prophète hors de la fosse, avant qu’il meure » (38.10). Il y avait peut-être d’autres personnes à Jérusalem qui savaient ce qu’on avait fait à Jérémie et se sentaient mal à l’aise, mais elles ont choisi de garder le silence. Quand vous faites part de votre souci, vous vous impliquez dans le problème. Peut-être qu’on vous fera subir le même sort qu’à celui que vous défendez. Votre loyauté vis-à-vis de la cause du peuple peut être remise en question. Il faut de l’audace pour rompre le silence. Il faut de la conviction pour tenir ferme face au courant. Vous avez peut-être remarqué quelque chose qui a besoin d’être corrigé : de la mondanité qui entre insidieusement chez vous, une attitude morale incorrecte qui devient normale sur votre lieu de travail, une décision ou une pratique en conflit avec l’Écriture qui est acceptée par les chrétiens avec lesquels vous êtes en communion. Il est à remarquer qu’Ebed-Mélec n’a pas déclenché une campagne pour destituer le roi et ses princes. Il a utilisé les moyens appropriés. Il a été l’instrument qui a fait changer l’avis du roi à ce sujet. Il a calmement expliqué avant d’agir. De mauvaises façons d’agir ont gravement porté préjudice à beaucoup de bonnes causes, nobles et morales. Nous sommes appelés à faire le travail de Dieu, mais à la manière de Dieu.

  1. Ebed-Mélec — un homme conséquent, qui a pesé de tout son poids

Vous avez besoin d’avoir les yeux ouverts et les oreilles attentives pour détecter un problème. Vous avez besoin d’un cœur compatissant pour vous identifier avec un malheureux. Vous avez besoin de hardiesse pour faire connaître votre sentiment. Et pourtant, Ebed-Mélec ne s’est pas contenté d’idées, de mots et de négociations. Il a pris des hommes, des chiffons, des cordes, « et ils tirèrent Jérémie dehors avec les cordes, et le firent monter hors de la fosse. » (38.11-13) Il s’est sali les mains et a mis tout son poids dans la balance.

Lorsque le Seigneur nous met un souci brûlant au cœur, il veut nous voir agir d’une manière ou d’une autre. Penser et parler, ce n’est pas assez. Si le Seigneur vous met à cœur la condition spirituelle d’un ami ou d’un parent, le fardeau ne s’allègera que lorsque vous commencerez à agir. Priez. Écrivez-lui un email ou une carte. Envoyez-lui un CD de musique ou un livre. Invitez-le à un évènement chrétien. Recherchez activement des opportunités. Le Seigneur a accordé à ses disciples de voir les besoins dans le champ de la moisson, et ensuite il leur a demandé de prier : « Suppliez donc le Seigneur de la moisson, en sorte qu’il pousse des ouvriers dans sa moisson. » Un peu plus tard, Jésus envoie ces douze pour travailler dans ce champ de la moisson (Matthieu 9.35 à 10.16). Chez Ebed-Mélec, nous voyons l’heureuse concordance entre le cœur et les mains, entre le souci et l’implication pratique, entre les paroles et l’action …

  1. Ebed-Mélec — un homme calme qui a choisi de faire confiance à Dieu

Jérémie tiré de la fosse, l’attention s’est de nouveau portée sur la crise globale : l’invasion imminente. Le roi Sédécias et Ebed-Mélec étaient tous deux effrayés par l’armée brutale qui assiégeait la ville. Peut-être Ebed-Mélec était-il aussi effrayé à l’idée de ce que lui réservaient les princes du roi en représailles pour avoir aidé Jérémie. Le roi Sédécias a fait appeler Jérémie secrètement, et lui a demandé un message de la part du Seigneur. Le message de Jérémie n’avait pas changé : « Si tu sors franchement vers les princes du roi de Babylone, ton âme vivra et cette ville ne sera point brûlée par le feu » (38.17) Rien qu’à l’idée d’obéir à cet ordre, Sédécias était paralysé de peur. Qui craignait-il ? « Je crains les Juifs qui sont passés aux Chaldéens. » (38.19) Pourquoi les craignait-il ? Parce que Sédécias et ses princes avaient maltraité ceux qui essayaient de se rendre. Ils les avaient appelés déserteurs et traîtres. Ceux-ci avaient été arrêtés et battus (37.13-15). Sédécias savait qu’il était dans une position difficile : pour se rendre aux Babyloniens, il aurait dû faire ce qu’il avait précédemment condamné. Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une situation similaire ? Avez-vous été capable de reconnaître et d’admettre avoir mal agi ? Les erreurs publiques exigent une confession publique.

Jérusalem est tombée. Les Babyloniens ont incendié la ville. Les enfants de Sédécias ont été tués devant lui. Il a été enchaîné, ses yeux ont été crevés, et il est mort à petit feu en exil. Sédécias a payé le prix fort pour avoir résisté à la direction du Seigneur. Nous pouvons voir ici une image vivante des tristes effets du manque d’humilité dans la conduite chrétienne, que ce soit à la maison ou dans l’assemblée. Si nous ne sommes pas disposés à écouter sa voix et à ajuster notre comportement en conséquence, nous perdrons nos « yeux » — notre aptitude à percevoir la direction à venir. Nous resterons enchaînés et limités par des schémas et des traditions malsains. Nous cesserons d’être des modèles pour nos enfants — nous perdrons la génération qui vient. Nous serons source de douleur pour les autres. Et finalement, nous mourrons, mais très loin de là où le Seigneur aurait voulu nous bénir. Et au sujet d’Ebed-Mélec ? Il a vécu en paix : « En ce jour je te délivrerai, dit l’Éternel, et tu ne seras pas livré entre les mains des hommes que tu crains. Je te sauverai […] parce que tu as eu confiance en moi. » (39.17-18) Libre et comblé de bénédictions, avec la joie et la légèreté de cœur qui viennent par l’obéissance, Ebed-Mélec est calmement retourné dans l’ombre.

Conclusion

Vous n’êtes peut-être pas un conducteur. Ebed-Mélec non plus. Vous avez peut-être choisi de vous installer dans une vie chrétienne passive à cause de votre nationalité, de votre race, de votre manque de force virile, de votre âge ou de votre position sociale. Ebed-Mélec était désavantagé sur de nombreux plans, mais aujourd’hui, plus de deux millénaires et demi après sa mort, ses actions nous servent toujours de modèle ! Dans les mains du Dieu Tout-puissant, vous et moi pouvons aussi changer le cours des choses.

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Nunn Philip
Philip Nunn a travaillé de 1992 à 2007 en Colombie comme missionnaire. À ce titre, il a été très impliqué dans l’implantation de plusieurs nouvelles assemblées chrétiennes. Toujours en contact avec la Colombie, il vit aux Pays-Bas, à Eindhoven, où il s’est établi. Il a aujourd’hui principalement un ministère d’enseignement, dont une partie est disponible en ligne en différentes langues : www.philipnunn.com.