Dossier: Le livre de Job
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Le silence de Dieu dans la souffrance de Job

Seigneur, pourquoi ?

Quand les choses ne vont pas dans le sens où nous le voudrions, lorsqu’une porte se ferme ou qu’une maladie nous frappe, notre réaction est souvent la suivante : « Seigneur pourquoi ? » De même, quand nous sommes face à une décision importante et que les choses sont floues nous demandons : « Seigneur quand montreras-tu le chemin, quand répondras-tu ? »
Dieu agit parfois d’une façon qui est difficile à comprendre. Pourtant la sagesse de Dieu est infinie et il bénéficie d’une vision d’ensemble qui nous échappe à nous, êtres humains.
Dans le cimetière militaire anglais du Caire se trouve la tombe d’Oswald Chambers, évangéliste écossais du début du XXe siècle, dont les écrits édifient les chrétiens encore aujourd’hui. Durant la première guerre mondiale, il quitta le confort de son ministère en Grande-Bretagne pour s’engager comme aumônier de troupes. Il eut un impact grandissant envers les militaires britanniques basés en Égypte jusqu’au jour où une crise d’appendicite le toucha. Il refusa d’aller à l’hôpital, ne voulant pas occuper le lit d’un futur soldat blessé au combat. Il finit par être traité en urgence douze jours après la crise et mourut des complications de l’opération à l’âge de 42 ans. Pourquoi Dieu a-t-il permis qu’un de ses serviteurs prometteurs, qui avait tant sacrifié et dont l’humilité et l’amour pour le prochain l’avaient poussé à refuser les soins dont il avait besoin, mourût de la sorte ? N’aurait-il pas pu prendre soin de son enfant dévoué ? Pourquoi Dieu est-il resté silencieux ?

Job, le juste qui souffre

Dans la Bible, cette question est également posée et débattue en détail dans le livre de Job. Job était un homme qui suivait Dieu et lui portait un culte sans faille (1.8 ; 2.3). Il se voit privé de tout : ses biens (1.13-17), ses enfants (1.18-19), sa santé (2.7-8). Face au silence de Dieu, dans sa souffrance, il demande : « Pourquoi ? » (13.20-251 ) Alors que le silence de Dieu perdure, Job le questionne sur sa justice (7.17-21 ; 10.2-6), se trouvant sans faiblesses ou péchés qui justifieraient ce qui lui arrive (9.2-4, 14-22 ; 16.172 ). Il désire alors défendre sa cause devant Dieu (23.1-7[notCf. Job 13.3 ; 16.20-21[/note]) tout en ayant confiance que Dieu le défendra et lui sera favorable (19.25-27). Job croit, en effet, que Dieu est juste et il lui reste fidèle (27.1-6). Mais face à cette plainte de Job dans sa souffrance Dieu reste silencieux, absent.
Cela est d’autant plus surprenant que ses amis Éliphaz, Bildad et Tsophar, qui arrivent à la fin du chapitre 2 (Job 2.11-13) pour encourager Job, ne font qu’empirer les choses allant même jusqu’à faire son procès. Leur logique est simple : si Dieu est satisfait d’une personne, de ses actions religieuses, alors il la bénira. Au contraire, si Dieu n’est pas satisfait de la consécration d’une personne à son égard, ou à cause d’un péché commis, Dieu enverra son jugement, sa malédiction. Cette relation de cause à effet3 est connue comme la théologie de la rétribution. Pour les amis de Job, s’il souffre c’est qu’il a péché. L’explication pour eux est donc que Dieu est silencieux car il attend que Job se repente, et une fois cette étape franchie, Dieu bénira Job à nouveau. Cette logique est aussi celle du diable qui nous inspire bien souvent ce sentiment de culpabilité quand Dieu semble loin ou silencieux : « Qu’ai-je fait de faux ? Dieu ne doit plus m’aimer. Je n’en vaux pas la peine. »
Comment donc comprendre ce silence de Dieu dans les souffrances de Job ?

Dieu, au-dessus de la souffrance

Une piste de réflexion se trouve dans la structure globale du livre. En effet, le début et la fin de Job posent le contexte sous une forme narrative. Puis nous avons une série de dialogues (chapitres 4 à 27) où Job répond successivement à ses amis et enfin une série de monologues (chapitres 29 à 41). Au centre, le chapitre 28 forme un poème ayant pour thème la sagesse se terminant par le verset 28 : « Puis il [Dieu] dit à l’homme : « La crainte du Seigneur, voilà en quoi consiste la sagesse. S’éloigner du mal, voilà en quoi consiste l’intelligence » » (28.28, S21).
Dans le poème du chapitre 28, nous pouvons identifier une transition dans la manière dont le thème de la souffrance est traité. Dans les dialogues du début, l’accent est mis sur le « pourquoi ? » de la souffrance : sa cause, sa raison dont Job et ses amis débattent. Mais alors que Job 28.28 nous apprend que la sagesse4 c’est la crainte du Seigneur et s’éloigner du mal, nous sommes progressivement amenés vers une autre question, non plus de la raison de la souffrance mais de sa signification. La question « Qu’est-ce que la souffrance peut nous apprendre sur Dieu, sur nous, sur le plan de Dieu pour nous », est alors débattue avec pour réponse le monologue de Dieu dans les chapitres 38 à 41. Dans ce monologue, la présentation de deux animaux redoutables que l’homme ne peut dompter indique à Job que la souffrance n’est pas voulue de Dieu mais qu’elle fait partie de la condition humaine.
Dieu ne répondra jamais à Job sur le pourquoi de sa souffrance, mais il donnera une longue explication sur sa signification. Dieu est en effet au-dessus de cette relation de cause à effet, bien au-dessus de la souffrance et du péché. En tant que créature, nous ne pouvons pas comprendre le pourquoi de la souffrance et ce n’est pas notre rôle de le faire. La souveraineté de Dieu, son œuvre (38-39) ne peuvent être comprises par l’être humain car il n’a pas la vue d’ensemble qui est celle de Dieu. Au final, Job peut seulement reconnaître la supériorité de Dieu, lui faire confiance et reconnaître sa sagesse même dans sa souffrance (42.1-6). Job répond par l’humilité, la repentance et l’acceptation.

Notre réponse à la souffrance

Comment appliquer cette compréhension de la souffrance dans nos propres vies ? Comment comprendre les silences de Dieu quand nous souffrons ? Tout d’abord, il faut pouvoir se positionner devant Dieu, comme Job l’a fait (19.25), et se rappeler que Dieu est notre rédempteur. Dieu est au-dessus de la souffrance mais la souffrance ne lui échappe pas, tout comme celle de Job qui ne lui a pas échappé. Il ne se plaît pas à nous voir souffrir en silence voulant qu’on lui donne une confiance aveugle comme un roi qui se soucierait peu de ce que vivent ses sujets. Non ! même si nous ne comprenons pas notre souffrance, nous pouvons avoir confiance dans les promesses de la Bible disant que Dieu est bon et bienveillant (Ps 31.20-21 ; 34.8-9), qu’il veut le meilleur pour nous (Rom 8.28), qu’il est avec nous en tout temps (Mat 28.20b). Dieu l’a prouvé à Job en le rétablissant à la fin de sa vie et en lui donnant plus que tout ce qu’il avait perdu (42.7-16) Dieu est du même côté que nous quand nous traversons la souffrance (42.7).
Il est naturel de douter quand les choses ne vont pas comme on le voudrait, mais si la Bible nous promet que Dieu est avec nous, alors essayons de chercher ce que Dieu veut nous apprendre, de comprendre comment continuer à le suivre dans cette nouvelle situation. Essayons de nous rapprocher de lui et de continuer à rayonner de l’Évangile, même si nous ne comprenons pas tout, même si Dieu est silencieux. Ayons la même attitude que Job envers Dieu, sachant qu’il ne va pas non plus travailler contre nous. Si nous nous positionnons de la sorte devant Dieu comme ses enfants confiants en leur Père céleste, nous souffrons avec lui et quand il est silencieux nous restons près de lui jusqu’à ce qu’il agisse, nous enseigne, ou nous donne une conviction.
Écclésiaste (7.14) dit : « Au jour du bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, réfléchis : Dieu a fait l’un comme l’autre, afin que l’homme ne découvre en rien ce qui sera après lui. » En mettant ce verset à la lumière du message de Job, on en déduit que lorsque la souffrance est là, nous devons chercher la signification, le « à quoi » et non pas chercher la raison, le pourquoi. Dieu, en effet, est parfois silencieux pour nous permettre ce temps de réflexion, de maturation, pour que l’on puisse passer du « pourquoi » au « à quoi » suivant ce qu’il nous enseigne. Dieu nous laisse le temps de grandir en lui, en cherchant cette sagesse qui est la crainte de Dieu, en nous donnant l’opportunité de le connaître de mieux en mieux.
Pourquoi Dieu permet-il la souffrance, parfois de manière plus forte et plus dure pour certains que pour d’autres, est une question dont nous n’avons pas la réponse. Mais nous pouvons nuancer notre attitude et chercher quels progrès Dieu veut nous voir faire à travers l’épreuve. Cela reste un combat qui n’est gagné pour personne, mais la marche chrétienne est une école de vie où nous devons apprendre à marcher humblement avec le Seigneur, qui est là pour nous aider.

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  1. Cf. Job 3.20-26 ; 10.18-22
  2. Cf. Job 12.4-5 ;13.13-19
  3. Gordon D. Fee, Douglas Stuart, How to read the Bible book by book : a guided tour, Zondervan, 2002, p. 123.
  4. Dans la Bible, la sagesse signifie les compétences ou aptitudes pour vivre notre vie de tous les jours en accord avec le plan de Dieu révélé au monde. Ici la sagesse dont il est question est l’aptitude à vivre la souffrance dans la vie de tous les jours selon ce que Dieu considère juste. En somme, en s’abandonnant à lui et en le suivant humblement.
Dossier : Le livre de Job
 

Lechot Cédric
Cédric Léchot a travaillé plusieurs années en Indonésie dans le développement agricole. Son fardeau pour l’Asie l’a ensuite conduit en Corée du Sud où il a obtenu un Master of Divinity en études pastorales, orientation missionnaire. Il est marié avec Chanmi, une jeune fille coréenne qu’il a rencontrée lors de ses études. En 2017, on lui a diagnostiqué une spondylarthrite périphérique ce qui l’a amené à réfléchir et à méditer sur ce thème de la souffrance.