Dossier: Jérémie, prophète en temps de crise
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Introduction à Jérémie

Cette introduction est adaptée d’un commentaire de Pierre de Benoit, Le Prophète Jérémie, paru en 1942 aux éditions Emmaüs, épuisé depuis longtemps.

Le livre de Jérémie est le reflet saisissant d’une des époques les plus tragiques de l’histoire du peuple juif. Le royaume d’Israël, des dix tribus au nord, avait succombé déjà un siècle auparavant, et comme Juda ne s’était pas repenti, l’heure de son agonie avait aussi sonné. Jérémie a non seulement vécu à cette époque troublée entre toutes, mais il a été mêlé comme acteur à tout ce drame ; acteur malheureux, il est vrai, dont les interventions n’ont pas été couronnées de succès, mais acteur tout de même, passionné, sensitif, vibrant de foi et de patriotisme, quoique incompris, repoussé, persécuté à mort.

Il est donc impossible de comprendre le livre de Jérémie sans tenir compte de l’histoire contemporaine et de la vie mouvementée et tragique du prophète. Cette vie nous est mieux connue que celle de n’importe quel autre « voyant »[1] de l’ancienne alliance ; elle pénètre toutes les pages du livre et explique la plupart des difficultés que nous y rencontrons. L’arrangement des chapitres, dont un bon nombre sont datés, n’est pas strictement chronologique, et les exégètes ont toujours de la peine à expliquer ce fait comme à résoudre les nombreux problèmes qu’il pose. Mais on s’est souvent laissé entraîner trop loin. En réalité, nous allons voir que la situation est moins compliquée qu’on ne l’a cru.

Voici les rois de Juda qui se sont succédé sur le trône pendant le ministère de Jérémie, avec la date approximative de leur règne :

 

Les règnes courts et insignifiants de Joachaz et de Jojakin n’ont pas besoin de retenir spécialement notre attention. Nous distinguerons donc simplement quatre périodes dans le ministère de Jérémie : les trois règnes de Josias, de Jojakim et de Sédécias, et les années qui ont suivi la destruction de Jérusalem. Son livre se compose essentiellement de quatre groupes de chapitres qui correspondent à ces quatre époques.

Parmi les chapitres datant du temps de Sédécias sont intercalés des chapitres de l’époque précédente (ch. 35 et 36). Enfin, le livre se termine par un triple appendice, à savoir par un message à Baruc (ch. 45), par une série de prophéties contre des peuples étrangers (ch. 46 à 51), et par la reproduction, presque inchangée, de la dernière page du livre des Rois (ch. 52).

Jérémie : son nom, sa famille et sa personne

Le nom de Jérémie signifie « Celui que Jéhovah a établi ». Peut-être que 1.5,10,18 et 6.27 font allusion à ce nom ; mais ce n’est pas certain, car deux autres verbes, signifiant chacun établir, sont employés dans ces passages. On a parfois aussi traduit le nom par « L’Éternel est élevé ».

Son père Hilkija était sacrificateur. Comme il est simplement appelé « l’un des sacrificateurs d’Anathoth », il est probable qu’il faille le distinguer de son contemporain, le souverain sacrificateur Hilkija, qui est devenu célèbre, à l’époque de Josias, par la découverte du livre de la loi (2 Rois 22.8).

Jérémie était donc un lévite. Mais il semble qu’il n’a jamais exercé les fonctions sacerdotales. Sa petite ville natale, Anathoth, située dans le territoire de Benjamin, à 5 km au nord-est de Jérusalem, était une des localités données par Josué aux descendants d’Aaron (Jos 21.9,10,17,18). Jérémie y avait un oncle du nom de Schallum, qui était peut-être le mari de la prophétesse Hulda (2 Rois 22.14). Peu avant la prise de Jérusalem, Jérémie racheta à son fils Hanameel, qui était donc son cousin, un champ situé à Anathoth (Jér 32.7). Sur l’ordre de Dieu, Jérémie est resté célibataire (16.1-2).

Son style est moins classique que celui d’Ésaïe, qui est né au moins cent trente ans avant lui. C’était une période de décadence, et il n’est pas étonnant que Jérémie écrive un peu plus lourdement qu’Ésaïe. Son langage est néanmoins vif, poétique et imagé ; il est plein de sentiment, surtout de tendresse et d’indignation ; il exprime la foi, la résignation et l’obéissance, mais parfois aussi le découragement.

Jérémie doit être né vers la fin du règne du terrible roi Manassé, vers 645. Il a grandi sous Amon (643-641) et sous Josias, et a commencé à prophétiser la treizième année du règne de ce dernier, en 629 ou 628. Il était encore si jeune qu’il a pu s’écrier : « Je suis un enfant. » (1.6) Il a ensuite vu se succéder les quatre derniers rois de Juda ; il a subi le long siège de Jérusalem, pendant la seconde moitié duquel on l’a jeté en prison ; et il a finalement, après la mort du gouverneur Guedalia, été emmené en Égypte, où il a encore prophétisé. Son ministère a donc duré près de cinquante ans, et, selon toute vraisemblance, il est mort à près de soixante-dix ans, en Égypte.

[1] NDLR : Le terme de « voyant » est synonyme de prophète dans l’A.T. ; de nos jours, il est plutôt synonyme d’astrologue.

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